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Remaniement ministériel : Nouvelle vision

May Al-Maghrabi, Mardi, 24 décembre 2019

Le nouveau gouvernement, annoncé dimanche, compte 22 ministres et 10 nouvelles figures. La fusion de plusieurs ministères et la nomination d’un ministre d’Etat à l’Information sont parmi les principales caractéristiques de ce remaniement.

Remaniement ministériel : Nouvelle vision

Le nouveau gouvernement du premier ministre Moustapha Madbouli, qui dirigeait le cabinet sortant depuis 2017, a prêté serment dimanche devant le président de la République. Le remaniement a été approuvé par le parlement conformément à l’article 147 de la Constitution. Composé de 22 ministres dont 10 nouvelles figures, le remaniement comprend notamment la nomination d’un ministre d’Etat à l’Information (voir sous-encadré), l’attribution des portefeuilles de l’Investissement et de la Réforme administrative au premier ministre, la fusion des ministères du Tourisme et des Antiquités ainsi que la séparation des ministères de la Planification et de la Coopération internationale. Ce dernier a été attribué à l’ex-ministre du Tourisme, Rania Al-Machat. Après la fusion des ministères du Tourisme et des Antiquités, c’est l’ex-ministre des Antiquités, Khaled El-Enany, qui a été chargé du portefeuille. Le conseiller Omar Marwan est parmi les anciens ministres nommés au nouveau gouvernement comme ministre de la Justice, alors qu’il occupait le poste du ministre d’Etat pour les Affaires parlementaires. Ce portefeuille a été confié à Alaa Fouad.

Nouvelles figures

Le remaniement n’a touché ni les ministères-clés, ni ceux de services. De nouvelles figures ont rejoint le gouvernement. Parmi elles le pilote Mohamad Manar, ministre de l’Aviation civile, et Al-Sayed Al-Qosseir, nouveau ministre de l’Agriculture, qui occupait le poste de PDG de la Banque du développement et de crédit agricole. Névine Al-Qabbag succède à Ghada Wali, ministre sortante de la Solidarité sociale, qui vient d’être nommée directrice exécutive de l’Office des Nations-Unies contre la drogue et le crime. La nouvelle ministre a été ministre adjointe pour la protection sociale et a été responsable d’importants programmes sociaux dont Takafol wa Karama (solidarité et dignité).

Favoriser l’investissement

L’ex-ministre de la Planification et de la Réforme administrative, Hala Al-Saïd, a été chargée du ministère de la Planification et du Développement économique, après l’attribution de la Réforme administrative au premier ministre. Une restructuration qui a sorti du gouvernement l’ex-ministre Sahar Nasr, qui assumait le portefeuille de l’Investissement et de la Coopération internationale depuis 2017. Une des surprises de ce remaniement surtout que Sahar Nasr était l’une des ministres les plus actives du gouvernement. Selon Rachad Abdou, expert économique, le recul des investissements a été la principale cause du départ de Sahar Nasr et surtout de l’attribution de ce portefeuille au premier ministre. Selon les rapports de la Banque Centrale, le volume des investissements étrangers a baissé au cours des deux dernières années de 23,5 % enregistrant 5,9 milliards de dollars par rapport à 7,7 milliards de dollars au cours de l’année 2017-2018. Ce qui ne remet pas en cause les réalisations importantes de Sahar Nasr. Concernant l’enjeu des changements au sein du groupe économique, il explique que l’augmentation des investissements est aujourd’hui en tête des priorités de l’Etat pour transformer la réussite du programme de réforme en plans concrets.

L’attribution des dossiers de l’investissement et de la réforme administrative au premier ministre vise à contourner la bureaucratie qui est l’une des causes entravant l’attraction des investissements. « Cela devrait permettre d’unifier les décisions et les politiques sur ce dossier », pense l’expert, notant qu’après ce remaniement il a été décidé d’élargir les prérogatives de l’Organisme général de l’investissement. Il affirme que la nomination de Névine Gamie, qui était en charge d’un organisme gouvernemental pour les petites et moyennes entreprises, comme ministre du Commerce et de l’Industrie en succession à Amr Nassar, s’inscrit aussi dans le cadre de la réforme du groupe économique visée par le remaniement.

L’heure est au changement

Le remaniement ministériel est jugé nécessaire pour diffuser du sang neuf permettant de répondre aux exigences de la période et de mettre à exécution les plans de l’Etat, comme l’affirme le politologue Hassan Salama. « L’Etat travaille en ce moment sur la réforme de l’appareil administratif, et est en train de mettre en place d’importantes stratégies pour réaliser l’essor économique, transformer l’Egypte en centre énergétique régional, passer à l’ère numérique, rejoindre la quatrième révolution industrielle et se lancer dans le domaine de l’intelligence artificielle. Il était nécessaire de revitaliser le gouvernement et de le restructurer pour répondre aux défis », explique Salama, ajoutant que si le remaniement n’a pas touché les ministres de services c’est parce que l’enjeu essentiel est économique. Selon Salama, la fusion et la séparation de certains ministères est l’un des traits importants de ce remaniement. « Cela permet d’unifier les visions, de mettre en place des stratégies homogènes et d’assurer une meilleure performance en confiant les dossiers similaires à un seul ministre et en allégeant les dossiers confiés à d’autres ministères », estime Salama.

« Dans son ensemble, le remaniement est venu donner un nouvel élan au gouvernement et rectifier les défaillances existantes. Il reste que le nouveau gouvernement a d’importants défis à relever », conclut Salama.

Pourquoi un ministre d’Etat à l’Information ?

La nomination d’un ministère d’Etat à l’Information — Ossama Heikal, chef de la Commission des médias, de la culture et du patrimoine et ancien ministre de l’Information (2011) —, a été l’un des changements sujets à d’importants débats. Le ministère de l’Information avait été annulé après la création, en vertu de la Constitution de 2014, de trois organismes indépendants pour la gestion des médias officiels et de la presse écrite nationale. D’où l’imbroglio créé par cette annonce, d’autant plus que les prérogatives du ministre d’Etat à l’Information ne sont pas déterminées.

Le débat porte sur deux principaux points : la constitutionalité de ce poste et la probabilité d’interférences entre les pouvoirs du ministre et ceux des présidents des Organismes de médias et de presse. Sur le premier point, le juriste en droit constitutionnel, Chawki Al-Sayed, tranche l’affaire indiquant que la Constitution de 2014 n’inclut aucun article l’interdisant, et que le président de la République a le pouvoir, en vertu de la Constitution, de créer n’importe quel poste servant les politiques de l’Etat. D’autant plus qu’il ne s’agit pas d’un ministre d’Information mais d’un ministre d’Etat à l’Information. « Il existe une grande différence entre les deux postes, le premier est exécutif alors que le second est politique », souligne Chawki. Et là réside le véritable problème selon Yasser Abdel-Aziz, professeur à la faculté de mass media. « Même si la création de ce poste est constitutionnelle, elle nous met face à un ministre sans prérogatives ou un ministre qui empiétera sur celles des organismes existants », dit-il, tout en ne trouvant pas de raison valable pour cette décision qui risque de créer une certaine confusion. Des craintes infondées, selon Karam Gabr, président de l’Organisme national de la presse, qui a déclaré que cette nomination répond à une demande populaire et vise à réorganiser le paysage médiatique.

Partageant la même vision, Sami Abdel-Aziz, ancien doyen de la faculté de communication, affirme qu’il n’existera pas aucune interférence de pouvoirs entre le nouveau ministère d’Etat et les organismes, dont le rôle est, selon lui, de gérer les médias et la presse au niveau administratif et organisationnel. « Il ne relève pas du rôle des organismes de définir les politiques médiatiques et éditoriales des médias et de la presse officiels. Un rôle que devrait assumer le nouveau ministère qui représentera l'Etat », souligne Abdel-Aziz.

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