Al-Ahram Hebdo : Quelle est l’importance de l’organisation de cette conférence en Egypte ?
Ahmed Haggag : L’Egypte accueille cette conférence en sa qualité de présidente de l’Union Africaine (UA), mais aussi suite à ses efforts réussis en matière de lutte contre la migration illégale. La conférence vise principalement à discuter les mécanismes de protection des migrants africains. Par ailleurs, la présidence du RINADH est transmise à l’Egypte à l’occasion de la conférence.
— Quels sont les principaux thèmes abordés lors de la conférence ?
— Les moyens d’organiser la migration et de s’attaquer aux facteurs favorisant la migration illégale en Afrique est le principal thème débattu par les organisations et les institutions des droits de l’homme africaines participant à cette conférence. Celle-ci vise à cristalliser une vision commune sur l’activation du Pacte mondial sur la migration, adopté par l’Onu fin 2018 et basé sur la garantie d’une migration sûre, ordonnée, régulière et respectant les principes des droits de l’homme. Un objectif qui ne peut être atteint que grâce à une collaboration étroite des acteurs nationaux, régionaux et internationaux, ce qui constitue le rôle principal du RINADH. Entre autres, la discrimination et la violence contre les femmes et les minorités dans les pays africains ainsi que les conditions économiques, de santé et sociales précaires sont également abordées.
— Comment le RINADH peut-il coopérer avec les gouvernements sur ce dossier ?
— Tout d’abord, il faut savoir qu’il s’agit d’un organisme regroupant 44 Institutions Nationales non gouvernementales des Droits de l’Homme (INDH) en Afrique. Ces INDH jouent un rôle important au sein des juridictions de leur pays en matière de collecte et d’analyse d’informations sur les dossiers de droits de l’homme. Elles reçoivent les plaintes des citoyens et oeuvrent à défendre leurs droits, tout en essayant d’encourager les gouvernements à conclure des accords internationaux garantissant les droits des migrants africains. Il s’agit donc d’une coalition influente des ONG et même si leurs décisions ne sont pas contraignantes pour les gouvernements, elles sont prises en considération par ces derniers.
— En quoi consiste exactement la stratégie du RINADH en matière de réglementation de la migration ?
— Elle porte sur deux axes principaux : le premier est de diminuer le nombre de migrants africains grâce à des investissements et à la mise en place de projets dans les pays africains les plus pauvres. Cela contribue à promouvoir le développement et à créer des emplois, notamment pour les jeunes. Or, pour ce faire, il faut un budget colossal, que les pays africains ne sont pas en mesure d’assumer. Et là, il relève du rôle des pays occidentaux, qui subissent directement les répercussions de la migration illégale, de contribuer d’une manière plus efficace au développement de l’Afrique pour réduire le nombre de migrants. Le second axe de notre stratégie consiste à préserver les droits des migrants et de leurs enfants dans les pays hôtes, afin de leur fournir une éducation, une protection de santé et des opportunités de travail sûres.
— Les efforts de lutte contre ce phénomène en Afrique ont-ils abouti à réduire le flux des migrants africains vers l’Occident ?
— Bien que le nombre de migrants africains ait baissé par rapport aux années précédentes, l’Afrique représente toujours la principale source de migration. Selon les derniers rapports de l’Onu, plus de 19 millions d’Africains vivent en dehors de leur pays de naissance, mais toujours sur le continent. 17 millions d’Africains supplémentaires ont émigré du continent. La majorité de ces émigrants est allée en Europe (55 %) et en Asie (26 %), principalement dans les Etats du Golfe. Ils sont menacés d’être victimes de violation des droits humains dans les pays hôtes, vu qu’ils franchissent souvent les frontières sans documents légaux, alors que d’autres tombent dans les mains des passeurs et des trafiquants. D’où l’importance de la coopération entre l’Afrique et l’Occident au niveau gouvernemental et non gouvernemental, en vue d’endiguer ce phénomène en Afrique et assurer plutôt une migration régulière et sûre.
— N’existe-t-il pas des accords signés entre l’Afrique et l’Occident pour protéger leurs droits ?
— Certains engagements ont été conclus entre l’Afrique et l’Europe sur la mise à disposition d’emplois, de logements et d’éducation aux migrants, mais ils ne sont pas encore appliqués de manière satisfaisante. L’ampleur et les répercussions de ce phénomène impliquent un engagement plus sérieux de toutes les parties envers ce dossier.
Lien court: