Les portes des pharmacies d’Elezaby et de Roshdy, plus importantes chaînes de pharmacies, resteront-elles toujours ouvertes ? La question reste posée depuis la semaine dernière suite à la décision du ministère de la Santé de radier leurs propriétaires, le Dr Ahmad Elezaby et le Dr Hatem Roshdy, des listes des pharmaciens inscrits au ministère. Selon le ministère de la Santé, cette mesure vient répondre au jugement du tribunal d’appel du Caire, émis en juillet 2017, et qui avait confirmé la décision de l'ordre des Pharmaciens de radier ces deux pharmaciens. Ils étaient accusés d’avoir violé la loi 127 de 1955 sur l’exercice du métier, dont l’article 30 interdit à un pharmacien de posséder plus de deux pharmacies. Et ceci alors qu’Elezaby et Roshdy possèdent deux chaînes chacune comprenant des dizaines de pharmacies.
Pour contourner la loi, ils ont loué leurs pharmacies à d’autres pharmaciens même s’ils portent les noms d’Elezaby ou de Roshdy et travaillent sous leur administration. Le ministère a de même décidé de suspendre, pour un an, les pharmaciens qui ont loué leurs pharmacies à ces deux chaînes. « Nos pharmacies travaillent normalement jusqu’à nouvel ordre », a commenté Ahmad Elezaby, indiquant qu’il est en contact avec la ministre de la Santé pour trouver une issue à cette affaire.
Une affaire qui date de 2015
De son côté, l'ordre des Pharmaciens s’est félicité d’une décision qui vient affronter le phénomène des chaînes « illégales » de pharmacies, menaçant le sort du métier et favorisant des pratiques monopolistes. Le syndicat avait entamé ce combat contre les chaînes de pharmacies devant la justice en 2015. Selon Ahmad Farouq, membre du conseil de l'ordre des Pharmaciens, outre les chaînes d’Elezaby et Roshdy, le syndicat a radié des propriétaires d’autres chaînes de pharmacies contrevenantes alors qu’une enquête est en cours avec d’autres. « Une guerre destinée à protéger le métier et le marché pharmaceutique », selon Farouq. Défendant la position du syndicat, il explique que ces chaînes exercent de graves pratiques monopolistes nuisant au marché pharmaceutique. « Les grandes quantités de médicaments qu’achètent ces chaînes contribuent à aggraver la pénurie de médicaments, alors que d’autres chaînes vendent des médicaments de contrebande », assure-t-il.
Concernant le danger que représentent les chaînes pharmaceutiques sur le métier, Khaled Samir, ancien membre au conseil d’administration de l'ordre des Médecins, explique qu’il existe environ 60 000 pharmacies, tandis que le marché ne peut assimiler qu’environ 30 000. « Avec l’existence de ces chaînes, les petites pharmacies ne parviennent pas à réaliser des bénéfices et risquent de fermer. Mais au-delà de cette guerre dissimulée entre les petites pharmacies et les grandes chaînes, il y a aussi la création au cours de la dernière décennie d’un grand nombre de facultés de pharmacie privées qui a contribué au problème », indique Samir, qui ne trouve de raison pour ce tollé contre les chaînes des pharmacies. Selon lui, il s’agit de toute politique à revoir concernant l’adaptation de l’enseignement supérieur au besoin du marché du travail. « Le nombre de pharmacies appartenant à une chaîne ne dépasse pas les 500 sur 60 000. D’ailleurs, les grandes chaînes fournissent un bon service au consommateur, un entraînement pour les pharmaciens et les employés », assure-t-il. Sur la même longueur d’onde, Ali Auf, président du secteur des médicaments dans la Chambre de commerce, estime que dans un marché libre, rien ne devrait interdire l’existence de chaînes de pharmacies.
« C’est la loi en vigueur restreignant le nombre de possession des pharmacies à deux qui est à revoir. Les chaînes existantes offrent un service de qualité qui servira à l'avenir le nouveau système d’assurance médicale exigeant un certain nombre de normes. Concernant le monopole qu’évoquent certains, il relève du rôle des instances concernées de contrôler le marché », estime Auf. Selon lui, les chaînes de pharmacies ont prouvé que ce sont des expériences réussies à encourager. « L'ordre des Pharmaciens doit jouer un rôle important pour aider les petites pharmacies en les englobant dans une grande chaîne pour pouvoir persister. Le syndicat peut aussi les aider à travers des crédits sans intérêt », propose Auf, appelant le syndicat à reconsidérer sa position injustifiée contre les chaînes de pharmacies, dont la fermeture nuira, selon lui, non seulement au marché pharmaceutique, mais aussi plus généralement à l’économie et à l’intérêt du simple citoyen.
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