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Combattre les circuits de financement illicite

May Atta, Mardi, 06 août 2019

Le 2e atelier sur la lutte contre le blanchiment d’argent et le financement du terrorisme en Afrique et au Moyen-Orient s’est tenu la semaine dernière au Caire. Objectif : renforcer la coopération pour endiguer ces deux phénomènes qui entravent le développement et menacent la sécurité et l’économie mondiales.

L’egypte a accueilli, du 30 juillet au 2 août, le 2e atelier sur la lutte contre le blanchiment d’argent et le financement du terrorisme en Afrique et au Moyen-Orient. Celui-ci est organisé par le groupe d’action financière du Moyen-Orient et d’Afrique du Nord (MENAFATF), le groupe anti-blanchi­ment d’argent en Afrique de l’Est et du Sud (ESAAMLG) et le groupe d’action intergou­vernemental contre le blanchiment de capi­taux en Afrique de l’Ouest (GIABA). Des représentants des organismes concernés, des experts de 53 pays et 7 organisations interna­tionales, dont les Nations-Unies, ainsi que des représentants de la Banque mondiale y ont participé. Le principal objectif de ce ras­semblement a été d’étudier les moyens de renforcer la coopération régionale et afri­caine pour endiguer ces deux phénomènes qui entravent la sécurité et l’économie mon­diales.

Pendant les quatre jours de travaux, les participants de l’atelier se sont penchés sur l’analyse des formes et des risques que repré­sentent ces deux phénomènes ainsi que sur les moyens de renforcer les mécanismes ins­titutionnels pour y faire face. Cet échange d’expériences et de points de vue entre les responsables a débouché sur l’adoption de recommandations destinées à identifier et à combattre les réseaux de financement illi­cites.

L’atelier a abordé de nombreux thèmes liés au blanchiment d’argent et au financement du terrorisme, comme le trafic illicite des migrants et des êtres humains, le trafic illicite d’espèces sauvages et les circuits monétaires informels. Il a été décidé de renforcer la coo­pération entre les pays participants, d’adopter des mécanismes de contrôle communs du système bancaire et monétaire et de dévelop­per la technologie bancaire dans cette région. Et ce, en plus de renforcer la transparence et de choisir des experts compétents pour lutter contre la corruption, qui favorise le blanchi­ment.

Ces questions sont d’une importance parti­culière, vu l’expansion des réseaux de blan­chiment d’argent, qui servent d’ailleurs sou­vent à financer le terrorisme. Comme l’a affirmé le premier ministre égyptien, Moustapha Madbouli, dans son discours inaugural, « il est devenu nécessaire d’éva­luer les mécanismes mis en place pour lutter contre ces phénomènes et d’oeuvrer à les réformer. D’où l’importance de cet atelier pour conjuguer les efforts afro-arabes en la matière », a-t-il souligné. Et de noter que le blanchiment d’argent menace la stabilité du système monétaire international de même que la sécurité régionale et africaine.

Le défi est de taille, sachant que les flux financiers illicites sont estimés à environ 1 trillion de dollars par an dans le monde, comme l’a révélé Ahmad Saïd Khalil, pré­sident de l’unité de lutte contre le blanchi­ment d’argent de la Banque Centrale, se référant aux rapports de la Banque mondiale. « Ces flux financiers illicites s’accompagnent d’une baisse des taux de développement durable. Certaines études estiment que contre chaque dollar d’aide aux pays en voie de développement, 10 dollars sortent sous forme de flux financiers illicites, ce qui empêche les économies de ces pays de se développer faci­lement », a expliqué Khalil.

Des défis communs

Au niveau des défis sécuritaires conjoints, Ahmad Askar, chercheur dans les affaires afri­caines au Centre des Etudes Politiques et Stratégiques (CEPS) d’Al-Ahram, a rappelé qu’il existait, en Afrique et au Moyen-Orient, plus de 60 groupes terroristes, dont les plus importants sont Daech, Al-Qaëda, Boko Haram et le groupe terroriste somalien des Shebab. « Les deux premiers groupes ont com­mencé à quitter le Proche-Orient pour l’Afrique après les attaques organisées contre eux par les gouvernements de Syrie et de l’Iraq. Cela a eu pour effet d’augmenter les risques de flux de financement du terrorisme à l’intérieur de l’Afrique », indique Askar.

Et d’ajouter que le système bancaire dans cette région a connu une évolution aux niveaux technique et législatif. Pour resserrer l’étau autour des flux illicites, les banques dans la plupart des pays concernés ont pris des mesures pour arrêter les transactions impor­tantes à destination ou en provenance de par­ties qui ont des relations présumées avec des groupes terroristes. « Or, le véritable problème est que les transactions monétaires de ces groupes à travers les banques ne représentent qu’environ 20 % par rapport aux circuits informels. Une situation qui exige d’associer les mesures sécuritaires aux mécanismes ban­caires », a estimé Askar.

Une vision partagée par l’expert écono­mique Hussein Soliman, qui indique que la loi sur la mise sous séquestre et la gestion des fonds des organisations terroristes a permis de dessécher une partie des ressources financières de la confrérie des Frères musulmans en Egypte, surtout pour ce qui est de leurs affaires officielles sous forme de magasins, d’écoles privées et d’entreprises, qui représentent tou­tefois la plus petite partie. « Le véritable pro­blème réside dans les circuits monétaires informels. Les entités terroristes exercent un commerce illégal et font passer les revenus à travers les frontières entre les pays du Proche-Orient et ceux africains pour financer leurs activités terroristes. C’est pour cela que les moyens législatifs sont à eux seuls incapables de venir à bout du financement des activités terroristes, sans les mesures sécuritaires et militaires strictes mises en place », explique Soliman.

Soliman donne l’exemple de l’Egypte qui a réussi, via l’opération militaire antiterroriste « Sinaï 2018 », menée en parallèle à des dispo­sitifs législatifs, à dessécher les ressources de financement du terrorisme en Egypte, qui a beaucoup régressé. « Cette opération militaire consistait à contrôler strictement les frontières via lesquelles les groupes faisaient circuler l’argent de leur commerce illicite entre les pays du Proche-Orient et les pays africains », explique Soliman. Il estime que l’atelier sur la lutte contre le blanchiment d’argent et le finan­cement du terrorisme est nécessaire, afin de permettre le partage d’expériences entre l’Egypte et les pays africains et moyen-orien­taux. « Vu que les défis sont communs, les plans d’action doivent aussi l’être. Il s’agit de se doter de stratégies bancaires et sécuri­taires conjointes, aptes à lutter contre ces phénomènes, qui prennent de l’ampleur au Moyen-Orient et en Afrique, vu les conditions politiques et économiques précaires », conclut-il.

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