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Amr Abdel-Ati : Washington sait que l’Egypte joue un rôle vital pour la stabilité de la région

May Atta, Mardi, 09 avril 2019

Le président Abdel-Fattah Al-Sissi a entamé, le 9 avril, une visite à Washington. Amr Abdel-Ati, spécialiste des affaires américaines au Centre des Etudes Politiques et Stratégiques (CEPS) d’Al-Ahram, revient sur les enjeux de la visite présidentielle.

Washington sait que l’Egypte joue un rôle vital pour la stabilité de la région

Al-Ahram Hebdo : A quoi revient, selon vous, l’importance de la visite du président Abdel-Fattah Al-Sissi à Washington ?

Amr Abdel-Ati : Tout d’abord, il faut souli­gner que l’Egypte demeure pour les Etats-Unis un pivot régional incontournable. D’où l’importance accordée par l’Administration américaine à la coordination avec l’Egypte sur tous les dossiers, notamment régionaux. Cette visite s’inscrit donc dans le cadre des ren­contres périodiques entre les deux présidents visant à consolider les relations entre l’Egypte et les Etats-Unis et à servir les intérêts straté­giques des deux pays. L’importance de la visite actuelle du président Abdel-Fattah Al-Sissi aux Etats-Unis est due au fait qu’elle intervient à un moment critique dans la région arabe, notamment l’escalade entre le Hamas et Israël à Gaza et la reconnaissance américaine de la souveraineté israélienne sur le plateau du Golan. La situation en Libye est également alarmante en raison des affrontements surve­nus cette semaine.

— Ces négociations égypto-américaines aboutiront-elles à un consensus sur les moyens de rétablir la stabilité dans la région ?

— Le partenariat stratégique entre les Etats-Unis et l’Egypte devrait favoriser un tel consensus. Or, il faut avouer qu’il existe des divergences entre les deux pays sur nombre de dossiers régionaux. L’Egypte s’est oppo­sée à la reconnaissance par Trump de la sou­veraineté d’Israël sur le Golan syrien et sa reconnaissance de Jérusalem comme capitale d’Israël, fin 2017, qui a attisé la colère des Palestiniens. Aujourd’hui, alors que Washington tente de calmer la situation au Proche-Orient, il mise sur le rôle régional de l’Egypte, en tant que principal médiateur du processus de paix pour parvenir à un règle­ment du conflit israélo-palestinien. Une tâche qui ne sera pas facile en l’absence d’un accord sur le respect des résolutions interna­tionales dans le règlement des dossiers régio­naux épineux.

— Ces divergences risquent-elles d’enve­nimer les relations égypto-américaines ?

— Elles peuvent les perturber provisoire­ment, mais il est exclu que le partenariat égypto-américain stratégique basé sur les inté­rêts mutuels soit rompu. Par pragmatisme politique, les deux pays ont intérêt à maintenir leurs relations, privilégiant les intérêts com­muns aux désaccords politiques. Face aux décisions controversées de Trump, Le Caire doit trouver une équation lui permettant de renforcer ses relations avec Washington sans contourner son engagement régional en faveur des causes arabes.

— Comment voyez-vous la coopération entre les deux pays au niveau de la lutte antiterroriste ?

— L’Egypte a une expérience réussie dans ce domaine. En janvier 2019, lors de la visite du chef de la diplomatie américaine, Mike Pompeo, au Caire, durant sa tournée au Moyen-Orient, il a souligné que Le Caire est un partenaire-clé pour Washington dans la lutte contre le terrorisme dans la région. D’ailleurs, il a invité les pays arabes à rejoindre une alliance stratégique pour la sécurité du Moyen-Orient. La création de cette coalition est donc au centre des discussions à Washington. Selon les Etats-Unis, cette alliance est destinée à protéger la région de la double menace de l’expansionnisme chiite-iranien et du terrorisme. Pour l’Egypte, l’inté­rêt d’une telle coalition est de combattre le terrorisme via une stratégie unifiée. Cette alliance comprendra l’Egypte, la Jordanie et les six pays du Conseil de coopération du Golfe.

— La rencontre Sissi-Trump peut-elle booster la coopération économique entre les deux pays ?

— L’augmentation des investissements amé­ricains en Egypte est l’un des axes de la visite du président Sissi à Washington. En 2017, les investissements américains en Egypte ont atteint 2,4 milliards de dollars, soit 35,4 % du total des investissements américains en Afrique, et 46,2 % du total des investissements améri­cains au Moyen-Orient. L’Egypte trouve que les investissements américains restent en deçà du niveau des relations stratégiques entre les deux pays.

— Comment définissez-vous en ce moment les relations égypto-américaines ?

— Les relations entre l’Egypte et les Etats-Unis ont considérablement évolué au cours des trois dernières années. L’arrivée du président Trump à la Maison Blanche en 2016 a donné un nouveau souffle aux relations égypto-améri­caines, qui n’étaient pas au beau fixe sous l’ex-président Barack Obama, accusé d’avoir sou­tenu les Frères musulmans et de ne pas soutenir l’Egypte dans son combat contre le terrorisme. Cette amélioration s’est confirmée avec le retour des exercices militaires conjoints « Bright Star » suspendus depuis 2009. Trump reconnaît que l’Egypte joue un rôle vital pour assurer la sécurité et la stabilité régionale.

— Pourquoi donc le président Trump hésite-t-il toujours à placer les Frères musul­mans sur les listes des organisations terro­ristes, comme il l’avait promis ?

— Parce qu’il ne peut en décider seul, le Congrès doit aussi approuver une telle décision. Les Frères musulmans ne sont pas une organi­sation égyptienne mais internationale. Il existe des ministres dans plusieurs pays comme la Tunisie, la Turquie et autres qui sont dépen­dants des Frères musulmans. Si l’Administra­tion américaine accepte que les Frères musul­mans soient placés sur la liste des organisations terroristes, ils risquent une rupture des relations avec eux ou avec les pays qui les soutiennent.

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