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Corruption, un combat sur plusieurs fronts

May Atta, Lundi, 21 janvier 2019

La deuxième phase de la stratégie de lutte contre la corruption est lancée. Le gouvernement entend gagner la bataille en engageant des réformes administratives et législatives, en coopération avec la société civile.

Déterminée à poursuivre son combat contre la corruption, l’Egypte lance la deuxième phase de la stratégie nationale de lutte contre la corruption (2019-2022). Le président Abdel-Fattah Al-Sissi en a fait une priorité absolue, estimant que c’est un fléau qui « sape les ressources de l’Etat et qui minimise l’impact de la réforme économique ». Le premier volet de la stratégie, appliqué de 2014 à 2018, a réussi à atteindre la plupart de ses objectifs. Et ce, en raison du renforcement du rôle des appareils de contrôle, des réformes de l’appareil administratif ainsi que des révisions de la législation relative à la lutte contre la corruption.

L’Egypte compte déjà plusieurs mécanismes et instruments de lutte contre la corruption, parmi lesquels l’Autorité du Contrôle Administratif (ACA), un certain nombre de bureaux du procureur spécialisés dans la lutte contre la corruption, le Département des gains illicites rattaché au ministère de la Justice, la Direction générale de la lutte contre la criminalité financière, rattachée au ministère de l’Intérieur, et la Cellule de lutte contre le blanchiment d’argent et le financement du terrorisme.

Pour conjuguer tous ces efforts et se doter d’une base de données facilitant la poursuite de ce combat, une commission nationale de lutte contre la corruption, présidée par le premier ministre, a été créée en 2014. Elle regroupe des organismes de contrôle, des instances sécuritaires et les ministères concernés, dont celui de la Justice et de l’Intérieur. La réussite de la première phase de la stratégie de lutte contre la corruption a été notamment favorisée par un certain nombre de réformes mises en place par les pouvoirs exécutif et législatif.

Au niveau administratif, la loi du service civil promulguée en 2016, portant sur la réforme de l’appareil administratif, a été un pas important. Sa mise en vigueur a permis de remédier à certaines failles du système administratif et financier au sein des institutions gouvernementales. Cette loi réglemente désormais les promotions, les salaires et le système de travail dans le but d’améliorer les services offerts aux citoyens et le statut des fonctionnaires.

Par ailleurs, en octobre 2017, le parlement a approuvé des amendements de la loi de l’Autorité du contrôle administratif, attribuant à cette autorité plus de pouvoirs pour lutter contre la corruption. Ceci a permis la tenue d’un grand nombre de procès de corruption au sein des organismes gouvernementaux. Des jugements pour pots-de-vin, dilapidation et détournement de fonds publics dans lesquels certains hauts responsables étaient impliqués. En novembre 2018, l’ancien gouverneur de Ménoufiya, Hicham Abdel-Basset, a par exemple écopé de 10 ans de prison pour avoir accepté des pots-devin d’hommes d’affaires, dans le but de leur faciliter le monopole des projets de construction du gouvernorat. De même, Gamal Abdel-Azim, ancien chef des autorités douanières, soupçonné lui aussi d’avoir accepté des pots-de-vin pour faciliter l’entrée de marchandises interdites dans le pays, sans droit de douane, a été arrêté en juillet 2018. Il y a eu aussi le procès de l’ex-ministre de l’Agriculture Salah Hilal. Arrêté en 2016, il a écopé de 10 ans de prison pour avoir reçu des pots-de-vin en échange de l’attribution de terrains appartenant à l’Etat à un homme d’affaires.

Objectifs déclarés

Aujourd’hui, en lançant la deuxième phase de cette stratégie, le gouvernement envisage la poursuite du combat contre la corruption. Les objectifs déclarés de la stratégie 2019- 2022 portent sur 9 axes : la mise en vigueur, dans les institutions publiques, de mécanismes confirmant les principes de transparence et d’intégrité, l’amélioration du niveau de performance de l’appareil gouvernemental et des services publics, la réforme de l’encadrement législatif de la lutte contre la corruption, la modification du code de procédure pénale en vue d’accélérer les procédures dans les procès de corruption, le renforcement des prérogatives du pouvoir exécutif, la coordination avec les organisations régionales et internationales en matière de lutte contre la corruption, l’inclusion de la société civile dans les efforts de lutte contre la corruption ainsi que la sensibilisation de la société à l’importance de la lutte contre la corruption.

Commentant la nouvelle stratégie, Salah Hassaballah, porte-parole du parlement, salue surtout l’inclusion de la société civile dans cette nouvelle phase ainsi que les campagnes de sensibilisation aux répercussions de la corruption. « Les portées positives de la stratégie de lutte contre la corruption rassurent les investisseurs et contribuent à relancer l’économie. D’où l’intérêt qu’accorde l’Etat à ce dossier », explique par ailleurs le parlementaire.

Durcir les peines

Le député Ihab Al-Tamawi, membre de la commission des lois au parlement, appelle à revoir l’ensemble des législations relatives à la lutte contre la corruption, afin de durcir les peines contre les corrompus et d'accélérer les procédures. Il trouve aussi évident de promulguer une loi régissant les questions ayant trait à la protection des témoins, à l’audition des experts et des personnes qui fournissent des informations.

Une défaillance qui entrave souvent la révélation d’affaires de corruption. « Il est aussi important d’accélérer les procédures de jugement dans les procès de corruption pour ne pas donner la chance aux accusés de fuir le pays ou de détruire des documents prouvant leur implication dans ces affaires », ajoute Al-Tamawi. Réformer le système administratif est un autre axe jugé primordial pour la réussite de toute stratégie de lutte contre la corruption.

De même, le gouvernement entend par exemple généraliser l’informatisation des services publics. L’expert économique Rachad Abdo explique que cette numérisation permet une meilleure qualité de service et limite surtout la corruption. « Obtenir les services via les sites électroniques permet au citoyen de bénéficier de services publics sans avoir à contacter directement les fonctionnaires, dont certains sont corrompus et revendiquent des pots-de-vin pour exécuter certains services », explique Abdo. Il ajoute que la généralisation de l’inclusion financière est aussi indispensable pour lutter contre la corruption et restreint notamment les actes de blanchiment de fonds. La gouvernance est l’un des moyens efficaces de lutte contre la corruption dans la mesure où elle permet plus de transparence et de contrôle au sein des institutions publiques.

Il reste que pour permettre la réussite de cette nouvelle phase de la stratégie, il faut lui allouer le budget nécessaire, comme l’indique le député Medhat Al-Chérif, vice-président de la commission économique au parlement. « Le budget consacré à l’application de la première phase n’était pas suffisant. Pour réaliser les objectifs de la nouvelle phase, comme la numérisation des organismes gouvernementaux et l’achèvement des sites électroniques du secteur administratif gouvernemental, l’Etat doit augmenter les ressources », estime Al-Chérif. L’année 2019 devrait témoigner d’une guerre sans merci contre la corruption comme l’affirme le gouvernement .

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