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Au nom de l’ordre et de la discipline

Ola Hamdi, Mardi, 18 juin 2013

Un projet de loi aggravant les peines relatives aux violences contre les policiers et à la perturbation de la circulation est débattu au Conseil consultatif. Accueilli favorablement par les policiers, le texte est perçu par certains comme un moyen d'intimidation à l'approche des manifestations du 30 juin.

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Les affrontements entre les agents de police et les manifestants se sont récemment multipliés. (Photo: AP)

Dans l’objectif de « rétablir l’ordre et d’instaurer la sécurité », le Conseil des ministres a présenté au Conseil consultatif, samedi, un nouveau projet de loi instaurant des peines plus sévères pour les délits et les crimes de rue, y compris les agressions contre des policiers.

Le projet de loi, qui a été soumis à la commission des affaires législatives du Conseil consultatif, prévoit la peine de mort pour les personnes qui forment des bandes armées dans l’objectif de s’en prendre aux citoyens ou aux policiers. La loi prévoit également pour la première fois une peine de deux ans d’emprisonnement et une amende de 5 000 L.E. pour blocage de routes et perturbation intentionnelle de la circulation routière ou ferroviaire. Attaquer un policier avec une arme à feu serait passible de 3 à 10 ans (au lieu de 6 mois à 2 ans) d’emprisonnement, une peine assortie d’une amende allant de 20 à 60 000 L.E. au lieu de 200 L.E.

Selon un haut responsable de la police, le ministre de l’Intérieur, Mohamad Ibrahim, a demandé à rencontrer le président Mohamad Morsi pour lui présenter ce projet de loi.

La police a été la cible d’une hostilité populaire accrue depuis la révolution du 25 janvier, qui a été en partie déclenchée par la colère contre la brutalité policière généralisée. Un vide sécuritaire s’est installé depuis dans le pays. Cherchant un moyen d’exprimer leur voix, les policiers ont créé leur « club », une structure officieuse qui les représente en tant que secteur de la société qui a le droit d’exprimer ses doléances.

« Comment assurer la sécurité des citoyens, alors que nous en sommes privés nous-mêmes ? Depuis la révolution, on fait l’objet de toutes sortes d’abus et d’agressions pendant l’exercice de notre métier. Aujourd’hui les policiers se sentent visés, comme si on voulait les pousser à quitter leur travail », se plaint Hicham Saleh, porte-parole du « Club des policiers », sur la page web de ce club. Estimant que les peines prévues par le code pénal en vigueur sont trop faibles, Saleh exprime la satisfaction générale des policiers quant au nouveau projet de loi.

Du côté de certains activistes, les choses sont perçues autrement. « C’est une nouvelle tentative d’intimider les manifestants à la veille du 30 juin », estime l’activiste Esraa Abdel-Fattah. « Ce projet de loi est une menace adressée aux manifestants et nous savons déjà qui sont les personnes qui seront arrêtées en vertu de ce nouveau texte. Mais rien de tout cela ne nous fera peur. Nous sommes déterminés à réaliser l’objectif pour lequel nous sortirons le 30 juin », ajoute-t-elle sur un ton défiant.

« Les voyous et les hors-la-loi savent très bien que de toute façon les lois ne sont pas appliquées. Le problème qui se pose c’est comment appliquer les lois qui existent déjà et non pas d’aggraver les peines », estime Hafez Abou-Saeda, directeur de l’Organisation égyptienne des droits de l’homme. « Le durcissement des peines ne va pas inciter les gens à respecter les policiers. Les citoyens respecteront les policiers quand ces derniers parviendront à assurer leur sécurité dans le respect des droits de l’homme », ajoute Abou-Saeda.

Lors d’une conférence le 11 juin, le ministre de l’Intérieur a expliqué la « stratégie » qui sera adoptée pour sécuriser les manifestations le 30 juin. Celle-ci est basée sur deux axes : « assurer la sécurité des citoyens, des propriétés publiques et privées », en multipliant les patrouilles dans les rues, les places et les principales avenues, et garder la neutralité de la police en restant « en dehors de l’équation politique ». Le ministre s’est publiquement engagé à ce que les manifestants pacifiques ne soient pas harcelés dans aucun gouvernorat.

Malgré les assurances du numéro un de la police, les inquiétudes des opposants se sont accrues notamment après le discours présidentiel de samedi durant lequel le président Mohamad Morsi a prévenu devant des milliers de ses partisans islamistes qu’il agirait « avec détermination » face à « ceux qui cherchent à déstabiliser l’Egypte et qui essayent de pousser le pays dans une spirale de violences et de chaos ».

Le président a toutefois tenu à préciser qu’il ne s’adressait pas aux « enfants de la révolution du 25 janvier ni à ceux qui s’opposent aux politiques en place et veulent faire entendre leur voix », mais à « ceux qui tentent en vain de nous faire reculer, ceux qui veulent utiliser la violence par tous les moyens ». Mais c’est justement cette ligne qui sépare les manifestants violents des manifestants pacifiques qui a toujours été difficile à tracer.

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