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Une institution, un symbole

May Al-Maghrab, Mardi, 27 novembre 2018

Le pape Tawadros II a inauguré la Cathédrale de Saint-Marc à Abbassiya, suite aux travaux de rénovation. Une inauguration qui coïncide avec la célébration du jubilé d’or de sa fondation. Retour sur le parcours d'une institution qui a marqué l'histoire moderne de l'Egypte.

Une institution, un symbole
Inaugurée en 1968, la Cathédrale de Saint-Marc est le siège du patriarchat copte orthodoxe.

La Cathédrale copte orthodoxe de Saint-Marc, située dans le quartier de Abbassiya au Caire, a rouvert ses portes au public après deux ans de fermeture. Elle avait été visée, le 11 décembre 2016, par un attentat terroriste qui a fait 25 morts parmi les fidèles coptes ainsi que d’énormes dégâts matériels. Le gouvernement s’est engagé alors à restaurer la cathédrale et à effectuer tous les travaux de rénovation nécessaires. Selon Samuel Métias, coordinateur général du projet de rénovation de la cathédrale, une soixantaine d’entrepreneurs, ainsi que 6 000 ingénieurs et ouvriers, ont effectué les travaux. Trois autels, dont l’autel principal et deux autels latéraux, ainsi que les parties endommagées par l’attentat ont été restaurés.

Le pape Tawadros II, patriarche de l’Eglise copte orthodoxe, a inauguré la cathédrale après les travaux de rénovation qui coïncidaient cette semaine avec le jubilé d’or de sa fondation. De plus, l’Eglise a célébré le 6e anniversaire de l’investiture du pape en tant que patriarche du Siège de Saint-Marc.

Le pape Tawadros II a dirigé une messe organisée à cette occasion, félicitant la communauté copte ainsi que tous les Egyptiens de l’inauguration de la cathédrale « qui n’est pas un simple lieu de culte rassemblant les fidèles coptes orthodoxes, mais plutôt un symbole de coexistence en Egypte », estime le communiqué de l’Eglise publié à cette occasion.

« Le peuple égyptien, musulmans et chrétiens, célèbre le 50e anniversaire de la fondation de la cathédrale dont la présence au coeur de la capitale prouve le respect du principe de citoyenneté basé sur la liberté de culte et l’égalité entre les Egyptiens », affirme le communiqué. Dans son allocution, le pape Tawadros II a passé en revue l’histoire de la cathédrale, la plus grande au Proche-Orient (voir sousencadré). « L’unité nationale a été un trait marquant des Egyptiens au fil des décennies », a estimé le pape.

Conscience patriotique

Selon Kamal Zakher, écrivain copte et membre de l’ONG « Egyptiens contre la discrimination religieuse », les tensions sectaires sont souvent une carte jouée pour fragiliser les régimes. « Mais en Egypte, la conscience patriotique a réussi, au fil des décennies, à déjouer de telles tentatives désespérées de semer la zizanie entre les Egyptiens », affirme Zakher.

Et d’ajouter que les relations entre l’Eglise et l’Etat égyptien ont connu des hauts et des bas, mais l’intérêt national a été toujours valorisé. « Il faut noter aussi que le pape Tawadros II, comme son prédécesseur le pape Chénouda III, a toujours refusé de discuter du statut des coptes ou de leurs problèmes avec l’Occident. Ce refus de l’Eglise de toute ingérence dans les affaires des coptes émane d’un constat que les coptes sont des citoyens égyptiens jouissant de leurs pleins droits et que leurs problèmes et leurs revendications ne devaient être traités que dans le cadre d’un dialogue national », explique Zakher. Au cours des deux dernières années, plusieurs actes terroristes ont visé les coptes, dont le double attentat, perpétrés par des kamikazes contre deux églises à Tanta et Alexandrie, qui ont fait 45 morts.

Sous la menace des extrémistes, des dizaines de familles coptes ont fui, en février 2018, la ville d’Al- Arich au Sinaï du Nord. Le Congrès américain a proposé, en 2017, une loi pour la protection des coptes en Egypte, mais le pape Tawadros II a barré la route à toute ingérence étrangère, déclarant que « les coptes vivent dans leur patrie et n’ont besoin d’aucune aide étrangère ».

L’avocat des droits de l’homme Naguib Guébraïl estime que les jours ont prouvé que l’Eglise avait choisi la bonne voie. « Ses positions lucides ont permis de protéger la patrie des complots visant son unité. D’autant plus qu’aujourd’hui, les coptes sont plus que jamais rassurés sur leur statut et leur sort », affirme Guébraïl.

Selon lui, le règne éphémère des Frères musulmans a été l’épreuve la plus dure pour les coptes. Pour rappel, depuis 2013, les coptes ont été à plusieurs reprises pris pour cible. Au moins 60 églises ont été attaquées, dont 37 incendiées ou endommagées, ainsi que des dizaines d’écoles, de maisons et de commerces coptes. « Marquée par une montée de violence, cette année était loin de rassurer les coptes sur leur destin en tant que citoyens égyptiens.

Ce qui n’est plus le cas aujourd’hui avec le président Sissi qui a multiplié les gestes positifs à l’égard des coptes et a pris plusieurs mesures visant à éliminer toutes sortes de discrimination à leur égard », loue Guébraïl. Il mentionne la promulgation de la loi sur la construction des églises, les frappes aériennes en Libye en 2015, vengeant le sang de 21 coptes massacrés en Libye par le groupe terroriste Daëch, l’inauguration de la nouvelle cathédrale dans la Nouvelle Capitale administrative ainsi que la participation du président aux messes de Noël. « Des messages forts parmi d’autres qui ont rassuré la communauté copte », affirme Guébraïl.

A noter qu’en 2015, le président Sissi avait surpris l’Egypte en se rendant à la cathédrale le soir de Noël. Aucun président ne s’était rendu dans une église depuis 1977, lorsque le président Sadate s’était rendu dans une cathédrale pour prier.

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