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Le Caire et Khartoum se tendent la main

May Al-Maghrabi, Mardi, 30 octobre 2018

Le sommet entre le président Abdel-Fattah Al-Sissi et son homologue soudanais Omar Al-Béchir, cette semaine à Khartoum, donne une nouvelle impulsion aux relations égypto-soudanaises. Analyse.

Le Caire et Khartoum se tendent la main
En l'espace de 4 ans, Sissi et Béchir se sont rencontrés à 23 reprises.

La signature de 12 accords de coopération dans plu­sieurs domaines, la levée de l’interdiction souda­naise sur l’importation des produits égyptiens, le projet de raccordement des réseaux électriques des deux pays et celui de l’établissement d’une liaison ferroviaire entre le Soudan et l’Egypte, mais aussi le renforcement de la coordination sécuritaire en mer Rouge. Tels étaient les plus importants résultats de la visite effectuée par le président Abdel-Fattah Al-Sissi, jeudi 25 octobre, à Khartoum, dans le cadre des travaux de la 2e session du Haut Comité égypto-soudanais, au niveau présidentiel. Il s’agit de la 23e ren­contre entre le président Sissi et son homologue soudanais, Omar Al-Béchir, en quatre ans. Par ailleurs, il a été annoncé que la 3e session du Comité présidentiel conjoint se tien­dra au Caire en octobre 2020. Rappelons que le 19 mars dernier, lors de leur rencontre au Caire, les deux dirigeants avaient annoncé leur volonté de se rapprocher, après des mois de tension entre l’Egypte et le Soudan.

La visite du président Sissi à Khartoum marque le retour au beau fixe des relations égypto-souda­naises.

12 accords et protocoles de coopération

A l’issue d’une séance de négocia­tions approfondies, les deux prési­dents ont tenu une conférence de presse conjointe au cours de laquelle ils ont annoncé la signature de douze accords et protocoles de coopération dans les domaines du commerce extérieur, de la jeunesse et des sports, de la radiotélévision, de l’enseigne­ment supérieur, de la santé, de l’im­migration, de la réforme administra­tive et de l’horticulture. Les réseaux électriques des deux pays seront connectés et une liaison ferroviaire entre le Soudan et l’Egypte sera éta­blie. Le président Sissi a appelé au renforcement de la coopération éco­nomique et commerciale entre les deux pays (voir sous-encadré). « Les accords et protocoles d’accord, que nous signerons aujourd’hui, consti­tuent une fondation solide pour le processus de coopération dans diffé­rents domaines », a-t-il indiqué. Pour sa part, le président soudanais a annoncé la levée de l’interdiction sur les importations égyptiennes, décré­tée il y a 17 mois en raison des ten­sions entre les deux pays. Sur le volet politique, les deux présidents ont convenu de renforcer leurs concertations sur les dossiers régio­naux, notamment le Soudan du Sud, la Libye, la Syrie, le Moyen-Orient et la Corne de l’Afrique.

Les réunions du Comité ministé­riel conjoint égypto-soudanais, formé en 2017, ont eu lieu les 24 et 25 octobre. « Les réunions ont porté sur les moyens de concrétiser les résultats positifs auxquels sont par­venus les deux présidents, notam­ment en ce qui concerne la relance des échanges commerciaux entre les deux pays et les projets d’électricité et de chemin de fer », a déclaré le ministre des Affaires étrangères, Sameh Choukri. Il a affirmé que le comité a aussi fixé un calendrier pour l’exécution des projets de coo­pération décidés depuis 2016. « Nous avons besoin de stimuler la coopéra­tion économique et commerciale qui ne reflète pas toujours le niveau des relations entre les deux pays », a estimé Choukri. Le projet de liaison électrique entre l’Egypte et le Soudan, qui transmettra entre 250 et 300 MW d’électricité de l’Egypte vers le Soudan, devrait voir le jour avant la fin 2018, comme l’a déjà affirmé le ministre de l’Electricité, Mohamad Chaker.

En ce qui concerne la ligne ferro­viaire liant l’Egypte au Soudan, elle s’inscrit dans le cadre des méga-pro­jets destinés à faciliter le transport entre les deux pays et à stimuler les échanges commerciaux entre eux. La nouvelle ligne, d’une longueur de 900 km, liera Alexandrie à Assouan et à Khartoum. Achraf Raslan, prési­dent de l’Organisme des chemins de fer, a déclaré que les études sont actuellement à pied d’oeuvre pour la mise en chantier dans les plus courts délais. « Un comité technique a été formé cette semaine pour déterminer le tracé de cette ligne ferroviaire », a-t-il précisé.

Enjeux d’un partenariat

Le Caire et Khartoum se tendent la main

Les résultats positifs du sommet présidentiel et des travaux des comités égypto-soudanais reflètent la volonté des deux pays d’aller au-delà de leurs divergences, favo­risant leurs intérêts et leurs relations stratégiques. C’est ce qu’estime Sobhi Qonsowa, du Centre des études africaines. Selon lui, la levée de l’em­bargo soudanais sur les produits égyptiens a été l’un des indices les plus importants sur l’amélioration des relations égypto-soudanaises, qui ont connu des troubles au cours des der­niers mois. Il s’agit d’une décision sage de la part du président soudanais qui traduit une volonté d’établir une coopération constructive avec l’Egypte au service des deux peuples. Le temps est aujourd’hui à la coopé­ration, dont les horizons dans les domaines politique, hydraulique, sécuritaire et économique sont très diversifiés. L’expérience de l’Egypte et les ressources naturelles au Soudan sont des facteurs qui favorisent une coopération fructueuse, pense Qonsowa. Selon le politologue, ce sommet égypto-soudanais a été une sorte de feuille de route des rela­tions égypto-soudanaises au cours de la prochaine période.

Le député Moustafa Al-Guindi, pré­sident du Rassemblement parlemen­taire des pays du Nord de l’Afrique, qualifie de nécessaire le rapproche­ment égypto-soudanais pour garantir la sécurité régionale. « Le contexte régional exige un tel rapprochement entre l’Egypte et le Soudan, deux pays frères dont les relations sont straté­giques. La dégradation de la situation sécuritaire dans des pays comme la Libye, la Syrie et le Yémen menace la sécurité nationale de l’Egypte, comme celle du Soudan, et nécessite que l’unité soit maintenue entre les pays arabes. Ce renforcement est aussi indispensable pour la sécurité de la mer Rouge ainsi que celle de la Corne de l’Afrique », estime Al-Guindi. Selon lui, ces évolutions positives ouvrent un nouveau chapitre dans les relations égypto-soudanaises, désor­mais basées sur une entente mutuelle et les intérêts communs.

Les médias des deux pays appelés à la retenue

Les diatribes médiatiques ont, au cours des deux dernières années, causé des crises répéti­tives entre les deux pays. Vendredi 26 octobre, Makram Mohamad Ahmad, président du Conseil suprême des médias, et le ministre soudanais de l’Information, Bichara Gomaa, ont signé une charte de déontologie médiatique conjointe qui sera en vigueur pour trois ans. La charte de déontologie définit certaines règles et éthiques à respecter par les médias des deux pays. Elle interdit aux médias de porter atteinte aux peuples égyptien et soudanais en temps de crises, étant donné qu’il s’agit de différends temporaires. Selon la charte, il est catégoriquement interdit aux médias de recourir aux insultes et aux accu­sations réciproques de trahison, de négligence et d’intimidation, lors de la présence d’un diffé­rend quelconque entre les gouvernements des deux pays. L’accord prévoit que les satellites appartenant aux deux pays doivent être utilisés pour renforcer la coopération médiatique bila­térale, et ceci, en coordination entre le Conseil suprême des médias égyptiens et le ministère soudanais de l’Information. Ainsi, les médias des deux pays sont appelés à encourager l’échange des programmes de radio et de télé­vision entre les institutions médiatiques offi­cielles des deux pays, surtout ceux reflétant la civilisation et la culture des deux pays. Et ceci tout en s’engageant à ne pas modifier le conte­nu des informations échangées. Le document porte aussi sur le développement de la coopéra­tion entre l’Agence de presse soudanaise (SUNA) et l’agence de presse du Moyen-Orient (MENA) dans les domaines de l’échange des informations. Une coopération qui devra inclure l’échange des publications et des bulletins en vue d’enrichir les bibliothèques des deux parties en sources, outre la formation conjointe aux activités liées aux agences.

Levée de l'embargo sur les produits égyptiens

L’annonce du président Béchir de la levée de l’interdiction soudanaise sur les produits égyptiens a été vue par Le Caire comme un signe positif dans le rétablissement des relations bilatérales. Le gouvernement soudanais avait décrété en mai 2017 un embargo sur tous les produits agricoles en provenance d’Egypte. Cette rupture des relations commerciales agri­coles était la conséquence d’une série de tensions politiques. Aujourd’hui, l’annulation de cette mesure laisse prévoir une augmentation des échanges commerciaux bilatéraux.

« La période à venir connaîtra une augmentation des exportations égyptiennes de produits ali­mentaires vers le Soudan après la levée de l’embargo imposé par Khartoum », prévoit le ministre du Commerce et de l’Industrie, Amr Nassar. Il a noté que le Soudan occupe la première place des exportations égyptiennes vers les pays du bassin du Nil, avec un montant de 5,5 milliards de L.E. en 2016 contre 4,2 milliards en 2015.

En revanche, les exportations de Khartoum vers l’Egypte atteignent 103 millions de dollars. Le Soudan importe de l’Egypte principalement des fruits, des légumes, du poisson, des conserves et des textiles. Nassar a rappelé que le montant des exportations des produits alimentaires égyptiens vers le Soudan avait reculé à 44 millions de dollars contre 164 millions de dollars en 2016, en raison de l’embargo soudanais sur les produits égyptiens. Il a fait savoir que les instances d’exportation concernées devraient se réunir prochainement pour examiner les mesures nécessaires pour accroître les exportations non seulement pour le Soudan mais aussi pour les pays du COMESA (le Marché commun de l’Afrique orientale et australe).

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