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La polémique enfle autour des accords de Camp David

May Al-Maghrabi, Mardi, 02 octobre 2012

Longtemps tabou, le Traité de paix conclu avec Israël en 1979 est remis en question par plusieurs courants politiques. La présidence égyptienne nie toute intention de le modifier.

Camp David
AFP: Signé en 1979, le Traité de paix est jugé incompatible avec la situation actuelle.

C’est l’un des conseillers du président Mohamad Morsi qui a relancé le sujet la semaine dernière. Lors d’une séance du Conseil consultatif (Choura), Mohamad Seiffel-Dawla a souligné l’importance de modifier les accords de paix de Camp David signés avec Israël en 1979.

Comme beaucoup de politiciens égyptiens, Seiffel-Dawla estime que ces accords, considérés par les deux pays comme sacro-saints, représentent une « menace pour la sécurité nationale » de l’Egypte, du fait qu’ils stipulent une démilitarisation quasi totale de la péninsule du Sinaï. La réaction israélienne n’a pas tardé. Son chef de la diplomatie, Avigdor Lieberman, exclut toute possibilité de modifier les clauses du traité de paix avec l’Egypte.

Prenant note de cette déclaration, Yasser Ali, porte-parole du président Mohamad Morsi, a affirmé que rien ne justifiait la modification des accords de Camp David. « L’Egypte dispose de tous les moyens pour maîtriser la situation dans le Sinaï et y rétablir la sécurité », a-t-il expliqué, en référence à la situation sécuritaire très dégradée dans la péninsule. Le porte-parole a ajouté que le conseiller à la présidence exprimait son « avis personnel ».

Depuis la chute en février 2011 du régime de Hosni Moubarak, la situation sécuritaire est devenue volatile dans le Sinaï. Depuis, quatre attentats terroristes ont eu lieu à la frontière avec Israël. Le dernier, revendiqué par une organisation islamiste, date de la semaine dernière. Ses trois auteurs ont trouvé la mort, ainsi qu’un soldat israélien.

En août, un autre attentat a coûté la vie à 16 militaires égyptiens, avant que les terroristes ne soient neutralisés du côté israélien de la frontière. Cet attentat, le plus important depuis des décennies, a amené l’armée égyptienne à entreprendre une opération d’envergure pour restaurer l’ordre dans la péninsule. Mais le déploiement d’un dispositif important a dû se faire avec l’aval d’Israël qui a demandé à l’Egypte de retirer son armée une fois l’opération terminée.

« Ce n’est plus acceptable que le Sinaï demeure dans cet état de vide sécuritaire qui en fait une cible d’actes terroristes. L’opinion publique ne supportera plus le meurtre de nos soldats aux frontières sous prétexte que l’accord de paix est intouchable », souligne le conseiller du président, Seiffel-Dawla.

C’est justement le fait que l’Egypte doit « concerter » avec un pays étranger pour assurer la sécurité sur son territoire qui donne aux restrictions imposées par les accords de paix sa dimension « nationale ». Beaucoup considèrent que ces accords portent atteinte à la souveraineté de l’Egypte et misent sur la pression de l’opinion publique égyptienne à travers une campagne médiatique expliquant les préjudices que représente cet accord pour l’Egypte.

Démentis officiels

Les démentis de la présidence n’ont pas mis fin au débat autour de ces accords. Bien au contraire, les déclarations de Seiffel-Dawla ont eu un effet de catalyseur qui a délié les langues à propos de ce texte considéré par beaucoup de forces politiques comme « humiliant ». « La conjoncture politique a changé depuis la signature de ce traité. Aujourd’hui, de l’autre côté de la frontière, il y a la mouvance islamiste du Hamas, soutenue par l’Iran, cela n’existait pas il y a trente ans », explique l’ancien général et expert stratégique Sameh Seiffel-Yazal lors d’une conférence organisée au siège de l’ordre des Avocats sous le titre « Traité de paix et souveraineté égyptienne ».

Seiffel-Yazal a souligné les aspects politiques et diplomatiques de la question. L’ancien général a appelé la diplomatie égyptienne à rallier les Etats-Unis, parrains de ces accords, à la demande égyptienne qu’il considère « dans l’intérêt d’Israël aussi bien que de l’Egypte ». En effet, les déclarations israéliennes appelant l’Egypte à assurer la sécurité des frontières se sont multipliées dernièrement.

« Le danger terroriste dans le Sinaï est également une menace pour Israël. Et en dépit de leurs déclarations rejetant catégoriquement l’amendement du traité de paix, les Israéliens pourraient finir par permettre une présence militaire égyptienne plus importante dans le Sinaï », estime Farouq Abdel-Khaleq, directeur du Centre du Nil pour les études économiques et stratégiques.

Il n’exclut pas que des négociations informelles soient déjà en cours entre les deux pays dans ce sens. Son hypothèse est confortée par le débat actuel relayé par la presse israélienne où beaucoup d’analystes et de militaires israéliens appellent à la renégociation de certaines clauses de ces accords pour assurer la sécurité de leur Etat.

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