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Feu vert aux universités étrangères

Nada Al-Hagrassy, Jeudi, 05 juillet 2018

Un projet de loi permet pour la première fois aux universités étrangères de créer des branches en Egypte. Il devrait, selon le gouvernement, améliorer la qualité de l’enseignement universitaire.

Université

Au moins six universités étrangères attendent l’approbation finale du parlement au nouveau projet de loi sur les universités étrangères. Celui-ci les autorise à ouvrir des branches en Egypte. Approuvé par le Conseil des ministres en mai dernier, ce projet devrait être définitivement approuvé la semaine prochaine. Déjà, la prestigieuse université britannique de Liverpool a signé la semaine dernière un accord avec le ministère de l’Enseignement supérieur afin d’ouvrir une branche à la Nouvelle Capitale administrative. Deux autres universités canadiennes, à savoir Mémorial et Prince Edward, attendent cette nouvelle législation pour ouvrir leurs portes en Egypte.

L’Etat considère nécessaire de créer, en Egypte, des branches d’universités étrangères prestigieuses afin de développer l’enseignement supérieur et la recherche scientifique. Le ministre de l’Enseignement supérieur, Khaled Abdel-Ghaffar, a déclaré que cette loi « garantit la liberté académique aux universités étrangères ». Le ministre a aussi souligné que des universités canadiennes, anglaises, américaines, hongroises, ukrainiennes, autrichiennes et italiennes s’installeront dans la Nouvelle Capitale administrative.

Les universités étrangères attendent avec impatience la promulgation, et les députés ne cachent pas leur enthousiasme. Magda Nasr, membre de la commission de l’éduction, qui a travaillé sur ce projet de loi composé de 25 articles, affirme : « Cette loi aidera à promouvoir la qualité de l’enseignement universitaire tout en se concentrant sur les domaines scientifiques dont l’Egypte a besoin en ce moment » (voir sous-encadré). Comme l’explique Nasr, « ces universités commenceront par ouvrir des facultés spécialisées dans des domaines dont l’Egypte a besoin, notamment l’énergie propre et les recherches médicales. Les autres spécialités, telles que les sciences humaines, ouvriront leurs portes par la suite ».

Selon les spécialistes, ce projet de loi constitue un tournant au niveau de l’enseignement universitaire en Egypte. Il vient s’ajouter à l’arsenal juridique qui régit la création des universités privées et étrangères.

En effet, la loi actuelle n°12 de l’année 2009 exige que le capital des universités privées soit uniquement égyptien. Les universités égyptiennes signaient donc des protocoles de coopération avec les universités étrangères pour enseigner certains cursus. Ainsi, l’Université du Caire a signé un protocole de coopération avec l’école de journalisme en France fin de créer en Egypte une filière de journalisme à la faculté de mass-communication. Avec le nouveau projet de loi, les universités étrangères pourront ouvrir des branches en Egypte et enseigner directement leurs cursus. Une chose que le président de l’Université de Minya et membre du Conseil suprême des universités, Gamaleddine Ali, salue parce que, selon lui, l’ouverture des universités étrangères en Egypte permettra de fournir un enseignement de qualité à un grand nombre d’étudiants et non plus à une minorité capable de partir étudier à l’étranger. « La présence de ces universités aidera à former des cadres compétents sur le marché du travail en Egypte et contribuera au développement du pays. Cela va aussi atténuer le phénomène de la fuite des cerveaux », estime Ali.

Enseignement ou business ?

Ce projet de loi soulève bien des interrogations. Certains craignent que la création d’universités étrangères en Egypte ne se transforme en vrai business au service d’une élite qui possède les moyens de payer les frais astronomiques de ces universités.

Le député Abdel-Rahmane Boraï, membre de la commission de l’éducation au parlement, se veut pourtant rassurant. Pour lui, le projet de loi garantit que l’argent ne soit pas l’unique atout pour être admis à ces universités. « Des critères scientifiques seront appliqués avant l’admission d’un étudiant. Si un étudiant veut par exemple s’inscrire à la faculté de médecine, il devra passer par des tests d’admission et les réussir pour être admis. Ce n’est donc pas uniquement une question d’argent », explique Boraï. Il ajoute que l’ancienne loi sur les universités (la loi n°12 de l’année 2009) interdisait catégoriquement les universités dotées d’un capital étranger, et autorisait seulement les universités privées dotées d’un capital égyptien et soumises au règlement du Conseil suprême des universités. Ces universités décernent des diplômes égyptiens non reconnus à l’étranger. Le projet de loi, comme l’explique le député, a évité toutes ces lacunes.

Certains spécialistes craignent cependant que l’admission à ces universités ne soit pas à la portée de la classe moyenne, surtout que la loi permet à ces branches universitaires de fixer elles-mêmes les tarifs des études. C’est du moins ce que pense l’expert pédagogique Ahmad Farahat, ancien chef du bureau d’admission universitaire. « Le problème est toujours le même. Les frais exorbitants resteront toujours une barrière infranchissable devant un enseignement de qualité. Ceux qui auront droit à cet enseignement sont uniquement ceux qui ont les moyens de partir étudier à l’étranger », explique Farahat qui craint aussi que l’intérêt de l’Etat pour ces universités étrangères ne se fasse aux dépens des universités publiques qui seront alors privées de « progrès scientifiques ».

Pour l’expert, le seul moyen de promouvoir l’enseignement supérieur en Egypte et de profiter des progrès de l’enseignement à l’étranger est de « signer des protocoles de coopération et de conclure des partenariats entre les universités publiques et les prestigieuses universités étrangères ».

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