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L’Egypte court-elle vers la catastrophe ?

Najet Belhatem, Mardi, 04 juin 2013

Le colosse régional qu’est l’Egypte serait-il en train de s’effondrer ? La question ravivée par la construction du barrage de la Renaissance en Ethiopie taraude beaucoup d’Egyptiens et secoue beaucoup d’éditorialistes qui crient au danger imminent.

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« Au-delà de la question de l’Ethiopie et du barrage de la Renaissance, je suis horrifié par l’état général de l’Egypte », écrit pour l’agence de presse O News, Achraf Al-Baroudi, président de la Cour d’appel du Caire. « Tous les indices de la chute des nations que j’ai lus dans les livres sont là dans le cas égyptien. Les frontières égyptiennes sont ouvertes dans les quatre sens, et alors que l’armée tente péniblement de colmater la frontière est, le trafic d’armes fait rage du côté des autres frontières. Nous assistons à des appels de séparatistes dans le Sinaï où à l’instant même est en train de se constituer ce qui est appelé l’armée libre de l’Egypte. Des appels séparatistes similaires proviennent de la Nubie. En fait, depuis la destruction de la force navale égyptienne dans la bataille de Navarin (ndlr, 1827) à l’époque de Mohamad Ali pacha, l’Egypte n’a jamais été aussi faible qu’aujourd’hui ».

« L’ennemi Israël et les comparses africains »

Dans le quotidien Al-Masry Al-Youm, selon le politologue et universitaire Hassa Nafea, la thèse qu’il défend depuis longtemps, la sécurité nationale égyptienne, est menacée par un seul ennemi : Israël. « Il est faux de croire que les menaces qui soufflent sur l’Egypte du côté de ses frontières sud via l’Ethiopie peuvent être séparées de celles qui soufflent du côté nord-est via le Sinaï. L’Ethiopie, à mon avis, n’aurait jamais ni osé prendre la décision unilatérale de changer le cours du Nil Bleu, ni risqué d’entrer dans un conflit ouvert avec l’Egypte si elle n’avait été soutenue par son allié Israël. Voire ce dernier est peut-être l’instigateur d’une telle décision. L’ennemi de l’Egypte sur la frontière nord-est est le même qu’à sa frontière sud. C’est un ennemi qui agit selon une vision stratégique étudiée. Je suis donc presque certain que l’attitude de l’Ethiopie est reliée d’une manière ou d’une autre au conflit en cours en Syrie … ». Et d’ajouter : « Si la situation continue de la sorte, je crois que tous les scénarios envisageables sont désastreux. La guerre civile qui se répand de la Syrie vers le Liban et l’Iraq peut atteindre toute la région dont les pays du Golfe. Et une guerre régionale totale sera dans l’intérêt d’Israël ou de la Turquie ou de l’Iran. Ou les trois ensemble ».

Dans le quotidien Al-Shorouk, l’écrivain Bilal Fadl fait rappeler quelques évidences. « L’affaire n’est pas une affaire de barrage. Mais l’histoire de chacun d’entre nous qui croit que le rôle de vedette dans le film mondial nous est consacré pour continuer à jouer un rôle qui consiste à émettre des gaz intellectuels et chanter les slogans sur notre leadership à la façon nassérienne ou islamiste ou pharaonique. Cela en supposant que nos voisins africains vont se contenter des rôles de comparses et s’ils refusent de s’astreindre à cela, la première chose à laquelle nous pensons c’est de les bombarder avec nos avions ».

L’anarchie tous azimuts

D’autres écrivains et analystes se concentrent sur les raisons intérieures qui risquent de porter un coup au colosse. Ainsi Amr Hamzawi, ex-député et analyste, fustige, dans le quotidien Al-Watan, l’anarchie qui domine au sein du pouvoir et de l’opposition. « Les Frères au pouvoir gouvernent avec la logique du au jour le jour, sans vision, ni plan, ni programme dans une société qui affronte la pauvreté, l’ignorance, la maladie et l’injustice. L’opposition n’en est pas moins anarchique. Individualisme omniprésent, élitisme, manque de vision capable d’inspirer les foules, penchant pour les conflits partisans. Voici les caractéristiques de l’opposition. Quand certains libéraux censés prôner le pacifisme et la recherche continuelle de solutions négociées optent pour un discours à la Rambo face à la situation au Sinaï ou encore appellent à une frappe militaire contre l’Ethiopie à cause du barrage de la Renaissance, de larges secteurs de l’opinion publique deviennent incapables de comprendre les principes et les objectifs des libéraux ».

Un 30 juin sanglant ?

Au milieu de ce magma, les révolutionnaires et les activistes se mobilisent de plus en plus en prévision des manifestations anti-Frères et anti-Morsi, prévues le 30 juin. Au même moment, les pro-islamistes se mobilisent de leur côté pour soutenir le pouvoir en place. « Imaginez quand les deux camps manifesteront sur la même place. Nous serons devant un incendie total et une destruction générale si les mobilisations continuent de cette manière effrénée. Si cela a lieu il y aura des mains qui seront entachées de sang, surtout la vieille garde politique et les barons de l’échec qui ont décidé sans conscience de nourrir leurs rêves futiles sur les os des Egyptiens et de boire le sang des pauvres gens en l’honneur d’une victoire qui est en fait une défaite », lance Waël Qandil qui soutient la légitimité du président dans le quotidien Al-Shorouk.

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