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Amr Osman : Il n’est plus question pour nous de se voiler la face

Howaida Salah, Lundi, 11 juin 2018

Amr Osman, ministre adjoint de la Solidarité sociale et président du Fonds de lutte contre la toxicomanie, revient sur les efforts déployés pour éradiquer ce fléau.

Amr Osman : Il n’est plus question pour nous de se voiler la face

Al-Ahram Hebdo : Le taux de toxicomanie a atteint 10 % en Egypte, soit le double de la moyenne mondiale. Quand et pourquoi avez-vous fondé ce fonds antidrogue ?

Amr Osman: Le taux de toxicomanie en Egypte est deux fois plus élevé que le taux mondial, puisqu’il a atteint 10 % selon les statistiques. Il n’est plus question de se voiler la face quant à cette catastrophe, surtout que les statistiques sont en hausse constante, ce qui nous a obligés à fonder ce fonds antidrogue. En effet, le fonds a publié les chiffres relatifs à la consommation des stupéfiants en Egypte, qui a atteint 10,4 %. Certains consomment des drogues quotidiennement, tandis que d’autres le font d’une façon irrégulière. 7,7% des élèves du secondaire prennent des drogues, 12,8% fument et 8,3% boivent de l’alcool. Cela signifie que l’Egypte est en danger. En 2017, on a traité 104 000 patients âgés entre 15 et 60 ans. Selon les statistiques, 80% des crimes inexplicables sont commis sous l’influence de la drogue, comme le viol et la violence exercée sur la famille. La taille du commerce de la drogue dépasse les 400 milliards de livres par an, le gouvernorat du Caire occupe la première position en nombre de toxicomanes avec un pourcentage de 33%, suivi par les gouvernorats de la Haute-Egypte.

— Quelle est la stratégie nationale pour lutter contre les drogues ?

— Le fonds a mené tout au long de l’année 2016-2017 un travail de sensibilisation dans les différents gouvernorats d’Egypte en organisant un marathon dans chaque province, afin de sensibiliser les élèves des écoles et des universités.

La réalisation la plus marquante qui a été faite par le Fonds de lutte contre la toxicomanie est l’ouverture de 21 centres pour le traitement de la toxicomanie dans plusieurs gouvernorats. Le fonds a également mis en place un centre à Assouan et un autre va aussi être créé dans un mois à Daqahliya. Par ailleurs, le fonds a organisé, au cours de 2016, plusieurs sessions pour la formation professionnelle de personnes guéries, afin de faciliter leur intégration au marché du travail. Le fonds a également lancé une nouvelle initiative appelée « New Beginning », pour encourager certaines de ces personnes à monter de petits projets, en leur fournissant des prêts en coopération avec la Banque Nasser.

Un protocole a été signé entre le Fonds de lutte contre la toxicomanie et l’Organisme des médias, afin de réduire les scènes de drogue et de tabagisme dans les séries télévisées du Ramadan.

— Beaucoup de parents d’élèves soupçonnent que les conducteurs d’autobus scolaires consomment des drogues. Que faites-vous ?

— Au cours du premier semestre de l’année scolaire écoulée, le ministère a reçu 56 plaintes de mères de familles qui soupçonnent que des conducteurs d’autobus scolaires consomment des drogues et, malheureusement, toutes ces plaintes se sont avérées justes. Le Fonds de lutte contre la toxicomanie a mené une enquête et il a trouvé que les conducteurs d’autobus scolaires utilisent diverses substances notamment de la marijuana, du tramadol et de l’héroïne. Les conducteurs ont été testés par un comité de dépistage des drogues dirigé par Dr Ghada Wali, ministre de la Solidarité sociale.

La consommation de drogue chez les conducteurs d’autobus scolaires a baissé cette année passant de 12 à 3,6%. Cela ne signifie pas qu’ils ont cessé de consommer des drogues, mais que les administrations scolaires choisissent de plus en plus les conducteurs qui ne consomment pas de drogue.

Le tramadol est l’un des médicaments les plus répandus parmi les consommateurs de drogue. Il représente 60% de la consommation totale de drogue, suivi par le cannabis et l’héroïne.

Le ministère avait effectué des analyses de drogue sur tous les conducteurs de métro, ainsi que sur les employés du ministère de la Solidarité sociale, où certains ont été suspendus de leur travail après des tests positifs.

— Dans la campagne Dites non à la drogue, pourquoi le nombre d’appels a augmenté de 400 % comparé à l’année dernière ?

— Cette campagne fait partie d’une initiative majeure menée par le ministère pour mettre en oeuvre un plan national de lutte contre la toxicomanie. La hausse de 400% des appels est due à la campagne antidrogue du footballeur Mohamad Salah, star de Liverpool, lancée par le ministère de la Solidarité sociale pour encourager les jeunes Egyptiens à ne plus consommer. Le numéro d’urgence 16023 pour la prise en charge des toxicomanes a été très actif depuis que la star égyptienne Mohamad Salah a participé à « Dites non à la drogue ».

La vidéo Facebook de la campagne a réalisé plus de 8 millions de vues en seulement 72 heures.

Salah, le meilleur buteur de Premier League, a été la vedette de la publicité de la campagne « Dites non à la drogue ». On a demandé surtout à Salah de participer à cette campagne car c’est un ambassadeur de poids, surtout auprès de la jeune génération. Salah participe actuellement à sa quatrième publicité sur la même question, en collaboration avec le ministère. Quelque 88% des téléspectateurs avaient entre 18 et 35 ans. Les vidéos de Facebook, Instagram et Youtube ont été vues à 30 millions de reprises, partagées 23000 fois et appréciées par 359000 utilisateurs.

— Que faites-vous pour les élèves du secondaire qui abusent des drogues ?

— En 2017, un rapport officiel commandé par notre ministère révélait que près de 12% des lycéens entre 15 et 18 ans consommaient des drogues. La consommation de tramadol, qui est l’un des médicaments les plus répandus parmi les étudiants, a augmenté depuis 2010. Il représente 60% de la consommation totale de drogues, suivi du cannabis et de l’héroïne. On a constaté que ce phénomène est plus répandu dans les classes sociales très riches, notamment avec les familles qui partent travailler dans les pays du Golfe. L’absence des parents et les problèmes familiaux, comme le divorce, avaient fait que la criminalité et la violence ont augmenté parmi les élèves. Aujourd’hui, le ministère de la Solidarité sociale coopère avec le ministère de l’Education pour l’intégration des jeunes et pour leur expliquer les effets négatifs de la consommation des drogues sur la santé. 26000 volontaires coopèrent avec les assistants sociaux pour sensibiliser les étudiants et les aider à se soigner.

— Comment mettre fin au trafic de drogue, selon vous ?

— Le trafic de drogue en Egypte est l’oeuvre des réseaux transnationaux de crime organisé. Il faut donc lutter contre ces réseaux. Nous coordonnons avec le ministère de l’Intérieur pour renforcer le contrôle aux frontières de l’Egypte surtout les ports, les aéroports et les zones désertiques. En 1980, la drogue rentrait en Egypte par le Canal de Suez. Aujourd’hui, les trafiquants cherchent des routes alternatives pour échapper à la police. A cause de sa position géographique, l’Egypte attire l’attention des trafiquants en tant que pays de transit et centre de distribution. Selon le ministère de l’Intérieur, le Liban est l’un des principaux fournisseurs de cannabis, de haschisch et plusieurs autres genres de stupéfiants qui se trouvent sur le marché égyptien. Les navires chargés de cannabis quittaient le Liban, traversaient la Méditerranée vers la Libye où le commerce était dirigé ensuite vers l’Egypte. Pour les trafiquants, il s’agissait surtout d’un moyen de contourner les côtes méridionales de l’Egypte où la surveillance est renforcée. L’autre grande filière très active actuellement est celle du Maghreb arabe. Les trafiquants partent du Maroc, traversent l’Afrique et livrent leurs marchandises en Egypte.

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