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L’Egypte et l’Afrique, des liens solides

May Al-Maghrabi, Mardi, 29 mai 2018

L’Egypte a célébré cette semaine la Journée mondiale de l’Afrique. L’occasion de revenir sur le rôle du Caire sur le continent noir, qui connaît un essor depuis quelques années.

L’Egypte et l’Afrique, des liens solides
Le mot « Africa  » a éclairé le bâtiment du ministère des Affaires étrangères, qui a aussi organisé des réceptions pour les ambassadeurs des pays africains en poste en Egypte.

La Journée mondiale de l’Afrique a été célébrée le 25 mai en Egypte et dans les pays africains. Ce jour commémore notamment la création de l’Organisation de l’Unité africaine (OUA) le 25 mai 1963 à Addis-Abeba, en Ethiopie, organisation qui est aujourd’hui devenue l’Union Africaine (UA).

Cette année, l’Egypte, membre fondateur de l’UA, a célébré cette journée au niveau officiel, affichant sa volonté de jouer un rôle plus actif au sein de l’UA, dont elle a été élue présidente pour l’année 2019. Dans le cadre des festivités organisées en Egypte, le mot « Africa » a éclairé le bâtiment du ministère des Affaires étrangères, qui a aussi organisé des réceptions pour les ambassadeurs des pays africains en poste en Egypte. Au gouvernorat d’Assouan, un colloque culturel sur le rôle historique de l’Egypte en Afrique a été tenu le 25 mai. Par ailleurs, la Semaine africaine à l’Unesco a été lancée mardi 22 mai au siège de l’organisation. Au programme de cet événement, des expositions, des conférences et des projections de films. Le président du comité d’organisation de la semaine, le représentant permanent de l’Egypte à l’Unesco, l’ambassadeur Ihab Badawi, a souligné, dans son allocution lors de la cérémonie d’inauguration, la diversité et la richesse culturelles de l’Afrique, précisant que ce genre d’événements phare de l’Unesco doit sensibiliser d’autres groupes à la diversité africaine, berceau de l’humanité. « Le nombre de dossiers présentés à l’Unesco pour l’inscription au patrimoine culturel immatériel mondial ne reflète pas la richesse et la diversité des cultures africaines », a déclaré Badawi.

Le porte-parole du ministère des Affaires étrangères, Ahmad Abou-Zeid, a indiqué que pour l’Egypte, la célébration de ce jour rappelait « les victoires et les sacrifices des pères fondateurs et des ancêtres, tout au long de plusieurs décennies, afin d’atteindre la liberté et la dignité jusqu’à ce que l’Afrique gagne la stature qu’elle mérite aux yeux des autres peuples ». Il a ajouté que les peuples du continent africain n’oublieront pas les sacrifices des pères fondateurs tels que Ahmed Ben Bella, Haile Selassie, Kenneth Kaunda, Gamal Abdel-Nasser et d’autres (voir sous-encadré).

Dans son communiqué publié à cette occasion, le ministère des Affaires étrangères a souligné que la célébration, par l’Egypte, cette année, de la Journée de l’Afrique intervient à un moment où le pays a retrouvé son rôle pionnier sur le continent noir, notamment depuis les révolutions du 25 janvier et du 30 juin. Un retour en force de l’Egypte sur la scène africaine, marqué par la réintégration de l’Egypte au sein de l’Union africaine et sa participation active, au cours des quatre dernières années, aux réunions et aux sommets ministériels africains, une participation qui lui a valu l’appréciation des autres pays du continent. « La confiance de nos frères africains en la sincérité de l’Egypte a favorisé l’élection de l’Egypte comme membre du Conseil de la Paix et de la Sécurité de l’Union Africaine (CPS-UA), comme membre non permanent du Conseil de sécurité des Nations-Unies pour un mandat de deux ans (2016-2017) pour la zone Afrique, et récemment, comme présidente de l’UA pour 2019 », lit-on sur le communiqué.

L’Afrique, un enjeu important

Une réussite due à la nouvelle diplomatie africaine menée par l’Egypte au cours des dernières années et qui lui a permis de se repositionner sur le continent noir. Depuis son accession au pouvoir en 2014, le président Abdel-Fattah Al-Sissi accorde un grand intérêt au renforcement des relations de l’Egypte avec les pays africains. Des relations qui avaient été négligées pendant des décennies, notamment depuis la tentative d’assassinat de l’ancien président Hosni Moubarak à Addis-Abeba en 1995. Selon l’Organisme général de l’information, le président Sissi a effectué, depuis 2014, 21 visites dans des pays africains sur un total de 69 déplacements à l’étranger, ce qui représente près de 30% des visites présidentielles à l’étranger. Il a aussi tenu 112 réunions avec des dirigeants et des responsables africains en visite en Egypte au cours des trois dernières années. Une agence égyptienne de partenariat pour le développement en Afrique a été créée en 2014 dans le but de soutenir les projets de développement sur le continent.

Une stratégie que les observateurs qualifient de « lucide » et qui a valu à l’Egypte la confiance des pays africains comme celle de la communauté internationale. C’est ce qu’estime Tarek Fahmi, professeur de sciences politiques à l’Université du Caire, qui souligne que le retour de l’Egypte sur la scène africaine a été principalement motivé par sa conviction que rompre avec les pays du continent, avec lesquels elle partage des intérêts et des défis allant au-delà de la sécurité hydrique, serait une erreur fatale. « L’Egypte est fortement liée à l’Afrique sur le plan de la civilisation, de l’histoire et de la géographie. Si, à l’époque de Nasser, se libérer du colonialisme était la mission égyptienne sur le continent, la contribution au développement est aujourd’hui le nouveau message que l’Egypte veut envoyer au citoyen africain. Les défis auxquels est confronté le continent, avec en tête le terrorisme et les crises économiques, et la réforme institutionnelle de l’UA sont des dossiers vitaux pour l’Egypte ainsi que pour le continent et exigent qu’on oeuvre à créer une coalition continentale politique et économique forte et unifiée », souligne le politologue.

C’est dans le cadre de cette présence sur la scène africaine que le ministre des Affaires étrangères, Sameh Choukri, a participé, vendredi 25 mai, aux réunions consacrées à la discussion de la réforme institutionnelle de l’UA, tenues au siège de l’union en Ethiopie. L’UA a entamé un processus de réforme qui pourrait s’avérer radical et qui, s’il est mis en oeuvre dans son intégralité, pourrait, selon les observateurs, avoir la même ampleur que celui qui a permis à l’Union africaine actuelle de naître des cendres de l’ancienne Organisation de l’unité africaine.

Des relations historiques

L’époque de Nasser constituait l’âge d’or des relations égypto-africaines. Selon les historiens, la conscience de l’Egypte, à cette époque, de l’importance de soutenir la lutte des pays africains pour obtenir la liberté et l’indépendance émanait de sa loyauté à son identité africaine. C’est pourquoi Le Caire avait soutenu les pays africains dans leur lutte pour l’indépendance et accueilli maints leaders des mouvements de libération africains.

De 1952 à 1977, l’Egypte a joué un rôle important sur l’échiquier africain, en devenant le siège des révolutionnaires du continent noir et une station de lancement de tout mouvement de libération nationale africaine, sachant qu’en 1955, l’Association africaine a été créée au Caire pour offrir l’entraînement militaire et l’appui financier aux mouvements de libération de l’Afrique. En 1953, l’Egypte a contribué au succès des négociations avec la Grande-Bretagne sur l’auto-gouvernance du Soudan. Les Eglises égyptienne et éthiopienne se sont aussi réconciliées en juin 1959, pour mettre fin à la tension dans les relations entre l’Egypte et l’Ethiopie.

Après l’indépendance des pays africains, l’Egypte a continué à les aider à se développer en leur offrant des aides financières, techniques et diplomatiques. 22 ambassades égyptiennes ont été inaugurées entre 1960 et 1967 dans les pays africains, sur 29 pays africains ayant obtenu leur indépendance. En août 1956, une Unité pour les affaires africaines a été fondée au ministère des Affaires étrangères. De même, l’Egypte a joué un rôle primordial dans la mise en place de l’Organisation de l’unité africaine en 1963.

Les relations égypto-africaines ont atteint leur apogée quand tous les Etats africains ont rompu leur relation avec Israël suite à ses hostilités contre l’Egypte en 1967. Les Etats africains ont alors soutenu avec force l’Egypte pendant sa guerre contre Israël en octobre 1973. Une histoire qui explique les liens forts qui ont toujours attaché l’Egypte aux pays du continent noir, malgré des hauts et des bas qui ont marqué ces relations.

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