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Etats-Unis : Hasm et Liwa Al-Sawra sur sa liste terroriste

May Al-Maghrabi, Lundi, 12 février 2018

Le classement des Etats-Unis de deux groupes affiliés des Frères musulmans sur sa liste de terroristes est perçu comme une étape vers une inclusion des Frères. L'« hésitation » de Washington d’interdire la Confrérie sur ses sols est toutefois critiquée.

Emboîtant le pas à la Grande-Bretagne, le département d’Etat américain a inscrit les deux groupes Hasm et Liwa Al-Sawra sur sa liste terroriste après avoir passé en revue les attaques qu’ils avaient revendiquées. La Grande-Bretagne les avait classés dans sa liste des terroristes, au mois de décembre dernier. Dans un récent communiqué, le ministère des Affaires étrangères a souligné la décision des Etats-Unis qui « soutiennent concrètement la guerre que mène l’Egypte contre le terrorisme ». Et d’ajouter qu’il s’agit d’une étape positive « car ils prennent acte des menaces que constituent les Frères musulmans (hors-la-loi) et les organisations terroristes qui lui ont prêté allégeance pour la stabilité et la sécurité de l’Egypte ».

Apparus respectivement en 2015 et 2016, Hasm et Liwa Al-Sawra ont mené une série d’attaques ciblant des membres des forces de sécurité, ainsi que des clercs et des juges qui ont clamé haut et fort leur condamnation de l’idéologie extrémiste. Affirmant qu’ils sont des factions armées de la confrérie des Frères musulmans, les autorités égyptiennes les avaient classés, en 2016, sur la liste d’organisations terroristes et les poursuivent dans le cadre du combat lancé contre le terrorisme.

C’est dans ce contexte qu’au niveau officiel, la décision américaine a été saluée par l’Egypte surtout qu’elle crédibilise son constat sur la violence de la confrérie. Or, les observateurs sont divisés sur sa portée. Si pour certains, il s’agit d’un pas positif annonçant un classement proche de toute la confrérie des Frères musulmans sur la liste terroriste des Etats-Unis, une revendication tant réclamée par Le Caire, d’autres n’y voient que de la poudre aux yeux, reprochant à l’Administration américaine une politique toujours « vacillante » vis-à-vis des Frères musulmans.

Aux rangs des optimistes, figure le général Khaled Okacha, membre du Conseil suprême de la lutte contre le terrorisme, qui trouve que la récente décision américaine fraye la voie à la classification de la confrérie des Frères musulmans comme organisation terroriste. D’autant plus qu’il s’agit d’un pas positif crédibilisant le constat de l’Egypte que la confrérie est un groupe dont les membres ont basculé dans la violence et sont déjà impliqués dans des actes terroristes. « C’est un prélude important au classement des Frères musulmans au niveau international sur les listes des terroristes. Un pas qui a beaucoup tardé mais est nécessaire pour dessécher les ressources de financement et de soutien logistique et parfois politique dont jouit la confrérie à l’étranger », estime Okacha. Mais pour y parvenir, il trouve évident que les autorités présentent aux Etats-Unis les documents et les preuves dont elles disposent sur l’implication de la confrérie dans des actes terroristes. « Il est important de profiter de la position de l’Administration du président Donald Trump qui est plus ferme sur cette question que celle de son prédécesseur Obama, qui s’est toujours opposé à tout projet de loi sur l’interdiction des Frères musulmans aux Etats-Unis », souligne Okacha.

Divisions au sein de l’Administration américaine

Pendant et après sa campagne électorale, Trump s’est montré favorable à la classification des Frères musulmans dans la liste des organisations terroristes étrangères. Son conseiller pour le Moyen-Orient, Walid Phares, a affirmé à maintes reprises que Trump agirait en vue d’adopter une loi dans ce sens. Or, jusqu’à présent, rien de concret n’a été décidé. Une « hésitation révélatrice », selon Hicham Al-Naggar, spécialiste des mouvements islamistes, de la persistance d’une conviction américaine du « pacifisme » de la confrérie. « La décision américaine sur Hasm et Liwa Al-Sawra crédibilise les mensonges selon lesquels ce sont des cellules dissidentes de la confrérie, désormais hors de son contrôle, qui commettent des violences. Et ceci, alors qu’effectivement des groupes comme Hasm et Liwa Al-Sawra ne sont que des bras armés de la confrérie », pense Al-Naggar. Il ajoute que la division au sein de l’Administration américaine de Trump vis-à-vis des Frères musulmans est l'une des raisons expliquant cette hésitation. Selon Al-Naggar, en effet, des responsables au sein de l’Administration américaine considèrent les Frères musulmans comme terroristes, d’autres insistent sur le fait que le mouvement se développe « pacifiquement » dans plusieurs pays. C’est cette division qui entrave tout projet au Congrès sur l’interdiction des Frères musulmans aux Etats-Unis. Les opposants au sein de l’Administration américaine à la classification des Frères comme terroristes restent convaincus à tort du pacifisme de la confrérie qu’ils considèrent comme un projet de l’islam politique modéré face au radicalisme.

« Sur un autre volet, ceux-ci craignent que des mesures sévères contre les Frères musulmans puissent nuire aux relations entre les Etats-Unis et la Turquie, un partenaire-clé dans la région », décrypte Al-Naggar. Et là, il rappelle que les Frères disposent toujours aux Etats-Unis de plusieurs organisations très actives, telles que le Council on American-Islamic Relations (CAIR) et l’Islamic Society of North America (ISNA). « Très actifs aux Etats-Unis via ces organisations, les Frères n’ont pas cessé, depuis 2013, de leurrer l’Occident en se présentant comme des victimes du régime pour éviter qu’ils ne soient classés organisation terroriste », affirme l’expert. Il affirme, à titre d’exemple, que l’Institut égyptien des études politiques et stratégiques, qui appartient aux Frères musulmans et qui opère en Turquie sous la direction de Amr Darrag, cadre de la confrérie, avait publié, en novembre 2016, un document comportant des recommandations au mouvement sur la manière de réagir aux intentions américaines. Le document recommande aussi la création d’un lobby islamique important aux Etats-Unis, tout en renforçant les liens avec les mouvements opposés à la politique de Trump. « Une stratégie de duperie que les Frères appliquent aux Etats-Unis avec excellence et qui semble apporter, jusqu’à présent, ses fruits. Pour l’avorter, il est important d’oeuvrer à poursuivre les efforts en vue de dévoiler les mensonges des Frères musulmans par des arguments et documents prouvant leur implication dans la violence », insiste l’expert. Les mois à venir devront révéler si l’Administration Trump est en mesure d’en découdre avec les Frères musulmans.

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