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Les inconnues de l’équation Sinaï

Najet Belhatem, Mardi, 21 mai 2013

Le kidnapping des policiers et soldats a ravivé les interrogations sur la réaction des autorités. Les analystes critiquent
la totale opacité de l'Etat concernant le Sinaï.

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Ne te rebelle pas ! Rebelle-toi !

C’est comme si le Sinaï s’était soudain trans­formé en théâtre avec cinq principaux acteurs : le Hamas, Israël, l’armée égyptienne, la police, les tribus bédouines et les groupes djihadistes. Or, il y a plus d’actions qui se produisent dans les coulisses que sur les planches. En effet, dernièrement, le kidnapping de sept soldats et policiers, réalisé par des groupes armés sur une autoroute, a ravivé le débat sur la situation du Sinaï.

Les éditorialistes reviennent donc sur ce dos­sier épineux et opaque. « Il y a beaucoup de non-dits et une rareté de l’information », fait remarquer Ahmad Al-Sawi dans le quotidien Al-Shorouk.

« Le Sinaï s’est-il soustrait à l’autorité de l’Etat ? ». Il rappelle qu’en juillet dernier, 16 soldats ont été tués par surprise à Rafah. « Nous n’avons pas su qui a tué, qui a incité au crime et qui sont ces gens qui font la loi dans le Sinaï. Ce qui a ouvert la voie aux supputa­tions et à la propagation de la théorie du com­plot. Il a été dit que le Hamas a aidé le prési­dent à se débarrasser du maréchal Tantawi, que ce dernier a fomenté l’affaire pour placer le président dans la gêne. Il a été dit également que le Fatah a voulu fragiliser les relations entre l’Egypte et Gaza. Qui fait pression sur qui pour que la vérité ne soit pas divulguée ? ».

Le quotidien Al-Watan a fait un zoom sur l’un des problèmes qui minent cette région : la crise des prisonniers sinawis puisque les kid­nappeurs des soldats réclament leur libération.

Un Etat absent

Le journal a interviewé le cheikh Abdel-Hadi Aatik, juge coutumier du Sinaï qui a fait partie de la délégation qui a été autorisée par le président à rendre visite aux prisonniers bédouins dans la prison Al-Aqreb et Abou-Zaabal. « L’autorité de l’Etat est complète­ment absente dans la région du nord-est du Sinaï. Si ce n’est la loi coutumière qui gère la relation des tribus entre elles, la situation aurait été plus sanglante. Le kidnapping de soldats témoigne du désespoir des Sinawis envers un Etat qui les méprise complètement.

Les responsables des kidnappings ont eu recours à ce procédé pour obliger le gouver­nement à entendre leurs revendications. Leur objectif est également de libérer leurs prison­niers et les prisonniers appartenant aux groupes islamistes ». Selon lui le problème réside dans la relation tendue entre les forces de l’ordre et les bédouins. « Quant aux djihadistes, ils sont peu nombreux et il est facile de les inté­grer dans la société ou de les affron­ter ».

Une dimension régionale

Le politologue Hassan Nafea adopte une approche politico-straté­gique. Pour lui, il y a une relation organique entre ce qui se passe actuellement au Sinaï et les déve­loppements qui secouent la région. Pour mesurer la nature de cette rela­tion, il revient 40 ans en arrière, lors de la guerre d’Octobre 1973. Dans le quotidien Al-Masry Al-Youm, Nafea écrit : « Cette guerre a montré que les Arabes pou­vaient prendre l’initiative de mener une guerre militaire contre Israël, dépasser leurs divergences et se rebeller contre les forces qui dominent l’ordre mondial. Israël et les Etats-Unis ont juré que cela ne se reprodui­rait pas. Ainsi une autre stratégie a été mise en place ».

Il avance que les dispositions sécuritaires dans les accords de paix sont en totale conformité avec cette stratégie. « Il est désor­mais clair qu’Israël a voulu, via ces disposi­tions qui ont ébranlé la souveraineté sécuri­taire de l’Egypte sur le Sinaï, mettre en place une zone tampon entre d’un côté l’Egypte et Israël, la Palestine, la Syrie et le Liban de l’autre côté. Mais aussi créer une zone de troubles maîtrisés pour affaiblir l’Egypte et intervenir en cas de nécessité ».

Lors de son explication, Nafea souligne qu’Israël est arrivé à ses fins avec une armée syrienne en décomposition et une armée égyptienne coincée entre le marteau de l’ex­térieur et l’enclume de la situation intérieure « surtout après que le Sinaï s’est transformé en épine dorsale de l’Egypte ». Mais cela ne suffit pas selon l’auteur à expliquer la dété­rioration de la situation dans cette région. « Un régime national aurait pu pallier les déséquilibres des accords de Camp David en instaurant une politique de développement économique et social, qui aurait permis une meilleure prise en charge des problèmes des populations du Sinaï. Mais le régime de Moubarak a opté pour la poigne sécuritaire et l’humiliation du châtiment col­lectif. Ce qui a donné naissance à des groupes armés ».

La situation n’a pas changé avec le régime de Morsi. Il semble même qu’elle empire avec un cli­mat d’opacité totale. « Nous par­lons maintenant de l’effondre­ment total de l’Etat qui se plie désormais à la volonté des milices. Il ne trouve d’autre issue que de négocier avec le terro­risme pour libérer les otages en libérant à son tour des repris de justice », dénonce Galal Aref dans Al -Tahrir.

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