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Les messages du Caire à Washington

May Al-Maghrabi, Mercredi, 24 janvier 2018

Le président Abdel-Fattah Al-Sissi a reçu, samedi 20 janvier, le vice-président américain Mike Pence. Au centre des discussions : la récente décision de Donald Trump sur Jérusalem et les relations bilatérales.

Les messages du Caire à Washington
Il s’agit du premier déplacement d’un haut responsable américain au Proche-Orient après la décision unilatérale de Trump de reconnaître Jérusalem comme capitale d’Israël. (Photo : Reuters)

Entamant sa tournée au Proche-Orient, le viceprésident américain, Mike Pence, s’est rendu, samedi 20 janvier, en Egypte, où il a rencontré le président Abdel- Fattah Al-Sissi. Tandis que Pence a souligné, lors de l’entrevue, le « partenariat stratégique » qui lie les deux pays, le président Sissi a réaffirmé « son soutien au droit du peuple palestinien à établir un Etat indépendant avec pour capitale Jérusalem-Est », comme l’a indiqué la présidence dans un communiqué. Il s’agit du premier déplacement d’un haut responsable américain au Proche-Orient après la décision unilatérale du président Trump de reconnaître Jérusalem comme capitale d’Israël. Initialement prévu fin décembre, il avait été reporté suite à la colère qu’avait provoquée la décision américaine en Egypte comme dans tous les pays arabes et musulmans.

Le grand imam d’Al- Azhar avait annoncé en décembre son refus de recevoir Pence. Le pape de l’Eglise copte orthodoxe, Tawadros II, a lui aussi refusé de rencontrer le vice-président américain, arguant que Trump avait « fait fi des sentiments de millions d’Arabes ». L’Egypte avait rejeté la décision de Trump qui a rompu avec des décennies de diplomatie américaine et avec le consensus de la communauté internationale sur cette question épineuse du conflit israélo-palestinien. Elle avait par ailleurs été l’instigatrice d’un projet de résolution présenté aux Nations- Unies au nom des pays arabes, qui révoque la décision du président américain relative au statut de la ville de Jérusalem. Cette fois-ci, malgré les crispations persistantes, la visite a été maintenue, afin d’« apaiser les tensions dans la région », comme l’a déclaré Pence.

Le président Sissi a d’ailleurs amplement discuté de Jérusalem avec Pence, lui affirmant que « Le Caire s’attache à ce que tout plan de paix soit basé sur les principes fondamentaux de la solution à deux Etats », selon le communiqué de la présidence. Quant à Pence, il a déclaré à l’issue de la rencontre : « Nous avons écouté le président Sissi, qui a exprimé ses objections sur Jérusalem. Nous nous engageons fermement à préserver le statu quo concernant les lieux saints de Jérusalem. Nous n’avons pas de position définitive sur la question des frontières ou tout autre sujet devant être négocié entre les parties ». Le vice-président américain a mis l’accent sur l’intérêt qu’accorde son pays aux relations avec l’Egypte, allié-clé au Proche- Orient. Les discussions ont aussi porté sur la coopération bilatérale ainsi que sur la coordination égypto-américaine en matière de lutte contre le terrorisme. « Le vice-président américain a confirmé le plein soutien de son pays à l’Egypte en matière de lutte contre le terrorisme », a indiqué le communiqué de la présidence.

Au-delà des tensions

L’ancien diplomate Mohamad Al- Orabi, président de la commission des affaires étrangères au parlement, indique que cette visite met en relief l’importance du rôle égyptien pour les Etats-Unis dans les questions régionales et relatives à la lutte contre le terrorisme. Selon lui, si Pence a commencé sa tournée au Moyen-Orient par l’Egypte, c’est parce qu’il reconnaît le fait que l’Egypte joue un rôle crucial en tant que médiatrice au Moyen-Orient. « Un rôle dont les Etats-Unis ont plus que jamais besoin après la décision de Trump, qui a fait perdre à Washington toute crédibilité en tant que principal médiateur du processus de paix », déclare Al- Orabi. Il ajoute que malgré les tensions, il est dans l’intérêt de l’Egypte, de la région arabe et des Palestiniens de maintenir ouverts les canaux politiques et diplomatiques avec les Etats-Unis. Quant au politologue Tareq Fahmi, il voit dans la visite de Pence une tentative de sonder la position égyptienne et arabe sur la question de Jérusalem. « A un moment où les Etats-Unis élaborent un nouveau plan de paix au Proche- Orient à la lumière de la décision de Trump sur Jérusalem, cette rencontre a permis au Caire de réaffirmer à Washington sa position au sujet de la cause palestinienne, rejetant catégoriquement tout plan de paix avec un Etat palestinien sans Jérusalem. A cet égard, les messages du président Sissi à l’Administration américaine ont été forts et tranchants. Difficile de dire si cela poussera Trump à revenir sur sa décision irréfléchie sur Jérusalem. Mais il est probable que les messages du président, que Pence transmettra à l’Administration américaine, l’incitent à réévaluer l’impact de cette décision sur les intérêts américains dans la région », décrypte Fahmi.

Si le politologue ne minimise pas l’impact des divergences entre Le Caire et Washington autour d’un nouveau plan de paix sur les relations entre les deux pays, il exclut toutefois une rupture des relations stratégiques bilatérales. « Sous l’Administration Trump, la cause palestinienne est devenue l’un des dossiers régionaux les plus embarrassants pour l’Egypte dans ses relations avec les Etats-Unis. Dans une telle situation, l’Egypte tente de parvenir à une formule lui permettant de maintenir ses bonnes relations avec Washington, sans contourner son engagement régional et historique en faveur d’un Etat palestinien. Mais pour que cette approche réussisse, il incombe aussi aux Etats-Unis de ne pas compromettre son alliance et ses intérêts avec l’Egypte par des politiques allant à l’encontre du consensus international », indique Fahmi. Il explique que Pence est venu dans la région pour apaiser les esprits et redorer le blason des Etats-Unis. « Cela ne suffira pas pour stabiliser les relations des Etats-Unis avec leurs alliés dans la région, avec en tête l’Egypte, en l’absence d’un terrain d’entente sur le plan de paix envisagé. Bref, la visite s’est limitée aux questions de forme, sans véritablement toucher au fond », conclut-il.

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