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Des cheikhs réduits au silence

Ola Hamdi , Vendredi, 22 décembre 2017

Publiée en novembre, une liste limitant le nombre des prédicateurs autorisés à émettre des fatwas à 50 avait suscité un tollé. Si la réunion des parties concernées par le comité religieux du parlement a permis d'apaiser les esprits, le débat autour de la meilleure manière de réglementer la question reste ouvert.

Le comité religieux du parlement a invité, le 12 décembre dernier, toutes les parties de la crise qu’avait déclenchée la publication, en novembre, d’une liste des cheikhs autorisés à émettre des fatwas lors d’émissions télévi­sées ou de radio. Des représentants de l’insti­tution d’Al-Azhar, du ministère des Waqfs et du Conseil Suprême des Médias (CSM) se sont ainsi réunis avec les membres du comité pour discuter des réserves sur la liste en ques­tion. A l’issue des discussions, le député Ossama Al-Abd, chef du comité, a déclaré que celles-ci avaient permis de rapprocher les points de vue. « Il a été décidé de revoir la liste publiée et de discuter des critères selon lesquels les oulémas devront être sélection­nés », a-t-il indiqué.

Pour sa part, Saleh Al-Salhi, membre du CSM, a fait savoir que le Conseil se réunira prochainement avec des responsables d’Al-Azhar et du ministère des Waqfs, afin d’élabo­rer de nouvelles listes. Tout avait commencé il y a trois semaines, lorsque Makram Mohamad Ahmad, président du CSM, avait publié une liste avec les noms de 50 prédicateurs autori­sés exclusivement à émettre des fatwas sur les chaînes publiques et privées. « Cette mesure vise à combattre l’anarchie des fatwas sur les chaînes et à barrer la route à ceux qui les instrumentalisent pour véhiculer des mes­sages de haine et de violence », avait expliqué Makram. Il avait tenu à souligner que cette liste avait été élaborée par l’institution d’Al-Azhar et le ministère des Waqfs. « Le rôle du CSM se limite à l’application de la décision », avait-il déclaré. Or, vu le tollé déclenché par la publication de la liste, le CSM n’a, jusqu’à ce jour, pas mis en oeuvre la décision.

Si tout le monde s’accorde sur la nécessité de s’attaquer aux fatwas appelant à la haine, surtout à un moment où le terrorisme frappe l’Egypte, la divergence porte sur les moyens de réglementer leur émission. Des oulémas d’Al-Azhar exclus de la liste avaient critiqué l’absence de critères déterminants dans l’éla­boration de cette dernière. Une indignation que venaient renforcer les noms des oulémas qui figuraient sur la liste, dont certains sont connus pour leur rigidité religieuse, alors que les noms d’autres oulémas, plus modérés, n’avaient pas été retenus. Mohamad Salem, doyen de la faculté des études islamiques d’Al-Azhar, trouve injustifié d’exclure des professeurs d’Al-Azhar, la plus importante institution sunnite du monde musulman, connue par sa modération. « Quelle logique existe-t-il à autoriser les professeurs d’Al-Azhar à enseigner aux étudiants et de les empêcher d’émettre des fatwas ? Tous les diplômés d’Al-Azhar qui ont fait des études religieuses supérieures spécialisées ont le droit d’émettre des fatwas », trouve Salem.

Réglementer — oui, mais comment ?

Le prédicateur Ahmad Karima, qui avait lui aussi été exclu de la liste en question, partage ce point de vue. Selon lui, la règle devrait être l’exclusion des prédicateurs connus pour leurs fatwas farfelues ou extrémistes, et non pas la restriction de ce droit à un certain nombre d’oulémas. Il rappelle que depuis la création de Dar Al-Iftaa (organisme officiel chargé d’émettre des fatwas) en 1895, le droit d’émettre des fatwas n’a jamais été limité aux membres de cet organisme. « Sur un même sujet, les avis peuvent diverger, et c’est là l’un des principes des fatwas, qui sont basées sur l’interprétation des textes religieux et des hadiths du prophète — des interprétations qui diffèrent d’une école de fiqh à l’autre. C’est donc injustifiable de limiter l’émission de fatwas à un certain nombre d’oulémas et de l’interdire à d’autres », s’indigne Karima. Il trouve en outre que la liste n’a pas de raison d’être, puisque l’institution d’Al-Azhar et le ministère des Waqfs disposent de l’autorité d’interdire l’émission de fatwas ou la prédica­tion dans les mosquées en cas de dérive.

Le député Omar Hamrouch, secrétaire du comité religieux au parlement, est, quant à lui, d’avis qu’il n’aurait pas fallu anticiper le projet de loi sur l’organisation des fatwas, actuelle­ment discuté au parlement. « Personne ne s’oppose à l’encadrement de l’émission de fatwas, mais il aurait mieux fallu attendre la promulgation d’une loi contraignante sur ce sujet, afin d’éviter des conflits entre les prédi­cateurs », dit-il. Le projet de loi en question restreint l’émission des fatwas à quatre ins­tances : le Conseil des chercheurs principaux, Dar Al-Iftaa, l’Académie de recherche isla­mique d’Al-Azhar et le département de la fatwa du ministère des Waqfs.

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