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Drame à répétition

Ola Hamdi, Vendredi, 22 décembre 2017

L’écroulement, la semaine dernière, de trois immeubles dans le quartier de Rod Al-Farag, au Caire, remet sur le tapis la question toujours non résolue de la gestion des bâtiments menacés d’effondrement.

Mardi 12 décembre, les habitants de trois immeubles au quartier de Rod Al-Farag se sont réveillés sur des murs qui s’effritent et des toits qui leur tombent dessus. Bilan de cet effondrement : 3 morts et 7 blessés. Les enquêtes sont toujours en cours sur les raisons de l’effondrement de ces immeubles qui ne dépassent pas chacun les trois étages. Suite à l’incident, le gouverneur du Caire, Atef Abdel-Hamid, a déclaré que les rescapés seront relogés dans de nouveaux appartements à la ville de Badr. Comme mesure préventive, les bâtiments adjacents ont été également évacués et leurs habitants ont été logés provisoirement au Centre de la jeunesse du quartier. Par ailleurs, le gouvernorat a décidé de former un comité technique pour recenser l’état et le nombre des vieux bâtiments menacés d’effondrement. Un dispositif visant à éviter la répétition de cette catastrophe, surtout que les habitants du quartier affirment que la plupart des bâtiments sont anciens et en mauvais état.

Jean Talaat, député du quartier de Rod Al-Farag, explique que les habitants des bâtiments sinistrés avaient présenté une plainte au commissariat de police, prouvant la vétusté et le délabrement des immeubles, appelant à des travaux de restauration d’urgence. « Sur fond de cette plainte, les responsables du quartier de Rod Al-Farag ont formé un comité technique pour examiner les bâtiments en question. Or, aucun rapport n’a été fait sur les travaux de restauration nécessaires et voici que les victimes payent le prix de la bureaucratie, la corruption ou la négligence des municipalités », fustige Talaat, soulignant qu’il y a dans le quartier de Rod Al-Farag des dizaines d’autres anciens immeubles dont la construction remonte au début du XXe siècle.

Des défaillances à revoir

Selon des récentes statistiques du ministère du Logement, l’Egypte compte environ 9,4 millions bâtiments, dont 102 000 vétustes. Une partie de ces derniers est carrément menacée d’effondrement. Pourtant, en vertu de la loi sur les Unions des habitants, l’autorité administrative compétente (en l’occurrence, le quartier ou le gouvernorat) est responsable, en cas de danger réel, d’évacuer ledit bâtiment et de prendre toutes les mesures préventives nécessaires. La loi détermine aussi la responsabilité des propriétaires et des locataires dans l’organisation des travaux nécessaires.

Des textes souvent inapplicables sur le terrain, puisque de nombreuses difficultés entravent l’exécution des ordres de démolition ou de restauration. Un dossier épineux qui peine jusqu’à présent à trouver des solutions cruciales. La pauvreté des locataires, la nonchalance des propriétaires vu la hausse des coûts de restauration et la corruption au sein des municipalités sont des raisons parmi d’autres qui ont fait que ce problème persiste.

Hassan Allam, ancien responsable au ministère du Logement, affirme que les ordres de démolition ou de restauration ne sont pas souvent exécutés. « La corruption des municipalités est la principale raison de ces drames. C’est pourquoi il est nécessaire que les organismes de contrôle forment des comités permanents pour surveiller le travail des municipalités. Ainsi, en cas de danger suprême menaçant un bâtiment, les fonctionnaires ne doivent pas décider seuls d’une démolition ou d’une restauration », dit Allam. Des accusations que rejette une architecte auprès d’un conseil municipal au Caire, s’exprimant sous le couvert d’anonymat. Elle explique qu’en cas de détérioration partielle d’un immeuble, le gouvernorat ne tarde pas à former des commissions et à étudier l’affaire pour prendre des décisions. « Souvent, les procès intentés par les propriétaires, la lenteur des procédures et la bureaucratie retardent l’exécution des ordres de démolition ou de restauration. Ces procès traînent parfois pendant des années, au cours desquelles l’état des bâtiments continue de se détériorer. Et nous assistons à l’effondrement des bâtiments sans rien pouvoir faire qu’attendre le verdict du tribunal », défend-elle, ajoutant que les architectes des municipalités travaillent dans des conditions difficiles. « Le contrôle régulier des bâtiments nécessite une armée d’architectes, alors que le nombre d’architectes dans les quartiers est insuffisant. A l’administration où je travaille, nous sommes 4 à servir un quartier de 68 km2 de périmètre renfermant des milliers d’immeubles. Est-ce que nous pouvons inspecter tous les bâtiments du quartier ? », se demande-t-elle, expliquant que ce manque d’architectes au quartier revient aux salaires médiocres qui n’encouragent pas beaucoup à y travailler.

Face à autant de difficultés, les solutions manquent. Mohamad Hussein, professeur de génie civil à l’Université de Aïn-Chams, trouve évident de mettre ce dossier à la tête des priorités du gouvernement. Il propose la création d’un haut comité technique présidé par le premier ministre et regroupant toutes les instances concernées et qui dispose de tous les pouvoirs et les prérogatives nécessaires pour gérer avec fermeté le dossier des bâtiments menacés d’effondrement. « A elle seule, la loi ne peut régler ce problème, il faut plutôt s’attaquer aux racines du mal. Souvent, la détérioration de l’état des bâtiments revient au manque des travaux d’entretien. Les propriétaires essayent toujours de gagner du temps au détriment des locataires qui, eux aussi, refusent de partager les frais de restauration avec les propriétaires », estime Hussein.

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