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La gratuité au prix de la qualité

Ola Hamdi, Mardi, 05 décembre 2017

Les hôpitaux publics sont-ils capables de répondre aux critères exigés par le nouveau système de l’assurance médicale ? Reportage.

La gratuité au prix de la qualité
L’hôpital d’Al-Nasr offre les services d’assurance médicale à 64  000 retraités et 170  000 étudiants. (Photo : Ola Hamdi)

Une foule de gens s’entasse dès les premières heures de la journée à l’entrée de l’hôpital qui dépend de l’Organisme des assurances médi­cales Al-Nasr, situé au quartier de Hélouan au sud du Caire. C’est le début du mois, date où beaucoup de patients viennent récupérer leurs médicaments mensuels prescrits par leur assurance médicale. D’autres attendent leur tour pour une consulta­tion médicale comme hadj Saad, un septuagénaire qui cherche un guide pour l’amener à la clinique d’orthopé­dique au deuxième étage, où d’autres patients attendent, endormis, lassés par les longues heures d’attente.

La modestie de l’hôpital n’em­pêche pas cette grande affluence. L’hôpital d’Al-Nasr offre les ser­vices d’assurance médicale à 64 000 retraités et 170000 étudiants. « Je suis obligée de venir au début de chaque mois pour obtenir mes médi­caments », explique Magda, une sexagénaire. Elle tient à obtenir ces médicaments, même s’ils ne sem­blent pas être efficaces. « Le taux de glycémie reste élevé malgré ma consommation régulière du médica­ment contre le diabète », dit-elle d’un ton désespéré. « Certains m’ont conseillée d’acheter les médica­ments de la pharmacie, mais je ne peux payer de telles sommes, c’est pourquoi je suis obligée d’utiliser les médicaments subventionnés de l’as­surance médicale, même s’ils ne sont pas efficaces », avoue-t-elle. Misant sur le nouveau système d’assurance prévue, elle s’attend à ce qu’elle bénéficie d’un meilleur service médical. « J’ai entendu parler d’un nouveau système d’assurance médi­cale pour mieux soigner les pauvres. Une des mes voisines m’a dit que quand il sera appliqué, je recevrai des médicaments efficaces et je pourrai être soignée dans de bons hôpitaux. Je prie Dieu que cela soit vrai parce que la maladie m’épuise de jour en jour et je n’ai plus la force d’attendre de longues heures à chaque fois que je viens prendre mes médicaments », souhaite-t-elle.

Sarah, une jeune fille de 20 ans, qui est venue chercher l’insuline pour sa soeur diabétique, est rentrée bredouille après de longues heures d’attente, pénurie d’insuline oblige.

Le manque de médecins est un autre problème dont souffrent les hôpitaux publics. Soad, une femme de 65 ans, attend tranquillement, les bras croisés, sur sa chaise l’arrivée du docteur. « Je suis venue ici à 7h du matin pour une consultation et je ne sais pas quand le médecin arri­vera. On est obligé d’attendre pen­dant de longues heures », se plaint-elle. Pour Soad, c’est indispensable d’augmenter le nombre des méde­cins pour répondre au grand nombre des malades fréquentant quotidien­nement l’hôpital. Mais ce n’est pas tout, elle se plaint aussi de l’incom­pétence et du mauvais traitement de la plupart des médecins à l’hôpital. « Je souffre de la vésicule biliaire et le médecin m’a donné un faux remède. Ce médecin est connu par ses faux diagnostics. J’ai porté plainte contre lui, mais en vain. Personne n’écoute, et seul le malade doit souffrir en silence parce qu’il est pauvre », regrette Samira, une autre patiente. Mais pour Mona, mère de 4 filles, peu importe d’at­tendre pour des heures, puisqu’enfin elle sera examinée et recevra les médicaments gratuitement. « J’ai réservé une consultation, mon numé­ro est 31 et je vais attendre. Je n’ai pas d’autres solutions. Je n’ai pas les moyens pour payer la facture d’une consultation privée ni acheter les médicaments à mes frais », dit-elle.

Les médecins se plaignent aussi

Mais il semble que le système déplaît aussi aux médecins. Nader Ahmad, chirurgien à l’hôpital Al-Nasr, ne touche que 700 L.E., une somme dérisoire qui ne correspond pas à la nature de son travail. « Chaque jour, j’examine au moins 70 malades. Est-ce juste que je touche un tel salaire qui n’équivaut même pas aux frais d’un seul malade dans certaines clinique privées ? », s’insurge le jeune chirurgien. En effet, les salaires médiocres que touchent les médecins dans les hôpitaux publics sont l’une des principales raisons découra­geantes et qui expliquent que leur nombre est limité. Une situation dont souffrent aussi les infirmières. « Nous travaillons plus de 10 heures par jour sans toucher aucune prime. Pire, alors que la nature de notre métier nous expose aux risques d’infections ou de contamination, nous ne dispo­sons d’aucune protection ou indemni­sation en cas de maladie », se plaint l’infirmière Ikram.

Le mauvais état de l’infrastructure, le manque d’équipement et des moyens financiers, la pénurie de main-d’oeuvre à tous les secteurs de santé, les conditions salariales, la mauvaise qualité des services de santé, autant de maux parmi d’autres dont souffre le secteur de santé public. Le nouveau système d’assurance médicale sera-t-il apte à régler tout cela ?

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