Pour la troisième fois depuis son arrivée au pouvoir, l’avion du président Abdel-Fattah Al-Sissi a atterri le 23 octobre en France. Le chef de l’Etat effectue une visite de trois jours à Paris avec au menu une rencontre avec son homologue français, Emmanuel Macron. Les deux hommes se sont entretenus sur un certain nombre de dossiers d’intérêt commun dont la lutte contre le terrorisme, les crises régionales dont la guerre en Syrie, la tension en Libye et la cause palestinienne. Le ministre des Affaires étrangères, Sameh Choukri, a déclaré que l’Egypte et la France ont « la volonté politique et la détermination d’approfondir leurs relations bilatérales afin de réaliser leurs intérêts communs ».
« Cette rencontre a permis de discuter des dossiers bilatéraux, notamment des moyens de renforcer les relations sur le plan de la coopération culturelle et éducative », a déclaré l’Elysée dans un communiqué. Au cours de la visite, le président Abdel-Fattah Al-Sissi a rencontré plusieurs investisseurs en France pour discuter des moyens de stimuler l’investissement en Egypte. Le diplomate Mohamad Al-Orabi, président de la commission des affaires étrangères au parlement, souligne l’importance de cette visite dans la mesure où elle permet de négocier avec la nouvelle administration française l’avenir des relations égypto-françaises. « C’est une occasion pour les deux pays d’échanger leurs points de vue sur les dossiers d’intérêt commun dont les défis sécuritaires et le renforcement de la coopération bilatérale », pense Al-Orabi. Et d’ajouter : « Paris considère l’Egypte, l’un des pays qui reste relativement stable dans la région, comme un allié stratégique dans la région. La France jouit d’un poids assez important en Afrique, comme cela a été assez clair lors des dernières élections à l’Unesco. Un soutien français peut aussi servir les intérêts égyptiens dans le continent noir ».
Les dossiers régionaux
Les crises régionales, notamment en Libye et en Syrie, ont été au centre des négociations entre les deux présidents. Hicham Mourad, professeur des sciences politiques à l’Université du Caire, estime que la France et l’Egypte se sont toujours partagées des positions convergentes sur les dossiers régionaux. « L’Egypte reste pour la France un partenaire essentiel dans une région en pleine ébullition. La France partage avec l’Egypte la même convergence de vues sur les crises régionales en cours que ce soit en Libye, en Syrie ou en Palestine. Les domaines d’intérêt commun sont multiples entre les deux pays. Sous la nouvelle direction du président Macron, il n’y aura pas de virage dans les relations bilatérales solides et stratégiques », affirme Mourad. Il explique que les risques d’expansion de la menace terroriste à l’est de la Libye n’ont fait qu’accentuer la convergence de points de vue entre Paris et Le Caire sur la priorité de soutenir la lutte antiterroriste et la nécessité de maintenir un partenariat étroit. « La France, comme beaucoup d’autres pays européens, s’inquiète de la présence en Libye de milliers de terroristes de Daech qui menacent les frontières sud de l’Europe et pourraient provoquer un exode massif de population vers le vieux continent. L’Egypte, qui mène une guerre farouche contre le terrorisme, elle aussi, est menacée par la porosité des frontières avec la Libye. Des armes et des combattants traversent la frontière et rejoignent le Sinaï où officie une autre branche de Daech », détaille Mourad.
Il rappelle le rôle qu’a joué la France dans la crise libyenne. Le président français a pu rassembler en juillet dernier les deux hommes forts de la Libye : Fayez Al-Sarraj, chef du gouvernement d’union nationale, et le maréchal Haftar, maître de la Cyrénaïque, pour signer une déclaration commune à la Celle-Saint-Cloud (près de Paris) en présence du nouveau chef de mission de l’Onu en Libye, Ghassan Salamé. Sur le dossier syrien, le politologue explique que la France s’inquiète de la montée du terrorisme en Syrie ainsi que du grand nombre de réfugiés qui affluent vers l’Europe. « La Syrie représente un grand danger pour la France qui considère le conflit syrien comme l’une des raisons principales de la propagation du terrorisme dans la région », analyse Mourad. Pour Macron, le dossier syrien représente aussi une priorité, il l’a même abordé en premier dans son premier discours devant l’Assemblée générale de l’Onu et a appelé à la création d’un groupe de contacts rassemblant les représentants des cinq membres permanents du Conseil de sécurité et associant les principaux acteurs engagés en Syrie. « Contrairement à Hollande, Macron est plus flexible et plus réaliste quant à sa position vis-à-vis de la Syrie. Il n’a pas de problème à dialoguer avec le régime de Bachar Al-Assad. Une position qui le met sur la même voie que l’Egypte », estime Mourad. C’est dans ce contexte que Paris a salué les efforts de l’Egypte qui, avec la garantie de la Russie, a réussi à convaincre les trois factions de l’opposition syrienne, Jaych Al-Islam, Jaych Ababil et Aknaf Beit Al-Maqdès, de signer un accord de cessez-le-feu dans le sud de la capitale syrienne. Dans ce même contexte, la question palestinienne a aussi pris place dans cette rencontre. L’Egypte est parvenue, après de longues négociations, à réaliser un accord entre les deux factions palestiniennes, le Fatah et le Hamas. Un accord qui intéresse la France qui a tenté, depuis quelques mois, de relancer les négociations israélo-palestiniennes. « Les interventions égyptiennes dans ces crises régionales libyenne, syrienne ou même palestinienne garantissent à la France une certaine stabilité dans la région », conclut Mourad.
Coopération militaire
En ce qui concerne la coopération militaire égypto-française, la France est devenue, au cours des deux dernières années, l’un des plus importants fournisseurs d’armes à l’Egypte. Elle a signé avec la France des contrats d’achat d’armes dépassant les 6 milliards d’euros. « La vente par la France de ces armes à l’Egypte émane de sa volonté de soutenir l’Egypte dans sa guerre contre le terrorisme », indique Mourad. La coopération militaire entre l’Egypte et la France comprend aussi des domaines comme la formation, la coopération stratégique, comme l’explique l’expert militaire Talaat Mossallam. « L’Egypte veut moderniser son arsenal militaire, notamment les équipements de la marine qui intéressent beaucoup les autorités égyptiennes ces derniers temps », conclut Mossallam.
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