
La tournée d'Al-Sissi dans les pays du Golfe vise à faire face aux défis menaçant la sécurité nationale arabe.
Le président Abdel-Fattah Al-Sissi a effectué, cette semaine, une tournée dans le Golfe qui l'a mené aux Emirats arabes unis, au Koweït et à Bahreïn. Après une visite réussie de deux jours aux Emirats, le chef de l'Etat a été accueilli, dimanche, par l’émir du Koweït Cheikh Sabah Al Ahmad Al Jaber Al Sabah. Selon Alaa Youssef, porte-parole de la présidence, les négociations ont surtout porté sur le renforcement des relations bilatérales «
distinguées » entre les deux pays. Les relations économiques ont été l’un des points importants abordés par le président Sissi en vue d’augmenter les investissements koweïtiens en Egypte.
Toujours dans le cadre du renforcement des relations avec les pays du Golfe, le président Sissi avait effectué, mercredi 3 mai, une visite de deux jours aux Emirats arabes unis où il a été accueilli par le prince héritier d’Abu-Dhabi, Cheikh Mohamad Bin Zayed Al-Nahyan. « La visite du président aux Emirats arabes unis s’inscrit dans le cadre des relations fraternelles et solides entre les deux pays et leur intérêt à coordonner leurs efforts afin de faire face aux défis menaçant la sécurité nationale arabe », précise un communiqué de la présidence. Le prince héritier a également confirmé le soutien constant de son pays pour l’Egypte à tous les niveaux, notamment dans sa guerre contre le terrorisme. « La stabilité de l’Egypte garantit la stabilité de la région », a rappelé le prince. Pour sa part, le président Sissi a noté que l’ensemble des pays arabes « relèvent à l’heure actuelle des défis énormes qui exigent une conjugaison des efforts pour consolider la sécurité nationale ».
Les relations égypto-émiraties ont toujours été très bonnes et solides sous l’ancien président Moubarak. Les Emirats ont toujours soutenu l’Egypte quel que soit le domaine et lui ont fourni tout le soutien nécessaire. Or, sous le règne des Frères musulmans, les relations bilatérales se sont dégradées. Ennemi farouche des Frères musulmans, les Emirats avaient arrêté, lors de la présidence du président islamiste Mohamad Morsi, une cellule d’activistes islamistes, l’accusant d’exercer des activités illégales. Un événement qui avait poussé le gouvernement des Frères musulmans à suspendre tous les projets émiratis en Egypte. Mais cette crise exceptionnelle n’a pas duré longtemps. En 2013, après la chute de Morsi, les Emirats arabes unis ont annoncé l’injection d’un montant de 15,9 milliards de dollars en Egypte et les investissements émiratis ont repris. Un contrat de construction d’un million de logements a d’ailleurs été signé entre l’armée et les Emirats.
Le politologue Hassan Abou-Taleb note qu’il existe plusieurs projets émiratis en Egypte qui n’ont pas été achevés, dont le projet concernant la construction de 1 000 écoles, le financement des programmes de formation des ouvriers des usines du secteur public et des projets concernant le développement des réseaux routiers. « Depuis environ un an, le projet émirati de construction de la nouvelle capitale administrative a été suspendu sur fond de problèmes d’ordre administratif. Cette visite vise à régler les problèmes entravant la poursuite des travaux de ce projet géant ainsi que la coopération économique entre les deux pays », indique Abou-Taleb. En pleine crise économique, l’Egypte oeuvre, depuis 2013, au renforcement de sa coopération économique et commerciale avec les pays du Golfe, qui ont affiché un grand soutien politique et financier au régime du président Sissi.
Le Caire orchestre la réconciliation libyenne
Outre les relations économiques, des dossiers régionaux étaient à l’ordre du jour des pourparlers lors de cette tournée, notamment les dossiers libyen, syrien et yéménite. « Les défis internes qu’affronte l’Egypte ne l’empêchent pas d’exercer son rôle régional en tant que plus importante et influente force régionale », estime Mohamad Ezz Al-Arab, chercheur au Centre des Etudes Politiques et Stratégiques (CEPS) d’Al-Ahram. Il note que l’Egypte joue un rôle principal dans la crise libyenne en proie à de nombreuses divisions internes et à une recrudescence très forte de la violence depuis l’assassinat d’Al-Kadhafi, il y a six ans. L’Egypte multiplie les médiations à la recherche d’une solution consensuelle entre les différents protagonistes libyens.
Le 14 février dernier, une réunion a été tenue au Caire entre les principaux dirigeants des autorités adverses en Libye. Ces négociations entre les parties libyennes, orchestrées par l’Egypte, se sont soldées par « la Déclaration du Caire », un accord déterminant les démarches à suivre vers une solution politique en Libye. « L’intérêt de l’Egypte de dénouer la crise libyenne provient d’une volonté de rétablir une certaine stabilité dans la région et du refus de toute ingérence étrangère dans les affaires libyennes. Mais l’Egypte est également motivée par la conviction que le vide politique et l’insécurité en Libye accroissent la prolifération de terroristes en Egypte à travers les frontières libyennes », explique le politologue.
La sécurité régionale en priorité
Ezz Al-Arab interprète la tournée du président Sissi comme une tentative de renforcement de la coopération interarabe en vue de parvenir à résoudre les crises régionales. Il ajoute que l’Egypte et les pays du Golfe cherchent à former un front uni visant à freiner les ambitions iraniennes dans la région, mais aussi à contrer les tentatives de prise du pouvoir des Frères musulmans en Libye et au Yémen. Le renforcement de la coopération entre l’Egypte et les pays du Golfe envoie donc un message fort à l’Iran, lui interdisant de s’ingérer dans les affaires arabes surtout en Iraq, en Syrie et au Yémen. « Il existe des milices chiites iraqiennes soutenues par l’Iran en Syrie également. Les pays du Golfe ont peur qu’après la chute complète de Daech, l’Iran ne finisse par dominer politiquement l’Iraq et la Syrie. Une situation que craint énormément l’ensemble des pays du Golfe et leurs alliés », conclut Ezz Al-Arab.
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