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Revue de presse: Israël-Frères, les dessous des cartes

Najet Belhatem, Mardi, 23 avril 2013

Restituer aux juifs d’Egypte leurs biens, céder des terres au Hamas en contrepartie d’indemnités, livrer des informations sur des institutions égyptiennes. La relation entre les Frères musulmans et Israël est la source de toutes les suspicions.

D’un discours belliqueux à l’égard d’Israël du temps de Moubarak, les Frères musulmans sont passés à un discours de partenariat en matière de sécurité. Comment expliquer ce revirement ? Est-ce du pragmatisme politique ou alors les Frères auraient-ils des plans ina­voués ? Comme toutes les questions soule­vées depuis leur arrivée au pouvoir, la suspi­cion est au rendez-vous, au moment où la transparence sur leurs politiques fait défaut.

L’expert en économie et analyste au Centre des Etudes Politiques et Stratégiques (CEPS) d’Al-Ahram, Ahmad Sayed Al-Naggar, revient dans un article publié dans le quoti­dien Al-Ahram sur le dossier des juifs d’Egypte en se basant sur des déclarations faites il y a quelque temps par Essam Al-Eriane, cadre du Parti Liberté et justice (organe politique des Frères musulmans). Ce dernier a appelé au retour des juifs d’Egypte et à la restitution de leurs biens sur la base du fait qu’ils ont été chassés d’Egypte. « Ce bal­lon d’essai des Frères coïncide avec les demandes israéliennes à ce sujet soutenues par les Américains … Il est désormais clair que la confrérie est le courant politique qui pourra répondre à cette revendication sio­niste que le président déchu a refusée. Et elle dénote une ignorance totale en ce qui concerne la question palestinienne qui a été pendant longtemps loin des préoccupations des Frères avant qu’ils ne l’utilisent politi­quement pour attirer les foules et non pas par conviction ».

Pour Al-Naggar, ces propos et ces revendi­cations n’ont aucune consistance historique : « L’Egypte de la monarchie ou de celle de Nasser n’a jamais chassé les juifs qui ont volontairement quitté le pays. C’était une émigration volontaire qui ne s’est pas accom­pagnée par l’abandon des biens mais par leur vente … Les seuls biens qui ont été abandon­nés sont ceux qui appartiennent aux traîtres qui jouaient un rôle dans le départ des juifs vers l’Etat sioniste et qui ont dû prendre la fuite ». L’auteur fait remarquer que l’Etat hébreu a procédé durant l’occupation du Sinaï à la surexploitation des richesses pétrolières, minières et aquatiques en contravention avec les accords de Genève. « La valeur des res­sources pompées de manière criminelle et illégale par Israël dans le Sinaï est de loin plus élevée que les biens de quelques juifs ayant quitté l’Egypte volontairement ».

Dans le quotidien Al-Tahrir, Emad Gad, expert politique au CEPS d’Al-Ahram et vice-président du parti Al-Masry Al-Démocrati (l’Egyptien démocratique), avance aussi que les Frères musulmans ont aussi des plans cachés qui vont dans le sens des politiques israéliennes. « Leur réel projet est de com­mencer par céder une partie du territoire national (Halayeb et Chalatine) aux Soudanais comme prélude à la cessation d’une autre partie, au nord, au profit des Frères du Hamas selon le plan mis en place par le général Giora Eiland, conseiller à la sécurité de Sharon en 2005. Selon ce plan basé sur un échange des terres, l’Egypte céderait une partie du Sinaï à la bande de Gaza qui serait le coeur de l’Etat palestinien, en contrepartie, Israël céderait une partie du désert du Néguev à l’Egypte et obtiendrait un territoire en Jordanie, dans un processus où toutes les parties, aux yeux du monde, procé­deraient juste à un échange de territoires. La réalité de ce processus est que l’Egypte va se désister d’environ 1 000 km2 au profit de la bande de Gaza, alors qu’Israël engloutira 40 % des terres de la Cisjordanie, y compris Jérusalem-Est ». Gad explique que parmi les clauses que Eiland a incluses dans son plan pour convaincre l’Egypte de céder une partie du Sinaï, c’est de lui offrir une indemnisation de 70 milliards de dollars devant servir à amé­liorer sa situation économique. « A mon avis, ce projet allait être soumis à Moubarak en contrepartie d’un soutien américain à l’ins­tallation de son fils Gamal à la tête du pou­voir ». Il ajoute que le soutien des Américains aux Frères musulmans s’explique par le fait que ces derniers ont accepté de mettre à exé­cution le plan Eiland, en contrepartie des 70 milliards, au moment où ils peinent à trouver des ressources pour renflouer les caisses de l’Etat.

Yasser Abdel-Aziz, expert en médias, fait remarquer que l’étroite relation entre les Frères et Israël est confirmée par les Israéliens eux-mêmes. Il écrit dans le quotidien Al-Masry Al-Youm : « Durant la semaine der­nière, les médias israéliens ont publié une déclaration rare et importante du chef d’état-major du Tsahal, Benny Gantz, où il affirme que la coordination sécuritaire entre Le Caire et Tel-Aviv s’est beaucoup améliorée depuis l’arrivée des Frères musulmans au pouvoir ».

Même dans le camp islamiste, on se pose des questions sur cette relation. Dans le jour­nal en ligne Al-Masriyoune, d’obédience isla­miste, plutôt tendance salafiste, le rédacteur en chef Gamal Soltane ne mâche pas ses mots : « Ce qu’il y a de nouveau dans les déclarations du président Morsi à la chaîne Al-Jazeera est sa confession qu’il collabore avec Israël sur le plan de la sécurité et recon­naît la véracité des propos des responsables israéliens qui jugent que cette collaboration n’a jamais été aussi forte. Je ne veux pas lui rappeler les principes nobles qu’ils ont sou­vent répétés, lui et le guide de la confrérie, sur les sionistes et la libération de Jérusalem. Je lui demande juste d’éclaircir les limites de cette collaboration et de dire quels sont les partis, les organisations et les institutions égyptiens qui sont soumis à cet échange d’in­formations avec Tel-Aviv ? ».

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