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Mohamed Ghoneim, chiite et discriminé

Mavie Maher, Mardi, 09 avril 2013

Après s'être converti au chiisme dans ses années universitaires, Mohamed Ghoneim a été l'objet de nombreuses persécutions, notamment de la part des autorités. Celles-ci refusent toujours de reconnaître son mouvement destiné à mettre fin aux discriminations dont souffrent les chiites égyptiens.

Mohamed Ghoneim
Mohamed Ghoneim

« Je suis le seul chiite de ma famille sunnite », déclare Mohamed Ghoneim. Sa conversion remonte au temps de ses études universitaires. Comme il le raconte, en 1984, le courant islamique de son université était très actif. Suite à la Révolution islamique en Iran, ce courant a incité les étudiants à imiter l’activisme politique des Iraniens. Le jeune Ghoneim se met alors à lire des ouvrages traitant du chiisme.

En 1987, l’ayatollah Khomeini, en voulant exporter sa révolution, suscite la crainte des dirigeants arabes sunnites de la région. La situation se complique pour Ghoneim, nouvellement converti au chiisme. Cette conversion et son activisme lui valent quelques mois de prison.

« Après avoir lu les ouvrages de l’écrivain pakistanais Ihsan Ilahy Zahir, qui critiquaient la secte chiite, j’ai été très irrité et j’ai décidé de lui envoyer une lettre qui défendait le chiisme », raconte-t-il. Ses courriers tombent entre les mains des autorités qui envoient Ghoneim en prison. « Après avoir passé quelques mois en prison, j’ai décidé de ne plus révéler ma croyance chiite pour me protéger et poursuivre mes études en paix », explique-t-il.

2011, un tournant

En 2011, tout change pour Ghoneim. « Avant la révolution, je n’avais jamais contacté la communauté chiite d’Egypte, je n’avais pas la moindre information sur elle. C’est le 31 janvier 2011, après avoir lu un article d'Ahmed Rasem El Nafis, l’un des écrivains égyptiens chiites les plus importants du pays, que j’ai décidé de le contacter ». Là commence une nouvelle phase de sa vie : le passage d’une pratique secrète à une autre publique : « J’ai enfin pu révéler que j’étais chiite ».

Ghoneim est aujourd’hui en contact avec la communauté chiite. Il est aussi devenu membre du parti chiite Al-Tahrir. « Il y a une présence chiite dans tous les gouvernorats mais pas de centre qui les dirige. Chaque groupe est indépendant. Les chiites souffrent de persécutions qui vont jusqu’à l’incarcération, que ce soit avant ou après la révolution du 25 janvier ».

Mais pour lui, avant la révolution le problème était d’abord politique. Ce qui préoccupait le plus l’Etat, c’était d’empêcher tout contact avec Téhéran. « Après la révolution, le problème est devenu purement religieux. Le chiisme est maintenant refusé par les autres courants islamiques, surtout wahhabite et salafiste ».

Agé maintenant d’une cinquantaine d’années, il n’est plus pour Ghoneim question de baisser les bras. Il a même fondé « Le courant chiite égyptien » avec comme objectif de revendiquer haut et fort les droits des chiites égyptiens. « Ce courant n’a ni bureau fixe faute de financement, ni documents officiels. A chaque tentative de nous faire reconnaître, on essuie un refus. L’Etat essaie de faire de nous des ennemis et de nous associer à l’Iran, ce qui est totalement faux ».

Il reconnaît souffrir pour défendre sa cause. Ghoneim travaille désormais à rassembler un dossier complet sur la cause chiite en Egypte avant de le présenter aux ambassades européennes dans l’espoir d’être pris en considération. « Il est temps que les chiites soient respectés en Egypte ».

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