
Le partenariat Egypte-Otan s'inscrit notamment dans le cadre de la lutte antiterroriste.
Le président Abdel-Fattah Al-Sissi a émis un décret présidentiel sur la création d’une mission diplomatique permanente auprès de l’Otan. Ihab Fawzi a été nommé ambassadeur de l’Egypte au siège de l’Otan à Bruxelles.
En fait, si l’Egypte, depuis l’ère de l’ancien président, Gamal Abdel-Nasser, maintient son refus d’adhérer à une quelconque coalition militaire, les experts soulignent que cette représentation diplomatique ne signifie pas que l’Egypte participera à des opérations militaires de l’Otan. Cela dit, les experts jugent cette représentation diplomatique d’une grande importance, dans la mesure où elle permet à l’Egypte de participer à la formulation des décisions de l’Otan sur les questions relatives à la région arabe. Elle permettra également à l’Otan de mieux connaître les défis de sécurité dans la région tout en permettant à l’Alliance d’expliquer directement les politiques et les activités qu’elle mène à l’heure actuelle. « L’Egypte entretient des relations historiques avec l’Otan, et il existe des intérêts communs qui garantissent l’élaboration de politiques qui ne minimisent pas les intérêts de l’Egypte ou de ceux de la région, à la lumière des dangers du terrorisme », a souligné le ministre des Affaires étrangères, Sameh Choukri, commentant la création de cette mission diplomatique. Tout en ajoutant que cette représentation diplomatique s’inscrit dans les constantes de la politique étrangère égyptienne.
Lutte antiterroriste
Bien avant cette décision, l’Egypte avait rejoint le Dialogue méditerranéen en 1994 et avait signé un accord de sécurité avec l’Otan en 2009. Ce Dialogue méditerranéen (incluant l’Algérie, l’Egypte, Israël, la Jordanie, la Mauritanie, le Maroc et la Tunisie) reflète le point de vue de l’Alliance selon lequel « la sécurité de l’Europe est étroitement liée à la sécurité et à la stabilité de la zone méditerranéenne ». Mais sur fond des récents développements que connaît la région arabe, notamment le défi que présentent les groupes terroristes en Iraq, en Syrie, en Libye ainsi que les guerres à caractère sectaire comme c’est le cas au Yémen, l’Otan a exprimé sa volonté de renforcer sa coopération avec l’Egypte, un pays central dans la région.
Lors de sa visite au Caire, le 6 mars dernier, le général Petr Pavel, président du Comité militaire de l’Otan, avait rencontré de hauts dirigeants des forces armées, pour discuter du renforcement de la coordination entre l’Otan et l’Egypte, en vue de faire face aux crises régionales, dont celle de la Libye. Pavel avait exprimé, lors de cette rencontre, l’appui total de l’Otan aux efforts de l’Egypte dans la lutte contre le terrorisme, pour assurer la sécurité et la stabilité au Moyen-Orient. Il a de même affirmé que l’Egypte avait « un partenaire méditerranéen actif et précieux ».
Ceci s’inscrit également dans le cadre de la lutte antiterroriste. Hicham Al-Halabi, conseiller auprès de l’Académie militaire de Nasser et membre de l’ONG Le Conseil égyptien des affaires étrangères, explique que la représentation diplomatique de l’Egypte à l’Otan lui permet de plaider ses visions sur des divers dossiers, comme celui de la lutte antiterroriste, les solutions proposées aux crises régionales auprès des 28 pays membres de l’Otan. « L’Egypte tire certainement de nombreux profits de la présence d’une mission diplomatique permanente à l’Otan. En participant aux réunions de l’Otan, l’Egypte aura l’opportunité de présenter directement ses propositions et ses visions aux membres de l’Alliance, la plus influente coalition militaire au monde. Ce qui servira l’Egypte à négocier les solutions proposées à la gestion des conflits régionaux », estime Halabi. Selon lui, dans le cadre de cette participation diplomatique, l’Egypte pourra aussi bénéficier, dans sa guerre contre le terrorisme, d’aides militaires sous forme de livraisons d’armes plus avancées et d'entraînements militaires conjoints.
Priorités différentes ?
En revanche, certains estiment que l’Egypte n’y gagnera rien. Pour la politologue Iman Ragab, du Centre des Etudes Politiques et Stratégiques (CEPS) d’Al-Ahram, les priorités de l’Otan diffèrent de celles de l’Egypte. « L’Egypte attend de ce partenariat un soutien dans sa guerre contre le terrorisme au Sinaï, devenu un sanctuaire des groupes terroristes. Néanmoins, la priorité de l’Otan est plutôt accordée à la guerre contre Daech en Iraq et en Libye, des zones de richesses pétrolières dont profitera à l’avenir l’Occident. De même, il existe déjà une coopération militaire entre l’Egypte et l’Otan dans le cadre de sa participation au Dialogue méditerranéen », estime-t-elle.
Vision partagée par l’ancien diplomate Maasoum Marzouq, selon lequel « toute coopération entre l’Egypte et des alliances militaires regroupant des pays puissants, comme ceux membres de l’Otan, ne pourra servir que les intérêts de ces puissances. Si l’Europe et les Etats-Unis combattent aujourd’hui Daech en Libye, c’est surtout à la recherche de l’exploitation des richesses libyennes. C’est dans ce contexte que l’Otan veut profiter d’une coopération avec l’Egypte pour servir les intérêts des pays membres », se méfie-t-il.
Marzouq appelle plutôt à oeuvrer en faveur de la création d’une sorte d’« Otan régionale » entre les pays du Proche-Orient. « C’est la loi du plus fort qui domine finalement. Il vaut mieux pour l’Egypte, les pays arabes et ceux du Proche-Orient de surmonter leurs différends et de s’unifier dans une forte coalition qui défend les intérêts arabes et régionaux », souhaite-t-il.
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