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Egypte-Otan : Quel partenariat ?

May Atta, Jeudi, 30 mars 2017

Le Caire a décidé d'ouvrir une représentation diplomatique auprès de l'Otan en vue de développer les relations politiques et militaires entre les deux parties.

Egypte-Otan : Quel partenariat ?
Le partenariat Egypte-Otan s'inscrit notamment dans le cadre de la lutte antiterroriste.

Le président Abdel-Fattah Al-Sissi a émis un décret présidentiel sur la création d’une mission diploma­tique permanente auprès de l’Otan. Ihab Fawzi a été nommé ambassa­deur de l’Egypte au siège de l’Otan à Bruxelles.

En fait, si l’Egypte, depuis l’ère de l’ancien président, Gamal Abdel-Nasser, maintient son refus d’adhérer à une quelconque coalition militaire, les experts soulignent que cette représentation diplomatique ne signi­fie pas que l’Egypte participera à des opérations militaires de l’Otan. Cela dit, les experts jugent cette représen­tation diplomatique d’une grande importance, dans la mesure où elle permet à l’Egypte de participer à la formulation des décisions de l’Otan sur les questions relatives à la région arabe. Elle permettra éga­lement à l’Otan de mieux connaître les défis de sécurité dans la région tout en permettant à l’Alliance d’expliquer directement les poli­tiques et les activités qu’elle mène à l’heure actuelle. « L’Egypte entretient des relations historiques avec l’Otan, et il existe des intérêts communs qui garantissent l’élabo­ration de politiques qui ne minimi­sent pas les intérêts de l’Egypte ou de ceux de la région, à la lumière des dangers du terrorisme », a sou­ligné le ministre des Affaires étran­gères, Sameh Choukri, commentant la création de cette mission diplo­matique. Tout en ajoutant que cette représentation diplomatique s’ins­crit dans les constantes de la poli­tique étrangère égyptienne.

Lutte antiterroriste

Bien avant cette décision, l’Egypte avait rejoint le Dialogue méditerranéen en 1994 et avait signé un accord de sécurité avec l’Otan en 2009. Ce Dialogue médi­terranéen (incluant l’Algérie, l’Egypte, Israël, la Jordanie, la Mauritanie, le Maroc et la Tunisie) reflète le point de vue de l’Alliance selon lequel « la sécurité de l’Eu­rope est étroitement liée à la sécu­rité et à la stabilité de la zone méditerranéenne ». Mais sur fond des récents développements que connaît la région arabe, notamment le défi que présentent les groupes terroristes en Iraq, en Syrie, en Libye ainsi que les guerres à carac­tère sectaire comme c’est le cas au Yémen, l’Otan a exprimé sa volonté de renforcer sa coopération avec l’Egypte, un pays central dans la région.

Lors de sa visite au Caire, le 6 mars dernier, le général Petr Pavel, président du Comité militaire de l’Otan, avait rencontré de hauts dirigeants des forces armées, pour discuter du renforcement de la coor­dination entre l’Otan et l’Egypte, en vue de faire face aux crises régio­nales, dont celle de la Libye. Pavel avait exprimé, lors de cette ren­contre, l’appui total de l’Otan aux efforts de l’Egypte dans la lutte contre le terrorisme, pour assurer la sécurité et la stabilité au Moyen-Orient. Il a de même affirmé que l’Egypte avait « un partenaire méditerranéen actif et précieux ».

Ceci s’inscrit également dans le cadre de la lutte antiterroriste. Hicham Al-Halabi, conseiller auprès de l’Académie militaire de Nasser et membre de l’ONG Le Conseil égyptien des affaires étrangères, explique que la repré­sentation diplomatique de l’Egypte à l’Otan lui permet de plaider ses visions sur des divers dossiers, comme celui de la lutte antiterro­riste, les solutions proposées aux crises régionales auprès des 28 pays membres de l’Otan. « L’Egypte tire certainement de nombreux profits de la présence d’une mission diplomatique per­manente à l’Otan. En participant aux réunions de l’Otan, l’Egypte aura l’opportunité de présenter directement ses propositions et ses visions aux membres de l’Alliance, la plus influente coalition militaire au monde. Ce qui servira l’Egypte à négocier les solutions proposées à la gestion des conflits régio­naux », estime Halabi. Selon lui, dans le cadre de cette participation diplomatique, l’Egypte pourra aussi bénéficier, dans sa guerre contre le terrorisme, d’aides mili­taires sous forme de livraisons d’armes plus avancées et d'entraî­nements militaires conjoints.

Priorités différentes ?

En revanche, certains estiment que l’Egypte n’y gagnera rien. Pour la politologue Iman Ragab, du Centre des Etudes Politiques et Stratégiques (CEPS) d’Al-Ahram, les priorités de l’Otan diffèrent de celles de l’Egypte. « L’Egypte attend de ce partenariat un soutien dans sa guerre contre le terrorisme au Sinaï, devenu un sanctuaire des groupes terroristes. Néanmoins, la priorité de l’Otan est plutôt accor­dée à la guerre contre Daech en Iraq et en Libye, des zones de richesses pétrolières dont profitera à l’avenir l’Occident. De même, il existe déjà une coopération mili­taire entre l’Egypte et l’Otan dans le cadre de sa participation au Dialogue méditerranéen », estime-t-elle.

Vision partagée par l’ancien diplomate Maasoum Marzouq, selon lequel « toute coopération entre l’Egypte et des alliances mili­taires regroupant des pays puis­sants, comme ceux membres de l’Otan, ne pourra servir que les intérêts de ces puissances. Si l’Eu­rope et les Etats-Unis combattent aujourd’hui Daech en Libye, c’est surtout à la recherche de l’exploita­tion des richesses libyennes. C’est dans ce contexte que l’Otan veut profiter d’une coopération avec l’Egypte pour servir les intérêts des pays membres », se méfie-t-il.

Marzouq appelle plutôt à oeuvrer en faveur de la création d’une sorte d’« Otan régionale » entre les pays du Proche-Orient. « C’est la loi du plus fort qui domine finalement. Il vaut mieux pour l’Egypte, les pays arabes et ceux du Proche-Orient de surmonter leurs différends et de s’unifier dans une forte coalition qui défend les intérêts arabes et régio­naux », souhaite-t-il.

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