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La fin d’un long procès

Ola Hamdi, Mardi, 07 mars 2017

La justice a innocenté l'ancien président Hosni Moubarak dans le procès du meurtre des manifestants durant la révolution de 2011.

Moubarak

« La cour déclare l’accusé innocent ». Telle était la phrase prononcée par le juge de la Cour de cassation, jeudi 2 mars, après une journée complète d’audience. La Cour a acquitté définitivement l’ancien président Hosni Moubarak dans le procès du meurtre des manifestants de la révolution du 25 janvier, qui a mis fin à son pouvoir. La Cour a également rejeté la demande des avocats des familles des victimes de rouvrir des procès civils, ce qui supprime toute possibilité de voir cette affaire soulevée à nouveau devant la justice, comme le réclament les membres du comité de défense des familles des martyrs.

Ce verdict met un terme à un procès de 6 ans, considéré par beaucoup comme le procès du siècle. C’était la première fois dans l’histoire de l’Egypte qu’un président se retrouve réellement derrière les barreaux. Après ce dernier verdict, plus aucune charge ne pèse sur Moubarak « qui sera libéré », comme l’affirme son avocat Farid Al-Dib. Moubarak vient d’achever une peine de trois ans de prison dans l’affaire des palais présidentiels, où il était accusé de détournement de fonds publics.

Le Parquet général avait présenté en 2015 un recours contre l’abandon des accusations de complicité dans le meurtre des manifestants portées contre Moubarak. Selon le Parquet général, l’ancien ministre de l’Intérieur, Habib Al-Adli, avait fourni des véhicules et des armes aux forces de l’ordre afin qu’elles les utilisent contre les manifestants. Le Parquet reprochait, notamment à Moubarak, en tant que président de la République, le fait de ne pas avoir tenté d’arrêter la tuerie des manifestants. Des accusations que Moubarak a catégoriquement niées. La plaidoirie de son avocat, Farid Al-Dib, a été, elle aussi, basée sur un rejet total de tous les chefs d’accusation ayant trait au meurtre des manifestants durant les 18 premiers jours de la révolution. Al-Dib a ensuite accusé les Frères musulmans, le Hamas et le Hezbollah d’avoir tué les manifestants.

Un procès à rebondissements

En juin 2012, Moubarak avait été condamné en première instance à la prison à perpétuité avec Habib Al-Adli et six autres hauts responsables de la sécurité, pour le meurtre de quelque 850 manifestants durant la révolution de janvier 2011. Moubarak avait alors été reconnu coupable de « complicité » du meurtre des manifestants, pour ne pas avoir empêché cette répression meurtrière. Ce jugement a été annulé en appel, en janvier 2013, pour vice de procédure. Moubarak et ses co-accusés ont donc été rejugés et ont été acquittés le 29 novembre 2014 par la Cour pénale du Caire. Selon l’avocat Amr Abdel-Salam, vice-président de l’organisation Al-Haq pour les droits de l’homme, l’acquittement de Moubarak est dû à une erreur fatale du Parquet général. « Le Parquet n’a inclus Moubarak ni dans l’acte d’accusation ni sur la liste des accusés déférés devant la justice », explique Abdel-Salam. Et c’est ce qui explique que dans son verdict d’acquittement, la Cour s’était interrogée sur les raisons pour lesquelles Moubarak a été arrêté 60 jours après son ministre de l’Intérieur, Habib Al-Adli, et les assistants de ce dernier. Un retard que le tribunal a interprété comme un manque de volonté du Parquet de poursuivre l’ancien président. Dans son recours en cassation de mars 2015, le Parquet a expliqué qu’il était difficile, au vu des conditions politiques, d’arrêter Moubarak pendant les premiers mois de l’investigation. La Cour de cassation avait accepté le recours sur l’ancien président, mais avait confirmé l’innocence de son ministre de l’Intérieur, Habib Al-Adli, et de ses assistants.

Réactions mitigées

« Tant de morts pour rien », « Moubarak innocent et les révolutionnaires au box des accusés », « La mascarade du siècle », réagissent timidement des activistes sur les réseaux sociaux.

Amir Salem, membre du front de la défense des familles des victimes, ne cache pas son désarroi et s’interroge sur les droits de ses clients. « Ce verdict est catastrophique pour les familles des victimes », commente-t-il, bien qu’il avoue que cet acquittement n’est pas une surprise. « La confirmation de l’innocence de l’ancien ministre de l’Intérieur, Habib Al-Adli, et de ses assistants ne laissait pas espérer une condamnation de Moubarak. Au contraire, cela révélait que la Cour ne possédait pas les pièces nécessaires pour le condamner, surtout que les preuves matérielles de cette affaire, à savoir les vidéos et les enregistrements relatifs aux événements, ont été détruites », regrette-t-il. Depuis la révolution de 2011, parmi les 192 policiers accusés du meurtre de manifestants, seuls 12 ont été condamnés avec sursis.

« Ce débat est vain », déclare pour sa part Georges Ishaq, figure de proue de la révolution du 25 janvier et actuel membre du Conseil des droits de l’homme. Selon lui, si la justice avait acquitté Moubarak, l’histoire l’aurait rejugé. « Quel que soit le verdict, Moubarak a déjà été condamné par son peuple pour les crimes politiques qu’il a commis tout au long de ses 30 années de pouvoir. Entre la corruption, le despotisme, l’étouffement de la vie politique et la hausse des taux de pauvreté, les crimes de l’ancien régime dépassent de loin les faits jugés devant les tribunaux », se console Ishaq.

Si le sort de Moubarak ne semble plus préoccuper la majorité des Egyptiens, les familles des victimes regrettent ce climat d’impunité. Les révolutionnaires refusent de tourner la page bien qu’ils n’aient plus le vent en poupe. Face à la détérioration des conditions économiques et les menaces terroristes, beaucoup d’Egyptiens affichent une indifférence certaine du devenir de l’ancien président.

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