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Pâle anniversaire

Ola Hamdi, Mardi, 24 janvier 2017

Alors que le ministère de l'Intérieur annonce un renforcement du dispositif sécuritaire à l'occasion du sixième anniversaire de la révolution du 25 janvier, aucune force politique n'a décidé de commémorer l'événement.

Pâle anniversaire
Pour le 6e anniversaire, la place Tahrir est vide de festivités. (Photo : Al-Ahram)

Aucune force politique n’a prévu de fêter ce sixième anniversaire de la révolution du 25 janvier. Il n’y a eu aucun appel à manifester. Et les forces révolutionnaires se sont fait bien discrètes même sur les réseaux sociaux. C’est à croire que l’engouement des précédentes années pour célébrer la date historique du 25 janvier est en train de s’éteindre. Le ministère de l’Intérieur a interdit toute manifestation sur la place Tahrir. Ni le mouvement du 6 Avril, ni les Socialistes révolutionnaires, ni la Coalition socialiste populaire n’ont prévu de manifester cette année sur la place emblématique, sym­bole de la révolution.

D’autant plus que pour ce sixième anniver­saire du 25 janvier, un dispositif de sécurité draconien a été mis en place. Plus de 130 000 policiers ont été déployés sur les places publiques un peu partout en Egypte, dans le cadre d’un plan de sécurité mis en place par le ministère de l’Intérieur. Des barrages de contrôle ont été érigés ici et là pour prévenir d’éventuelles attaques terroristes. Selon une source de sécurité, le ministre de l’Intérieur a déclaré une alerte de niveau C dans tous ses secteurs. La station de métro de la place Tahrir est fermée. Les forces armées ont, pour leur part, sécurisé les installations importantes et vitales du pays, comme les sièges du parle­ment et du gouvernement, le bâtiment de l’Union de la Radiotélévision, la Banque Centrale, les centrales électriques et hydrau­liques, la Cité de production médiatique et les prisons, notamment Tora et Wadi Al-Natroun. La police a annoncé, mercredi 18 janvier, l'ar­restation de 9 leaders des Frères musulmans, qui « préparaient des actes de violence » en marge de la commémoration de l’anniversaire de la révolution.

Chômage et corruption

Pourquoi ce désintérêt vis-à-vis de la révo­lution ? Contrairement aux années qui ont suivi la révolution et qui ont été marquées par de multiples manifestations, les deux der­nières années n’ont témoigné d’aucune com­mémoration ou de manifestation. Hussein Abdel-Razeq, membre du bureau politique du parti du Rassemblement, confirme que son parti n’a organisé aucun événement à l’occa­sion de l’anniversaire de la révolution cette année. « Six ans après la révolution, la seule réalisation que nous avons faite est la créa­tion de la Constitution de 2014, qui fondera un Etat civil démocratique et moderne. A côté de ça, il y a eu peu de changements. Les poli­tiques économiques et sociales sont les mêmes depuis 1974. Elles comptent sur le FMI et la Banque mondiale pour se maintenir, sans jamais diminuer la dette du pays. La corrup­tion et le chômage continuent de grandir et les slogans de la révolution concernant le pain, la liberté et la justice sociale ont été jetés aux oubliettes », souligne Abdel-Razeq sur un ton pessimiste. Et d’enchaîner : « Le problème est que la situation actuelle est en train de deve­nir invivable économiquement pour une grande partie de la population, et que toutes ces frustrations vont engendrer une colère généralisée. Nous avons discuté, au sein de notre parti, de la nécessité d’alerter toutes les forces politiques, y compris les organismes d’Etat, à la gravité de la situation et des conséquences futures qui pourront apparaître si on ne répond pas aux demandes écono­miques et sociales du peuple », avertit Abdel-Razeq.

Le 25 janvier 2011, des millions d’Egyptiens étaient descendus dans les rues pour réclamer le départ de l’ancien président, Hosni Moubarak, et exiger plus de liberté et de jus­tice sociale. La révolution était basée sur le slogan : pain, liberté et justice sociale. Mais il ne s’est jamais véritablement concrétisé. Les islamistes ont profité de la révolution pour arriver au pouvoir et servir leurs intérêts, ce qui a mené à la révolution du 30 juin. Beaucoup d’Egyptiens pensent que la révolution de jan­vier, détournée par les islamistes, n’a rien rap­porté de concret, et font aujourd’hui porter à la révolution toutes les difficultés financières auxquelles est confronté le pays. Certes, la révolution ne suscite plus le même engoue­ment qu’elle suscitait il y a quelques années.

Pourtant, George Isaac, l’une des figures du mouvement Kéfaya qui a mené la contestation contre l’ancien président Hosni Moubarak, pense qu’en dépit de ce désintérêt, la révolu­tion est toujours présente. « Ce 25 janvier sera probablement une journée ordinaire qui ne verra ni grandes manifestations, ni événe­ments importants. Cela ne signifie pas que la révolution est morte. On remarque, par exemple, que l’opinion populaire a joué un rôle très important dans le sort des deux îles égyptiennes de Tiran et de Sanafir. A chaque période son combat », affirme Isaac. Et d’ex­pliquer : « Les gens sont en état d’attente. Mais cet état d’attente ne signifie pas pour autant que la force civile ne s’exprime plus ou qu’elle s’est désintéressée de tout. Et on l’a vu avec l’affaire Tiran et Sanafir ».

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