Le ministère de l’Education nationale a décidé d’appliquer un nouveau système pour les prochains examens du baccalauréat qui auront lieu en juin 2017. Selon Al-Hilali Al-Cherbini, ministre de l’Education nationale, ce nouveau système permettra d’éviter la fuite des sujets d’examens sur Internet, comme cela avait été le cas l’an dernier. Dans ce nouveau système, les réponses sont à annoter directement sur le feuillet du sujet d’examen. L’examen sera composé de 40 à 60 questions couvrant tout le programme. Celles-ci varieront entre des questions à multiples choix, des questions à compléter ou des questions en vrai ou faux. Contrairement à l’ancien système, il n’y aura pas d’expression écrite, seules quelques réponses à rédiger ne dépassant pas les quatre lignes. Pour contrer les fraudes, le nouveau système prévoit que les questionnaires distribués dans une même salle d’examen ne seront pas les mêmes. Cependant, la différence demeurera dans l’ordre des questions, pas dans le contenu du questionnaire. D’autres mesures de sécurité sont prévues pour éviter la fuite des sujets d’examens sur Internet. Sans oublier que l’impression des questionnaires «
ne sera plus effectuée par le ministère de l’Education », a déclaré le ministre de l’Education Al-Hilali Al-Cherbini, sans donner plus de détails. L’impression sera probablement faite par une instance sécuritaire.
A l’origine de ces changements, le scandale de tricherie dont a été témoin le pays l’an dernier, lorsque plusieurs sujets d’examens avaient été publiés sur le Web avant même que les examens ne commencent. Suite à cette importante fuite, plusieurs personnes ont été arrêtées et traduites en justice. Des mesures prises dès le début des examens qui n’avaient pourtant pas dissuadé les administrateurs de certaines pages Facebook de continuer à publier des sujets d’examens et leurs réponses. « Attendez la surprise », a d’ailleurs publié cette semaine l’administrateur de la page « Chaoming », l'une des pages les plus actives du Web qui publiaient les sujets du bac 2016, en réaction au nouveau système d’examen dont l’efficacité fait débat sur les réseaux sociaux.
Des avis divergents
Réda Hégazi, responsable de l’administration des examens au ministère de l’Education, a affirmé, pour sa part, que le nouveau système garantit des examens sans tricherie. Il explique qu’il sera désormais très difficile pour les tricheurs de photographier les 20 pages qui composent le nouveau feuillet d’examen et de les envoyer via 3G comme auparavant. « De même, la différence entre les copies au sein de la même salle rendra la tricherie quasi impossible », précise le ministre. Des arguments soutenus par la députée Magda Nasr, membre de la Commission de l’éducation au parlement, qui exclut la possibilité d'une nouvelle tricherie grâce à ce nouveau système. « L’attribution de l’impression des copies d’examens à un autre organe permettra d’éviter toute fuite, comme cela a été le cas l’année dernière. Même si le nouveau système ne pourra pas en lui seul stopper à 100 % le phénomène de tricherie, ces modifications sont déjà une grande avancée », estime la députée.
Des estimations infondées, selon le pédagogue Kamal Moghice, qui ne voit pas ce nouveau système comme un outil efficace pour lutter contre la fraude. « Ce n’est pas la forme de l’examen le problème, c’est d’où viennent les fuites. Il aurait été plus efficace d’effectuer une enquête au sein même du ministère de l’Education pour déterminer qui est impliqué dans les fuites des sujets d’examens. Dans le cas présent, ce sont les étudiants qui sont perdants, puisqu’ils vont passer un examen important sur un nouveau type de questionnaire qu’ils ne connaissent pas », affirme le pédagogue. De même, Moghice se demande si ce système, déjà appliqué dans plusieurs pays du monde, est adéquat au système éducatif égyptien. « Les éléments du processus éducatif sont complémentaires, et programmes et examens doivent être en harmonie. Ce système ne devrait pas être appliqué à la hâte cette année sans des études approfondies sur la nature des programmes et des méthodes d’enseignement qui préparent à ce type de questionnaires », conclut-il.
Pour l’instant, ce système reste encore confus pour les étudiants aussi bien que pour les enseignants. En plus du stress habituel, les futurs bacheliers sont encore plus inquiets par le nouveau système d’examen. Le baccalauréat dans le système éducatif égyptien a une importance toute particulière, car le pourcentage obtenu par l’élève est déterminant pour le choix de la filière qu’il intégrera ensuite. « Notre avenir n’est pas un jeu », dit un hashtag lancé sur les réseaux sociaux en contestation contre cette décision. Les étudiants s’opposent à l’augmentation du nombre de questions sans que le temps de l’examen augmente et que 30 % des questions soient à un niveau volontairement supérieur à la moyenne. « Nous avons vu en cours des exemples types de ces nouveaux questionnaires diffusés par le ministère de l’Education sur Internet pour que l’on s’entraîne. Pour certaines matières comme la physique, la chimie ou les langues étrangères, ce n’est pas mal. Mais dans d’autres matières comme les mathématiques et l’arabe, je n’ai presque rien compris. A titre d’exemple, les mathématiques demandent de passer par plusieurs étapes avant d’arriver à la résolution d’une équation. Ici, seul le résultat compte, alors qu’auparavant, la logique appliquée lors de la résolution était valorisée. Quant aux questionnaires d’arabe, je les trouve assez confus. Habituellement, nous avons des questions de rhétorique et des expressions écrites pour montrer notre niveau. Ici c’est différent. J’essaie avec mon professeur de comprendre ce qu’il faut faire », exprime Ahmad, élève en terminale.
Mauvais timing
Soliman Ibrahim, professeur de langue arabe, critique le moment choisi par le ministère pour mettre en application ce nouveau système. « Prendre une telle décision alors que nous avons déjà débuté le second semestre nous met dans l’embarras. Les professeurs se trouvent aujourd’hui obligés de modifier leurs méthodes d’enseignement pour former leurs étudiants au nouveau système d’examen », explique Ibrahim. D’après lui, il aurait été plus adéquat de faire appliquer ce système à partir de la prochaine année scolaire et sur tout le cycle secondaire, pas seulement pour les bacheliers. « A titre d’exemple, d’après la façon dont sont enseignées des matières comme la littérature, l’expression écrite et la langue arabe, répondre correctement à ce type d’examens est quasi impossible. Nous travaillons l’expression écrite et la dissertation, alors que ces examens nécessitent des réponses courtes, précises et non détaillées », explique Ibrahim. Il ajoute que face à cette décision imposée, professeurs et étudiants tentent, dans le temps qui reste, de comprendre et d’assimiler le nouveau système, afin de s’y entraîner au mieux.
Mona Abou-Ghali, membre de la page Facebook, « vos programmes sont nuls », approuve le point de vue du professeur Ibrahim. D’après elle, c’est l’ensemble du système et de ces programmes qui sont problématiques. Le contenu et la façon d’enseigner les programmes scolaires empêchent, d’après elle, les élèves d’apprendre à penser par eux-mêmes. « Au lieu d’oeuvrer à la réforme des programmes scolaires surchargés et inefficaces, le ministère de l’Education nous surprend par ce nouveau système d’examen qui n’est pas étudié d’avance. Quel est l’intérêt d’appliquer à la hâte un système qui stresse encore plus des étudiants alors qu’ils n’y sont pas du tout préparés ? », se demande Ghali. Selon elle, la véritable modification du système des examens doit toucher le fond et pas seulement la forme. « Les examens doivent en principe tester le niveau de connaissance de l’étudiant, son intelligence et ses aptitudes. Ce nouveau système ne va faire qu’appuyer le par coeurisme, qui fait déjà de gros dégâts dans le développement des étudiants égyptiens, qui, effrayés par l’examen, apprennent à la va-vite tout ce qu’ils peuvent par coeur sans comprendre le sens réel de ce qu’ils apprennent », conclut-elle.
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