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Les ONG sous surveillance

Ola Hamdi, Lundi, 21 novembre 2016

Proposé par la coalition Fi Daem Misr et adopté en première lecture par le parlement, un projet de loi sur les ONG soulève de vastes réactions au sein de la société civile.

Les ONG sous surveillance

L’approbation, en pre­mière lecture, par le parlement d’un pro­jet de loi sur les ONG, a soulevé une levée de boucliers dans les rangs de la société civile. Selon les ONG, ce projet présenté par la coalition Fi Daem Misr « consacre la main­mise du gouvernement sur le travail des associations ». Le projet en question a été envoyé au Conseil d’Etat. Celui-ci doit donner son avis sur le texte et proposer d’éventuels amende­ments. Les députés voteront alors le texte en seconde lec­ture. Le projet accorde aux ONG un délai de six mois pour « régulariser leur situation » et déclarer leurs sources de finan­cement, ainsi que leurs activités et leurs programmes au gouver­nement. L’article 13 du projet interdit aux ONG de travailler dans des domaines « qui relè­vent des syndicats ou des partis politiques ». De même, il est interdit aux ONG de se livrer à des activités qui « portent atteinte à la sécurité nationale et à l’ordre public ». Des peines allant jusqu’à cinq ans de prison et des amendes pouvant atteindre un million de L.E. sont prévues en cas de contra­vention aux dispositions de la loi.

Toujours en vertu du projet, les ONG étrangères doivent payer jusqu’à 300000 L.E. pour s’installer en Egypte. Le projet prévoit la création d’une autorité nationale regroupant des représentants des ministères des Affaires étrangères, de la Justice et de la Coopération internationale, ainsi qu’un représentant de la Banque Centrale pour gérer les ques­tions relatives au financement des ONG étrangères.

Le refus des ONG

Les ONG rejettent en bloc le projet de loi. Dans une déclara­tion conjointe, une vingtaine d’associations et plusieurs par­tis politiques dénoncent un pro­jet qui « élimine la société civile et confie sa gestion au gouver­nement et à l’appareil sécuri­taire ». « Que signifie ne pas se livrer à des activités qui portent atteinte à la sécurité natio­nale? Ce sont des termes vagues et élastiques qui ne veu­lent rien dire. Dans les faits, la loi donne à l’administration le pouvoir de décider si les activi­tés d’une association corres­pondent aux besoins de la société », dénonce Adel Ramadan, responsable juri­dique de l’Initiative égyptienne pour les droits personnels (EIPR). Selon lui, la loi va per­mettre au gouvernement de s’immiscer dans le travail des ONG « pour s’opposer à des résolutions, à des nominations dans leur conseil d’administra­tion, à la fréquence de ses réu­nions ». Même son de cloche pour Mohamad Zarée, de l’Ins­titut du Caire pour les études des droits de l’homme, qui pense que: « La loi ferme la porte à toute organisation ou association qui pourrait dans le futur vouloir s’occuper des droits de l’homme ».

Au cours des dernières années, la tension a resurgi entre l’Etat et les ONG, l’Etat voyant d’un mauvais oeil « l’in­gérence des ONG » dans la vie politique. En 2011, le ministère de la Justice avait accusé plu­sieurs ONG de recevoir des fonds illégaux. En juin 2013, la Cour pénale du Caire avait condamné à des peines de pri­son 32 membres d’ONG. 11 autres personnes avaient été condamnées à des peines de prison avec sursis. La cour avait également ordonné la dissolu­tion de plusieurs ONG étran­gères. Hafez Abou-Seada, directeur de l’Organisation égyptienne des droits de l’homme et membre du Conseil national des droits de l’homme, pense que l’Etat a toujours eu un regard suspicieux à l’égard des ONG, notamment celles qui travaillent dans le domaine des droits de l’homme. « L’Etat impose aujourd’hui des restric­tions à 40000 ONG qui tra­vaillent dans des domaines aussi variés que la santé, l’édu­cation, des femmes, et d’autres domaines, en raison de 100 ONG qui travaillent dans les droits de l’homme », conclut Abou-Seada.

Certains députés défendent cependant la loi. « La loi orga­nise simplement le travail des ONG. Il faut savoir qu’il y a en Egypte un grand nombre d’as­sociations qui travaillent sans licence et n’ont aucun statut juridique », pense la députée Mona Gaballah, du Parti des Egyptiens libres. Elle trouve normale qu’une réglementation soit mise en place pour gérer le travail des ONG. « Il y a des associations qui aident le pays. Mais il y a aussi des organisa­tions douteuses ou qui ont un financement douteux. C’est une loi pour la sécurité nationale », conclut-elle.

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