
Les travaux du barrage devraient être achevés en 2017.
Au moment où le ministre soudanais de l’Irrigation, Moataz Moussa, était au Caire cette semaine pour une visite consacrée au barrage éthiopien de la Renaissance, le Soudan annonçait le raccordement de son réseau électrique avec celui de l’Ethiopie, ce qui permettrait à Khartoum de tirer 3000 mégawatts du futur barrage éthiopien. Le Soudan entend également augmenter ses importations d’électricité depuis l’Ethiopie qui passeront de 200 à 300 mégawatts. Apparemment, Khartoum est pressé de récolter prématurément les fruits du barrage.
Les protocoles signés par Le Caire, Khartoum et Addis-Abeba donnent l’impression que les trois pays ont décidé de résoudre leurs différends sur le barrage de la Renaissance dans un cadre diplomatique, privilégiant la coopération. Le Caire craint que la construction du barrage n’affecte sa part dans les eaux du Nil, estimée à 55 milliards de mètres cubes par an. Le 24 septembre dernier, des équipes techniques issues des trois pays ont confié à des cabinets étrangers, dont les cabinets français Artelia et BRL, l’étude technique sur l’impact de la construction du barrage sur les ressources en eau du Nil. Ceci après la signature en mars 2015 de l’accord de principe entre Le Caire, Khartoum et Addis-Abeba dans la capitale soudanaise. Le Caire donne ainsi l’impression de ne pas vouloir contrecarrer les travaux de construction du barrage, voire de donner son aval à ce projet, et de s’intéresser plutôt à l’étude de ses aspects techniques, notamment son éventuel impact sur l’Egypte.
De son côté, l’Ethiopie, dans une tentative de gagner du temps, a continué les travaux de construction durant toute cette période de négociations.
54% des travaux achevés
Selon le vice-premier ministre éthiopien pour les affaires économiques, Debretsion Gebremikael, 54% des travaux de construction sont terminés. Alors que les appels se poursuivent pour l’accélération des travaux qui devraient s’achever en 2017. Un objectif difficile à atteindre, vu le rythme actuel, et ce, sans prendre en considération les problèmes politiques ou ceux liés au financement.
L’Ethiopie maintient le flou sur son engagement à respecter le résultat des études en cours. Dans une déclaration récente, le ministre éthiopien de l’Irrigation a souligné qu’aucun accord n’a mentionné la capacité de stockage globale du barrage, ajoutant que l’Ethiopie « n’accepterait jamais des restrictions à ce niveau ».
Entre-temps, la vague de protestation des Oromos contre le pouvoir éthiopien a gagné en force. Cette ethnie majoritaire tient le gouvernement éthiopien pour responsable de ses doléances sociales, économiques et politiques, notamment en matière d’allocation des ressources et de participation au pouvoir. Les Oromos se plaignent aussi des expropriations de terrains dont ils sont victimes. Le 2 octobre, un dispersement de foule a fait près de 500 victimes parmi eux, lors d’une de leurs manifestations.
L’Ethiopie a toujours reproché à l’Egypte de s’ingérer dans ses affaires, sans que ces reproches donnent lieu à une accusation officielle. Mais après l’incident du 2 octobre, le ton vis-à-vis de l’Egypte a changé. Le porte-parole du gouvernement éthiopien, Getachew Reda, a accusé sans ambages l’Egypte et l’Erythrée de soutenir les protestations à travers « le financement, l’entraînement et l’armement » d’éléments de l’opposition. Même si ultérieurement il a parlé d’une implication « probable ».
Le 13 octobre, quelques jours après ces déclarations, le président égyptien Abdel-Fattah Al-Sissi, a rejeté ces accusations, assurant une fois de plus que Le Caire a opté pour la coopération. Le ministère égyptien des Affaires étrangères a également nié l’implication du Caire dans ces protestations.
L’Egypte souhaite aboutir à un accord sur le stockage des eaux et la gestion du barrage de sorte à éviter toute atteinte à ses droits. Elle cherche à atteindre un équilibre entre le droit du peuple éthiopien au développement et son quota historique des eaux du Nil. Mais le fait de mettre en avant le partenariat et la coopération n’empêche pas chacune des parties de faire valoir de temps en temps ses cartes de pression.
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