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La volte-face de l’Eglise

Chaïmaa Abdel-Hamid, Mardi, 23 août 2016

Dans un revirement soudain, l'Eglise orthodoxe rejette le projet de loi sur la construction des églises. Une prise de position qui renvoie ce dossier épineux à la case départ.

Eglise

« Les représentants des Eglises égyptiennes ont assisté à une réunion importante, mer­credi 17 août, pour étudier le projet de loi sur la construction des églises. Mais l’Eglise a été surprise des amendements inadmissibles intro­duits sur la loi et qui représentent un danger pour l’unité nationale. Ils compliquent et entravent la construction des églises sans prendre en considération les principes de la citoyenneté. Le projet est toujours en discus­sion, il nécessite une valorisation de l’intérêt patriotique », indique le communiqué de l’Eglise orthodoxe, jeudi soir. L’Eglise s’est abstenue de commenter sa position aux médias, donnant libre cours aux diverses interpréta­tions. Mais ses propos ont été rejetés par le ministre des Affaires juridiques et parlemen­taires, Magdi Al-Agati, refusant l’idée que ce projet de loi soit une menace pour l’unité nationale. Tandis que la premier ministre a reçu le pape Tawadros II lundi dernier. « Les discussions sur la loi sont toujours en cours et les remarques de l’Eglise seront prises en considération », a répliqué Al-Agati, niant que le gouvernement avait modifié le texte final accepté. Selon le député Oussama Aboul-Magd, il est prématuré de juger le projet de loi ainsi : « La position de l’Eglise est injustifiée, alors que la loi était sur le point de voir le jour. Il fallait attendre le texte final approuvé ».

Ce revirement remet en question le sort du projet de loi sur la construction des églises. Suite à des négociations de deux ans, trois Eglises d’Egypte (orthodoxe, catholique et protestante) avaient signé, la semaine der­nière, la mouture modifiée du projet de loi, affirmant leur accord sur les nouveaux textes, censés assouplir les procédures en vigueur. Il devra être discuté, cette semaine, au parle­ment. Le pape Tawadros II, patriarche de l’Eglise orthodoxe, avait aussi déclaré, en personne, que l’Eglise n’a aucune réserve sur le projet de loi et s’attend à sa promulgation.

Le député Emad Gad s’est dit surpris de ce changement de position de l’Eglise. « Le gouvernement doit prendre au sérieux les remarques de l’Eglise, ainsi que de la com­munauté copte, sur le projet de loi. Les amen­dements doivent surtout chercher à remédier aux difficultés entravant, autrefois, la construction des églises pour trouver une solution à ce dossier », estime Gad.

Des craintes affichées

Tentant d’interpréter le changement de posi­tion de l’Eglise, Naguib Guébraïl, avocat et activiste copte, estime que le consentement de l’Eglise sur le projet de loi a été motivé par le désir d’en finir avec ce dossier. « Toutefois, la mouture approuvée par les Eglises égyp­tiennes a été critiquée par la communauté copte qui n’y voit pas de garanties sérieuses pour la construction des églises. C’est ce qui explique la position de l’Eglise réclamant des modifications précises sur les articles contro­versés », indique Guébraïl. Plus précisément l’avocat de l’Eglise orthodoxe, Ihab Ramzi, juge que, sous sa forme actuelle, le projet de loi est loin d’assouplir les restrictions impo­sées sur la construction des églises. La des­cription d’une église, la présence d’une croix ou d’une cloche au-dessus, l’autorisation des instances concernées … sont parmi les points contestés. Ramzi craint que la description figurant sur le projet de loi actuel ne puisse donner lieu à des tensions avec les salafistes. « A titre d’exemple, le texte ne stipule pas la présence d’une cloche ou d’une croix au-des­sus du bâtiment de l’église et n’évoque pas non plus le statut des bâtiments de services annexés à l’église. Laisser ces détails sans précision risque de donner lieu à des difficul­tés, surtout avec les salafistes qui se sont déjà opposés à la levée d’une croix sur un bâtiment d’église restaurée à Minya », se méfie Ramzi. L’autorisation des « instances concernées » est aussi parmi les points les plus controver­sés. « On s’est opposé au texte exigeant l’au­torisation des instances concernées pour la construction des églises. Le texte amendé n’a fait que remplacer un terme par un autre, sans fixer de normes ou conditions réglementant le refus ou l’autorisation », ajoute Ramzi, plai­dant plutôt pour une loi unifiée sur les lieux de culte pour éviter une probable discrimina­tion. La députée Marguerite Azer regrette que ces différends aient éclaté alors que la pre­mière session parlementaire est sur le point de s’achever.

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