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Eglises : Construire devient plus facile

Chaïmaa Abdel-Hamid et Gamila El-Tawila, Mardi, 21 juin 2016

Une nouvelle loi sur la construction des églises est attendue au parlement dans les prochaines semaines. Le texte devrait assouplir les procédures et conditions actuellement en vigueur.

Eglises : Construire devient plus facile
La loi actuelle sur la construction des églises est jugée restrictive. (Photo : AP )

« Nous avons accompli un long chemin, et des discussions ont lieu actuellement avec le ministère des Affaires juridiques pour finaliser le projet. Le projet sera prêt dans quelques jours », annonce à Al-Ahram Hebdo Anba Paula, évêque de Tanta et responsable des relations entre l’Eglise copte orthodoxe et l’Etat. Et d’ajouter : « Nous avons une dernière réunion cette semaine avec le gouvernement pour mettre au point les dernières retouches du projet de loi ».

Les représentants des trois Eglises égyptiennes, copte, catholique et protestante, sont, en effet, engagées depuis quelques semaines dans des discussions avec le gouvernement pour finaliser un nouveau projet de loi sur la construction des églises. Le projet, proposé en 2014 par les représentants des trois Eglises, est censé assouplir les procédures liées à la construction des lieux de culte chrétiens, jugées très restrictives. Le nouveau projet de loi assouplit certaines procédures liées à la construction des églises. Il n’exige plus l’accord du président de la République pour la construction d’une église, seul l’accord du gouverneur est requis. Celui-ci devra être donné dans un délai de 4 mois à compter de la date de la demande. L’absence de réponse est considérée comme une approbation.

La loi en vigueur, le fameux décret Hamayoni, date de l’époque ottomane. Il interdit la construction des lieux de culte chrétiens à proximité des écoles, canaux, bâtiments publics, chemins de fer ou zones résidentielles, et exige le feu vert du ministère de l’Intérieur. Dans de nombreux cas, l’application rigide de ces règles a empêché la construction d’églises dans des villes et villages habités par des coptes, surtout dans les zones rurales de la Haute-Egypte. A cela s’ajoutent les tracasseries bureaucratiques. Par conséquent, les permis sont difficiles à obtenir, plusieurs villages et quartiers n’ont pas d’églises, et certaines églises sont construites sans permis.

« La difficulté des procédures a toujours rendu ardue la construction d’une église en Egypte. A cela s’ajoute une certaine intolérance qui fait que la construction d’un lieu de culte chrétien ne soit pas la bienvenue », explique Abdel-Massih Bassit, chargé de l’église de Mostorod. Les exemples de cette intolérance sont nombreux. Cette semaine à Alexandrie, les forces de sécurité ont dû disperser le rassemblement de plusieurs centaines de personnes qui avaient encerclé le bâtiment d’une ancienne église et menacé de l’incendier. L’incident s’est produit suite à des bruits qui couraient parmi les villageois affirmant que l’église voulait transformer le domicile d’un copte en une nouvelle église. Le bâtiment a été placé sous la protection de la police.

En mars 2015, des islamistes radicaux avaient empêché la construction de l’église Notre Dame à Minya en dépit des autorisations officielles. En mai dernier, des extrémistes avaient mis le feu à un local qui servait temporairement d’église dans le village d’Ismaïliya, toujours à Minya en Haute-Egypte. Le bâtiment servait provisoirement de lieu de culte avec la permission des autorités, étant donné que l’église du village était fermée depuis 2009 pour des raisons de sécurité.

Problème de culture

Le fait qu’une nouvelle loi soit promulguée est de toute évidence très important, mais ne suffit pas en soi pour faire face aux défis à relever. C’est ce qu’affirme le penseur copte Gamal Assaad. « Cette loi a beaucoup tardé, mais quelle que soit sa forme finale, elle ne suffira pas pour résoudre le problème des tensions sectaires qui resurgissent à chaque fois qu’une église est construite », dit Assaad, affirmant que le problème n’est pas de promulguer la loi, mais surtout de garantir les moyens de son application. « Nous avons en Egypte un grand problème de mentalité, voire d’éducation qui fait que certaines personnes sont influencées par la propagande islamiste et refusent la construction des églises, estimant qu’elles vont à l’encontre des principes de l’islam. Il faut changer cette mentalité à travers le dialogue. Sinon, la loi sera inutile. Il est temps de consolider le concept de citoyenneté », dit-il.

Un avis partagé par le politologue Nabil Abdel-Fattah, du Centre des Etudes Politiques et Stratégiques (CEPS) d’Al-Ahram, qui souligne : « Il faut que le triangle égalité, liberté de croyance et citoyenneté soit garanti pas seulement par la loi qui attend sa promulgation, mais surtout par les politiques de l’Etat. La solution n’est pas de promulguer ou d’appliquer la loi. Il faut aussi changer les politiques éducatives et culturelles, et surtout le discours religieux islamique et chrétien, pour définir ces notions », dit Abdel-Fattah. Selon lui, de larges secteurs de la société ont été laissés en proie aux idées des organisations islamistes radicales et des Frères musulmans. « Il faut absolument travailler en parallèle à la loi sur le changement de ces idées, sinon, les violences se poursuivront et la promulgation de cette loi ne servira à rien », conclut le politologue.

Les étapes de construction d’une église dans la nouvelle loi

— La demande est soumise à un comité spécialisé qui doit s’assurer que toutes les conditions exigées par la loi sont remplies.

— Un délai de 4 mois est fixé pour l’approbation ou le refus de la demande de construction d’une église. L’absence de réponse est considérée comme une approbation de facto.

— L’église qui a présenté la demande peut faire appel devant le Conseil d’Etat en cas de refus ou de retard imposé par des moyens artificiels dans les procédures de construction de l’église.

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