
L'annulation de l'examen d'éducation religieuse a surpris les élèves.
Tohu-bohu aux examens du Bac cette année. Alors qu’ils s’apprêtaient à passer l’examen d’éducation religieuse, les 560 000 élèves des études secondaires ont eu la surprise d’apprendre que l’examen a été annulé ! En effet, deux heures avant l’épreuve, l’examen intégral était publié sur les réseaux sociaux, ce qui a contraint le ministère à le supprimer. Et celui-ci a été reporté à une date ultérieure à la fin des épreuves. La décision a soulevé la colère des élèves et des parents. «
C’est une mascarade. Les élèves sont soumis à une terrible tension nerveuse et voilà qu’on leur annonce que l’examen est annulé et qu’il faut tout recommencer ! », s’insurge Nadia, mère d’une jeune fille de 18 ans qui passe les examens en question. Quelques heures auparavant, l’épreuve de langue arabe avait failli elle aussi être annulée pour les mêmes raisons : la fuite de l’examen. Heureusement, cette fuite est intervenue après le début de l’épreuve, alors que les élèves étaient déjà dans les salles d’examen.
Vaste polémique
La fuite des deux examens a soulevé une vaste polémique, surtout que ce n’est pas la première fois qu’un tel incident survient. Depuis quatre ans en effet, les examens font systématiquement l’objet de fuites sur Internet et les réseaux sociaux. « L’examen de langue arabe a été diffusé intégralement sur Internet à 9h dimanche. Les élèves étaient déjà en salles d’examen. A 9h30, les réponses ont été également publiées. A 10h30, l’examen d’éducation religieuse a été publié, soit deux heures avant le début de l’épreuve, ce qui a amené le ministère à l’annuler », affirme un communiqué du ministère de l’Education. Et d’ajouter que le ministère a « agi en toute transparence dans l’intérêt des élèves ».
L’incident a provoqué un véritable branle-bas au sein du ministère. Le Parquet a été prévenu et 12 personnes ont été arrêtées dans le cadre de l’enquête.
Les examens du Baccalauréat ont une importance toute particulière en Egypte, car le pourcentage obtenu par l’élève est déterminant pour le choix de la filière qu’il intégrera. L’année dernière, les examens de physique et de langue anglaise avaient également fait l’objet de fuites sur les réseaux sociaux. « Deux facteurs conjugués sont à l’origine de cette multiplication des fuites. D’une part, l’importance des examens du Bac pour l’avenir des élèves et source d’inquiétude pour les familles, ce qui fait que beaucoup sont disposés à payer de grosses sommes pour se procurer les sujets. D’autre part, l’omniprésence des réseaux sociaux dans la vie quotidienne », explique Ahmad Radwan, professeur de langue arabe. Résultat : la triche est devenue le mot d’ordre. Des connexions Bluetooth, à la fausse carte de crédit, en passant par le tee-shirt intelligent, tous les moyens sont bons pour obtenir des résultats et ainsi intégrer médecine ou ingénierie. Et on en est même arrivé à voir dans les salles d’examens certains parents accompagner leurs enfants pour les aider ! La dernière trouvaille est une oreillette invisible qui permet de transmettre des éléments de réponse aux élèves pendant l’examen. Il s’agit d’un appareil récepteur implanté dans le conduit auditif par un médecin. Quant aux sites électroniques et pages Facebook qui diffusent les examens du Bac, ils prolifèrent sur le Web : The Chao Ming, Abilo Weddilo, Bel Gheich Etgamaana pour n’en citer que quelques-uns.
Mesures draconiennes
Le ministère de l’Education avait pourtant pris des mesures draconiennes pour faire face au phénomène de la triche et empêcher la fuite des sujets d’examens. Ainsi, la police se charge de sécuriser les écoles où se déroulent les examens. Les imprimeries sont soumises à une surveillance accrue. Et les questionnaires voyagent par avion militaire vers les régions éloignées, tandis que des blindés se chargent de leur livraison dans les zones sensibles. Cette année, les contrôles ont été renforcés dans les salles d’examen où seul le surveillant chef est habilité à avoir un téléphone portable. De plus, le ministère de l’Education a annoncé la mise en vigueur d’un décret-loi punissant les tricheurs d’un à trois ans de prison et d’une amende comprise entre 20 000 et 30 000 L.E.
Mais en dépit de toutes ces mesures, le phénomène persiste. « La multiplicité des étapes par lesquelles passent les sujets d’examens rend les contrôles extrêmement difficiles. Les examens sont d’abord rédigés par les membres d’une commission spéciale. Ils sont ensuite gardés secrets pendant quelque temps, puis transportés à l’imprimerie, et ensuite dans les lieux d’examen où ils demeurent quelque temps avant d’être distribués aux élèves. A chacune de ces étapes, les sujets peuvent être détournés », affirme Ahmad Radwan.
Et d’expliquer qu’il suffit d’une seconde pour qu’un sujet soit photographié par un téléphone portable et envoyé via Bluetooth sur Internet. Tareq Noureddine, ancien responsable au ministère de l’Education, estime que le système actuel n’est pas efficace. « Il faut des solutions drastiques. Pourquoi ne pas mettre en place en coopération avec le ministère des Télécommunications des examens cryptés imprimés une heure seulement avant le début des épreuves. On peut aussi mettre des codes en filigrane sur les feuilles d’examen, ce qui permettrait, en cas de fuite sur un téléphone portable, de savoir à qui elles appartiennent », affirme Noureddine. Mais au-delà de ces considérations, c’est l’ensemble du système éducatif qui est mis en cause. « Le système du Bac en Egypte est archaïque. Il faut totalement changer la stratégie d’enseignement. L’admission dans les universités doit être basée sur une sélection et des tests d’aptitude et non plus sur le pourcentage obtenu au Bac », pense Noureddine.
Lundi, le parlement s’est saisi de l’affaire. La commission de l’enseignement a tenu une réunion pour « examiner la crise du Baccalauréat ». Car la fuite des examens a aussi une portée politique. « Elle met en avant l’échec de l’Etat et montre que la corruption est de mise au sein du ministère de l‘Education », explique à Al-Ahram Hebdo Abdel-Rahman Boraï, membre de la commission. Dimanche, après la fuite des examens de langue arabe, l’administrateur de l’une des pages Facebook, qui ont diffusé l’examen, écrivait : « Si nous publions l’examen dans son intégralité, c’est pour montrer l’échec du système. Le ministère de l’Education doit cesser de jouer avec les rêves des jeunes et de leurs aspirations ».
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