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Les manoeuvres de Khartoum

May Atta, Mardi, 26 avril 2016

Le Caire a rejeté les demandes du Soudan d'entamer des négociations sur le Triangle de Halayeb et Chalatine, dont il réclame la souveraineté.

Les manoeuvres de Khartoum
Les tribus de Halayeb et Chalatine refusent le ralliment au Soudan.

L’Egypte a répliqué avec fermeté à la demande du Soudan d’entamer des négo­ciations autour de la région fron­talière de Halayeb et Chalatine, dont il réclame la souveraineté. « Halayeb et Chalatine sont un territoire égyptien », a déclaré cette semaine le ministre des Affaires étrangères, Sameh Choukri. Dans un communiqué publié la semaine dernière, le ministère soudanais des Affaires étrangères avait appelé l’Egypte à des négociations directes sur la souveraineté de cette région. « Le Soudan suivra les procé­dures nécessaires pour faire valoir son droit sur Halayeb et Chalatine », déclarait le com­muniqué du ministère, qui inter­vient une semaine seulement après la décision de l’Egypte de rétrocéder à l’Arabie saoudite les deux îles de Tiran et de Sanafir. Khartoum a affirmé qu’il enten­dait recourir à l’arbitrage international « si l’Egypte refuse de négocier ».

Le Triangle de Halayeb et Chalatine est une région de 20 000 km2 sur la mer Rouge, située à la frontière entre l’Egypte et le Soudan. Elle est habitée par des tribus qui se déplacent à travers les frontières. Halayeb est le portail sud de l’Egypte. Le président soudanais, Omar Al-Béchir, avait déclaré précédemment que Khartoum « possède des documents prouvant que la région lui appartient ».

Spécialiste des affaires africaines et des pays du bassin du Nil au Centre des Etudes Politiques et Stratégiques (CEPS) d’Al-Ahram, Hani Raslan assure que le Soudan n’a aucun droit de souveraineté sur Halayeb et Chalatine. « En 1899, l’Egypte et la Grande-Bretagne ont signé la Convention du Soudan. La frontière terrestre entre les deux pays suit pour l’essentiel le 22e parallèle. Halayeb et Chalatine font clairement partie du terri­toire égyptien. En 1902, le ministre égyp­tien de l’Intérieur avait adressé une demande au Soudan de régir la région de Halayeb et Chalatine car elle est proche du Soudan, mais cela ne veut pas dire que l’Egypte l'a abandonnée au Soudan », affirme Raslan. Et d’ajouter qu’en 1902, l’Egypte était encore sous le contrôle de l’Empire ottoman et n’avait donc pas le droit de vendre ou d’hypothéquer une partie de son sol sans l’accord de la Sublime porte. Le Soudan a obtenu son indépendance de la Grande-Bretagne en 1956 et a accepté le tracé des frontières de 1899.

Outil de pression

Mais en 1958, l’Egypte a été surprise par la décision du Soudan de placer la région de Halayeb et Chalatine parmi les circonscriptions électorales soudanaises. Le Caire avait alors protesté contre cette décision affirmant qu’elle viole l’accord de délimitation des frontières de 1899. En 1995, après la tentative d’assassinat de l’ancien président Moubarak à Addis-Abeba, les relations avec le Soudan se sont tendues en raison des accusations égyptiennes contre le régime de Khartoum d’avoir orchestré un complot contre l’an­cien chef de l’Etat. La question de Halayeb et Chalatine a alors resurgi de plus belle. Et l’Egypte a renforcé sa présence dans cette région. Ayman Chabana, professeur de sciences politiques à l’Institut des études africaines à l’Université du Caire, estime que le régime soudanais utilise Halayeb et Chalatine comme une carte politique. « Le régime soudanais veut détourner l’attention des Soudanais loin des problèmes politiques et économiques. N’oublions pas que Omar Al-Béchir sou­tient la confrérie des Frères musulmans. Ces derniers ont publié la carte de l’Egypte durant la présidence de Mohamad Morsi sans Halayeb et Chalatine », conclut-il.

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