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Arabie saoudite : Partenaire indispensable de l’Egypte

May Al-Maghrabi, Mardi, 12 avril 2016

Le roi d'Arabie saoudite, Salman Bin Abdel-Aziz, a achevé lundi 11 avril, une visite historique de cinq jours en Egypte. Un succès politique qui a permis de consolider le partenariat incontournable entre les deux pays sur tous les volets.

Arabie saoudite : Partenaire indispensable de l’Egypte
Salman et Sissi ont signé des accords économiques importants.

Le roi Salman d’Arabie saoudite est arrivé jeudi en Egypte pour une première visite au Caire, depuis son intronisation début 2015. Le monarque saoudien a été reçu en grande pompe par le président Abdel-Fattah Al-Sissi pour une visite de cinq jours durant laquelle les deux alliés ont signé des accords économiques importants. Le président Sissi, et le roi saoudien, Salman, n’ont pas lésiné pour montrer au monde, et à leurs peuples, la nature spéciale de leurs relations. Chaleureusement accueilli au niveau populaire et politique, le roi saoudien a permis la création d’un fonds d’investissement de 16 milliards de dollars, des projets d’aide au développement, l’annonce d’un projet de pont entre les deux pays au-dessus de la mer Rouge.

L’Egypte a aussi accepté de régler un vieux différend en cédant deux îles contestées à l’Arabie saoudite. Jeudi 7 avril, le président Sissi avait accueilli le roi Salman d’Arabie saoudite au pied de son avion à l’aéroport du Caire, selon des images retransmises en direct par la télévision publique. Les deux hommes se sont ensuite rendus à l’un des palais présidentiels du Caire, où une cérémonie officielle était organisée. Lors d’une première séance de discussions jeudi, les deux leaders ont indiqué vouloir que « cette visite soit un saut qualitatif pour les relations fraternelles et historiques entre les deux pays », selon un communiqué de la présidence. En signe d’estime, le président Sissi a attribué la médaille du Nil au roi Salman, la plus haute distinction égyptienne. La médaille lui a été accordée pour les services exceptionnels à la nation et est souvent attribuée aux chefs d’Etat étrangers amis. Un renforcement de la coopération bilatérale et des liens sur tous les volets qu’ont salué les deux dirigeants. « 90 millions d'Egyptiens vous accueillent chaleureusement dans votre second pays. L’Egypte ne peut qu’apprécier et valoriser les relations historiques, stratégiques et fraternelles qui lient l’Egypte et l’Arabie saoudite depuis des décennies. Les accords signés lors de la visite de Votre Majesté confirment la profondeur et l’importance de ces relations », a déclaré le président Sissi lors d’une conférence conjointe, vendredi. « L’Egypte tient à poursuivre la consultation et la coordination avec l’Arabie saoudite à l’égard des questions régionales et internationales », a ajouté Sissi. Pour sa part, le roi Salman a indiqué que cette visite « s’inscrit dans le cadre de consolidation des relations historiques entre les deux pays ».

Le souverain saoudien a réaffirmé le soutien de l’Arabie saoudite à l’Egypte dans toutes les circonstances. Les entretiens entre les deux leaders ont aussi porté sur les moyens d’unifier les efforts face au terrorisme planant sur la région ainsi que sur les menaces régionales et extérieures mettant en danger la sécurité nationale arabe et celle des pays du Golfe. En marge de sa visite, le monarque saoudien a tenu à rencontrer samedi le cheikh Ahmad Al-Tayeb, grand imam d’Al-Azhar, prestigieuse institution de l’islam sunnite. Ils ont discuté « des moyens de renforcer la coopération et la coordination pour propager un islam modéré et la lutte contre l’extrémisme et le terrorisme », selon un communiqué d’Al-Azhar. De même dans un geste apprécié, le monarque saoudien a rencontré le chef de l’Eglise orthodoxe, le pape Tawadros II. Avoir une relation avec l’Eglise est une première dans l’histoire de l’Arabie saoudite. Tawadros II a déclaré, suite à cette rencontre, à un journal saoudien avoir trouvé dans le roi Salman Bin Abdel-Aziz « une personnalité politique influente qui aime non seulement l’Egypte mais tous les pays arabes et musulmans, soucieux de les unifier ». Il a ajouté que l’Arabie saoudite sous le roi Salman joue un rôle stratégique dans la lutte contre le terrorisme. « Les terroristes défigurent la tolérance des religions par leurs actes atroces », a dit le pape, soulignant l’importance de dialogue entre les religions. Egalement dans une première pour un dirigeant arabe, le roi Salman Bin Abdel-Aziz a fait une allocution, dimanche 10 avril, devant le parlement. Sous les applaudissements nourris du parlement, le roi Salman a appelé à unifier les efforts pour lutter contre le terrorisme. « La mission que nous devons mener à bien ensemble, c’est la lutte contre l’extrémisme et le terrorisme », a affirmé le roi Salman devant les députés égyptiens, au quatrième jour de sa visite au Caire. « L’Arabie saoudite a réalisé la nécessité d’unifier les points de vue et les positions pour trouver des solutions pratiques à ce phénomène », a-t-il ajouté. A noter que l’Arabie saoudite a lancé fin 2015 une coalition d’une trentaine de pays majoritairement musulmans, dont l’objectif affiché est de combattre le terrorisme militairement et idéologiquement. « Nous oeuvrons ensemble pour la création d’une force arabe conjointe », a-t-il conclu, sous les applaudissements nourris des députés. Ce projet ambitieux présenté par l’Egypte avait été entériné en mars 2015 lors du sommet annuel de la Ligue arabe, mais n’a toujours pas vu le jour en raison des réticences de certains pays membres. Lundi au terme de sa visite, le roi Salman a été accueilli à l’Université du Caire, qui lui a attribué un doctorat honorifique, lors d’une cérémonie prestigieuse.

Le pont des « coeurs » égypto-saoudien

Vendredi 9 avril, le roi Salman et le président Sissi se sont mis d’accord pour construire un pont sur la mer Rouge reliant les deux pays. Le président Sissi a suggéré de le baptiser « le pont du roi Salman Bin Abdel- Aziz », mais ce dernier a préféré qu’il soit baptisé « le pont des coeurs » en symbole des relations fraternelles entre les peuples de deux pays.

« Cette décision historique, qui va relier les continents africain et asiatique, est un saut qualitatif qui va augmenter les échanges com­merciaux entre les deux continents à des niveaux sans précédent », a souligné le roi Salman, lors d’une conférence de presse. Mokhtar Ghobachi, président du Centre arabe pour les études stratégiques et politiques, estime que la visite du roi Salman a été réussie et fructueuse sur tous les volets. « Ce projet vient une nouvelle fois illustrer le soutien apporté par l’Arabie saoudite au régime du président Sissi. Il permettra de renforcer les relations entre les deux pays sur le niveau offi­ciel et populaire », se félicite Ghobachi. Outre les bienfaits économiques de ce projet, il sera, selon lui, symbole de l’unité entre les deux pays et de la volonté de la maintenir. Ghobachi explique que ce projet de construire un pont reliant l’Arabie saoudite à l’Egypte n’est pas nouveau. L’idée a émergé après la construc­tion du pont Roi Fahd entre l’Arabie saoudite et Bahreïn en 1982. En 1988, des études pré­liminaires ont été réalisées pour la construc­tion d’un pont de 50 kilomètres de long enjambant la mer Rouge à l’entrée du golfe de Aqaba. Il devrait relier Ras Hamid, dans la région de Tabbouk, dans le nord-ouest de l’Arabie saoudite, à Ras Nasrani, dans le sud de la péninsule du Sinaï, près de la station balnéaire de Charm Al-Cheikh. Sa mise en oeuvre a depuis été plusieurs fois reportée. En mai 2007, l’ancien président Hosni Moubarak avait refusé de mettre en oeuvre le projet, relancé par feu le roi saoudien Abdallah, invo­quant officiellement la tranquillité de la sta­tion balnéaire de Charm Al-Cheikh. En 2013, le projet avait une nouvelle fois été annoncé sans voir le jour.

Partenariat stratégique et intérêts mutuels

Sur le volet politique, des observateurs esti­ment que cette visite confirme la solidité des relations bilatérales entre les deux pays et contribue à endiguer les ambitions turques et iraniennes dans la région. Makram Mohamad Ahmad, écrivain, qualifie cette visite de « noyau » de la reprise de la solidarité arabe et permet de rétablir la sécurité dans la région arabe. « Ce partenariat entre l’Egypte et l’Arabie saoudite permet de combler le vide au Moyen-Orient dû aux différends intera­rabes. Ces deux pays sont les puissances régionales les plus aptes à formuler une vision unifiée sur les crises frappant la région », juge Makram. Pour sa part, Mohamad Ezz Al-Arab, spécialiste du Golfe au Centre des Etudes Politiques et Stratégiques (CEPS) d’Al-Ahram, pense que l’importance de cette visite réside dans les messages qu’elle a envoyés à plusieurs parties. Il rappelle que Riyad compte parmi les principaux soutiens du président Sissi depuis la révolution du 30 juin 2013 qui a renversé le président islamiste, Mohamad Morsi. Les deux pays se sont rapi­dement rapprochés, après la chute des Frères musulmans en juillet 2013. Ils partageaient la même vision sur le danger que représentent la confrérie et l’islam politique en général. C’est pourquoi financièrement et politiquement, l’Arabie saoudite a massivement soutenu l’Egypte ces dernières années et a apporté des milliards de dollars d’aide à une économie en plein marasme. « La portée de la visite du roi Salman en Egypte met au jour le fait que les divergences sur quelques dossiers régionaux ne sont pas assez importantes pour remettre en cause leurs relations bilatérales. L’Egypte et l’Arabie saoudite ont un intérêt commun à maintenir leurs relations stratégiques pour faire face aux menaces du terrorisme et aux dangers qui guettent la région. Un message fort et dissuasif pour les Etats-Unis qui cher­chent à raviver les tensions entre sunnites et chiites dans la région, ainsi qu’à la Turquie, au Qatar et à l’Iran qui affichent l’ambition d’avoir un rôle dans la région arabe », affirme Ezz Al-Arab. Il explique que l’Egypte a tout intérêt à maintenir et renforcer ses rela­tions avec l’Arabie saoudite, pour relancer son économie en crise depuis la révolution de 2011. Mais l’Arabie saoudite, qui connaît de graves tensions avec l’Iran chiite, liées notam­ment aux conflits en Syrie et au Yémen, a aussi besoin d’un partenaire politique de poids comme l’Egypte. « La divergence entre l’Egypte et l’Arabie saoudite n’est pas pesante sur les relations bilatérales. Elle concerne l’identification de la menace. Alors que l’Ara­bie saoudite est plus inquiétée par l’axe chiite, l’Egypte accorde la priorité à la lutte contre le terrorisme islamiste », précise-t-il.

Vision partagée par Moustapha Kamel Al-Sayed, professeur de sciences politiques à l’Université du Caire, qui indique que le plus grand pays du Moyen-Orient, l’Egypte, est un partenaire-clé pour les Saoudiens en pleine lutte contre les tentatives d’expansion chiite que ce soit de la part de l’Iran ou des Houthis au Yémen. « Ce renforcement de partenariat entre les deux pays est évident vu l’instabilité régionale, mais aussi l’intervention très forte des puissances non arabes : Turquie, Israël et Iran. Les différences de priorités n’empêchent pas l’Egypte et l’Arabie saoudite de partager un même point de vue global sur les dangers qui menacent la région. Il s’agit principale­ment de la menace terroriste, particulière­ment venant de l’Etat Islamique (EI) et de l’expansion de l’influence régionale de l’Iran avec les effets déstabilisateurs que cela sup­pose », explique Al-Sayed. Il conclut que ce partenariat stratégique égypto-saoudien est impératif pour jouer le rôle de moteur capable de faire face aux énormes défis qu’affronte la nation arabe.

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