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Du niqab aux adorateurs de Satan

Najet Belhatem, Jeudi, 25 février 2016

Une peine de prison pour un texte jugé comme une atteinte aux moeurs, une chasse aux « adorateurs de Satan », un sit-in contre l’interdiction du niqab, un oeuf miraculeux et des policiers dans la ligne de mire. C’est le coup d’oeil de la semaine.

La semaine a été marquée par le verdict de deux ans de prison à l’encontre d’un écrivain pour atteinte aux moeurs publiques. D’autant plus que ce verdict intervient après une série de verdicts similaires. « La revue Akhbar Al-Adab a publié dans son numéro 1097 un chapitre d’un roman signé Ahmad Nagui, intitulé L’Utilisation de la Vie. Un avocat, qui a jugé ce chapitre comme une atteinte aux moeurs publiques, a décidé d’intenter un procès », rapporte le journal Sada Al-Balad. Ledit chapitre, qui renferme des descriptions et des scènes érotiques, a été jugé par la cour de cassation comme une atteinte aux valeurs de la société. Le mot en arabe de l’atteinte aux moeurs est Khadch Al-Hayaa qui veut dire littéralement « égratignure de la pudeur », de quoi susciter toutes sortes de suggestions qui ont provoqué l’hilarité du Web. Comme de demander une pommade pour soigner l’égratignure !

Les sites d’information et de diffusion des écrits indépendants Mada Masr, Qol, +18, et Zahma post ont publié un communiqué où l’on peut lire « Les intellectuels ont imaginé pendant longtemps qu’ils ne pouvaient être atteints par la République de la peur qui nous gouverne et que la liberté de création est garantie. Mais les indices de violation de cette liberté sont désormais claires depuis le verdict contre le chercheur Islam Béheiri, en passant par celui-ci contre Fatima Naoot, et enfin Ahmad Nagui. Les intellectuels ne sont plus à l’abri des tempêtes de l’interdiction et de l’emprisonnement ».

La bataille contre Satan

La semaine a également été étayée par un drôle d’événement. Un groupe de jeunes égyptiens a décidé d’organiser une fête de ce qu’on appelle « les adorateurs de Satan ». Ils ont porté des t-shirts qui leur sont propres et se sont munis d’objet pour la fête. Ils se sont dirigés vers l’un des bars du centre-ville, mais les habitants et les organismes de contrôle les ont affrontés et ont interdit la fête. Le président du syndicat des Musiciens Hani Chaker (lui-même chanteur vedette) a déclaré que « le syndicat avait interdit la tenue de la fête des adorateurs de Satan, partant du fait que son rôle est de protéger la jeunesse contre les complots ourdis autour de nous », rapporte le quotidien Al-Youm Al-Sabie, et d’ajouter : « Les habitants ont assuré que les jeunes en question portaient les t-shirt des adorateurs de Satan » !

Le président du syndicat des Musiciens a affirmé, selon le site d’information Bedaya lors d’un entretien télévisé que « le retour des adorateurs du Satan encore une fois est dû à la guerre que mène l’Occident contre l’Egypte pour répandre le chaos, la déchéance morale et la fornication » ! Bon bref après quelques recherches, l’Hebdo a découvert qu’il s’agissait tout simplement en fait d’un concert de black metal.

Touche pas à mon niqab ni à mon oeuf

Décidément, personne n’est content sur les bords du Nil. Selon le quotidien Al-Shorouq, « Des dizaines de médecins et d’infirmières monaqqabat (portant le voile intégral) ont organisé dimanche un sit-in au sein de l’hôpital universitaire Qasr Al-Eïni, pour protester contre la décision du doyen de l’Université du Caire d’interdire le port du niqab dans les hôpitaux universitaires. Elles ont levé des pancartes où elles ont écrit : Mon niqab est mon honneur, ou encore : Aujourd’hui, le niqab, demain le voile, et elles ont menacé d’intenter un procès contre la décision ». Entre le verdict pour « égratignure morale », l’interdiction d’un concert de musique black metal, et celle du port du niqab dans les hôpitaux universitaires, donc publics, cherchez l’erreur et tentez de trouver une solution à l’équation. De quoi perdre son latin pour les pauvres citoyens ou plutôt … son hiéroglyphe !

N’oublions pas d’y ajouter cette information rapportée par la presse, dont le journal Al-Wafd : « Le Dr Medhat Abdel-Wahab, directeur de la station d’élevage de poulet à Chouchna dans le gouvernorat de Minya, a prétendu avoir découvert un oeuf avec le nom d’Allah, et cela durant l’opération de tri qu’il fait périodiquement. Il a dit que cet oeuf avec le nom d’Allah est d’une telle clarté qu’il confirme sa puissance. Le directeur de la station a offert l’oeuf au général Tareq Nasr, gouverneur de Minya durant sa visite à la station. Ce dernier a exprimé sa fascination et son étonnement devant cet oeuf, en affirmant que cela est l’illustration du pouvoir du Tout Puissant » !

Les agents déstabilisateurs

Et bien sûr il y a le clou de la semaine avec l’affaire des hauts-faits des agents de police. Durant les dernières semaines, ils ont été impliqués dans plusieurs violations aux droits de l’homme qui ont atteint le degré de la liquidation physique de citoyens (voir page ??????).

« L’emprise des agents de police cache un plan plus grand qui vise à déstabiliser l’Etat et répandre l’anarchie. Ce qui se passe n’est pas spontané parce qu’il se répète désormais dans tous les gouvernorats », écrit un éditorialiste dans le quotidien Al-Wafd. Le ton est donné. Du jour au lendemain, il y a une distinction nette qui est faite entre le ministère de l’Intérieur, les officiers de police et ces agents de police de moindre instruction et d’un niveau social bien plus inférieur. Le journal en ligne Al-Bédaya rapporte les propos du général Abou-Bakr Abdel-Karim, porte-parole du ministère de l’Intérieur, qui dit : « Ces actes sont inacceptables au sein de la police et deviennent un obstacle devant les responsabilités patriotiques des hommes de police. Ils donnent l’occasion d’accuser le ministère d’abus contre les citoyens ». Le quotidien Al-Shorouk rapporte, quant à lui, les propos d’un animateur d’une émission de talk-show sur une chaîne télévision locale. « Mohamad Al-Ghiti a accusé les agents de police de former des gangs plus dangereux pour l’Etat que Daech et les Frères musulmans ». Selon le quotidien Al-Watan, « Le général Mohamad Noureddine, ex-adjoint du ministre de l’Intérieur, a accusé le président de l’alliance des agents de police à Charqiya (ndlr : accusé de soulever les agents contre leur ministère) d’appartenir à la confrérie des Frères musulmans ».

Pour leur part, les agents de police ont menacé, selon Al-Shorouq, de déposer leur démission. « Des milliers pensent à démissionner du ministère de l’Intérieur après les attaques qu’ils ont subies à cause des dépassements de certains parmi eux. Les sources ont ajouté que le nombre d’agents en Egypte dépasse les 300 000, et que les exactions ne sont que des actes individuels ».

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