Plusieurs députés ont fait circuler une pétition réclamant l’annulation de l'interdiction de diffuser les séances.
(Photo : AP)
Effervescence au parlement. La décision d’interdire la diffusion des séances parlementaires a provoqué une levée de boucliers sous la voûte. «
A quoi sert cette décision ? La population a le droit de suivre les séances du parlement. Veut-on masquer les scandales qui se déroulent à l’hémicycle ? », s’insurge le député Haissam Al-Hariri, du parti
Al-Dostour. Selon lui, cette décision émane des députés de l’ancien régime qui sont hostiles à la révolution du 25 janvier et «
qui veulent masquer certaines dérives ». Il fait allusion au scandale provoqué lors de la séance inaugurale par le député Mortada Mansour qui avait insulté la révolution du 25 janvier. «
La diffusion des séances est un droit garanti à chaque citoyen par la Constitution. Celle-ci stipule que les séances soient publiques », affirme Al-Hariri. «
Au lieu d’interdire la diffusion des séances pour cacher les dérives de certains députés, mieux vaut appliquer le règlement interne et sanctionner les irrégularités commises par certains députés », critique pour sa part le député Akmal Qortam, du parti des Conservateurs.
Plusieurs députés ont fait circuler une pétition réclamant l’annulation de cette décision en vue de la présenter au président du parlement, Ali Abdel-Aal. La pétition a été approuvée par les députés des Egyptiens libres, d’Al-Dostour et de l’Egyptien social-démocrate. Par ailleurs, un procès a été intenté devant la justice par le député et avocat Mohamad Chéhata, directeur du Centre arabe pour la transparence. Celui-ci dénonce « une atteinte directe à un droit garanti par la Constitution de 2014 ».
Le député indépendant Ossama Charchar rétorque aux critiques : « L’interdiction de diffuser les séances est à 100 % conforme à la Constitution. Celle-ci s’est contentée de préciser que les séances doivent être publiques. La diffusion en direct n’est pas le seul moyen de rendre les séances publiques. Déjà, les journalistes sont autorisés à assister aux séances et publient des comptes rendus détaillés dans les journaux. Les médias audiovisuels diffusent aussi des comptes rendus des séances », indique Charchar. Selon lui, l’arrêt de la diffusion en direct vise à « préserver le prestige et l’image du parlement devant l’opinion publique ». « Les dérives de certains députés durant la séance inaugurale ainsi que le désir de se montrer chez certains députés ont affecté le rôle du parlement dont l’agenda est surchargé. C’est pourquoi cette décision a été prise », justifie-t-il. Avis partagé par le député indépendant Abdel-Fattah Mohamad, qui trouve qu’il n’est pas nécessaire « de diffuser les altercations entre les députés et certains comportements inadmissibles ».
La décision de suspendre la diffusion des séances intervient au moment où le parlement se penche sur quelque 400 textes de loi émis durant la période transitoire sous le président Adli Mansour et avant l’élection du parlement par le président Abdel-Fattah Al-Sissi.
En l’espace de 15 jours, le parlement doit décider du sort de ces lois promulguées en l’absence de pouvoir législatif. Pour accomplir cette mission, 19 comités spécialisés ont été formés au sein du parlement. Mohamad Aboul-Ghar, président du Parti égyptien social-démocrate, estime que « l’Egypte a besoin de plus de transparence et d’objectivité ». « C’est vrai que la première séance a été entachée de pratiques irresponsables. Mais il fallait remédier à ces dérives par l’autocritique et l’application du règlement interne, non par la confiscation du droit du citoyen à l’information. La diffusion des séances évite au parlement les rumeurs et les on-dit », pense Aboul-Ghar, qualifiant cette décision d’« atteinte aux principes de la démocratie ». L’adjoint du président du parlement, le député wafdiste, Soliman Wahdan, a assuré que la diffusion des séances reprendrait dans quelques semaines après la révision des lois en question et la promulgation du nouveau règlement du parlement.
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