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Séance tumultueuse

May Al-Maghrabi, Mercredi, 13 janvier 2016

Après trois ans de vide législatif, le premier parlement post-30 juin 2013 a tenu, dimanche, sa première séance. Celle-ci a été houleuse.

Séance tumultueuse
Le nouveau président du parlement, Ali Abdel-Al, lors de l'annonce du résultat.

A l’appel du président de la République, le premier parlement post-révolution du 30 juin a tenu, dimanche 10 janvier, sa première réunion, mettant ainsi fin à trois ans de vide législatif. Au terme d’une séance marathon de 17 heures, sous la direction du conseiller Bahaa Abou-Choka du Néo-Wafd (le député le plus âgé), les 596 nouveaux membres du parlement ont prêté serment et ont élu le président du par­lement et ses deux adjoints.

La course pour le poste de président a été très disputée et a vu la victoire de Ali Abdel-Al, professeur de droit constitutionnel à l’Université de Aïn-Chams, soutenu par la coalition Daem Misr, plateforme regroupant 370 députés pro-Sissi formée par Sameh Seif Al-Yazal, ancien officier de renseignements et coordinateur de la liste Fi Hob Misr, qui a remporté 120 sièges aux élections. Mahmoud Al-Chérif et Soliman Wahdan ont été élus adjoints du président.

Lors de son allocution, le nouveau président du parlement a salué le président Abdel-Fattah Al-Sissi, et a exhorté les membres du parlement à « relever les défis, en vue de concrétiser les aspirations du peuple à la justice sociale et à l’Etat de droit ». Il s’est également engagé à « protéger la démocratie » née des deux révolu­tions du 25 janvier et du 30 juin.

Les tractations qui ont précédé l’élection du président et des deux adjoints ont été extrême­ment tendues, certains députés accusant la coali­tion Daem Misr de vouloir à tout prix imposer son hégémonie sur le nouveau bureau (le prési­dent et les deux adjoints). Et la tension était même palpable au sein de la coalition. Suite à une réunion tenue la veille de la séance inaugu­rale, le député Moustapha Bakri avait annoncé son retrait de Daem Misr, qui a refusé de soute­nir sa candidature pour le poste d’adjoint, avant de revenir sur sa position. Le député Akmal Kortam, président du parti des conservateurs, s’est également retiré de la coalition pour la même raison.

L’élection de Ali Abdel-Al est perçue par certains comme le signe de la domination pro­bable de la coalition Daem Misr sur la vie par­lementaire. « C’est la première fois dans la vie parlementaire que nous avons une personnalité quasi inconnue à la tête du parlement. Nous respectons Ali Abdel-Al en tant que professeur de droit, mais il faut reconnaître qu’il n’a jamais participé au travail politique », critique l’écrivain de gauche Abdallah Al-Sennawi. Et d’ajouter : « Ceci révèle que le nouveau parle­ment sera dominé par Daem Misr, un peu comme le parlement sous Moubarak était domi­né par le PND ». Fait symbolique, les députés de la coalition Daem Misr ont pris place sur les sièges autrefois réservés au Parti National Démocrate (PND) de Moubarak. Al-Sennawi dénonce l’état de pagaille parlementaire qui a eu lieu au cours de cette séance. Celle-ci a été, en effet, marquée par une série de « turbu­lences ». Le point culminant de la séance est, en effet, intervenu lorsque le turbulent député, Mortada Mansour, président du club Zamalek, a refusé de prononcer le serment qui stipule le respect de la loi et de la Constitution, car cette dernière reconnaît la légitimité de la révolution du 25 janvier qui a renversé l’ancien président Hosni Moubarak. L’attitude de Mansour a donné lieu à un véritable tohu-bohu sous l’hé­micycle. « Je ne reconnais pas cette soi-disant révolution, et j’appelle à ce qu’elle soit suppri­mée de la Constitution », a déclaré Mansour, qui qualifie le 25 janvier de « complot ». Il a fini cependant par prêter serment après l’interven­tion de plusieurs députés.

Pas à la hauteur

Pour Réfaat Al-Saïd, cadre du parti du Rassemblement et ancien député, l’exercice des députés n’a pas été à la hauteur de l’évé­nement. « Il est honteux de voir un député critiquant la Constitution qui incarne la volonté du peuple. Chercher à se faire connaître des médias est un exercice qui ne va pas de pair avec les tâches lourdes qui incom­bent à ce parlement », critique Al-Saïd.

Soliman Wahdan, du Néo-Wafd, critique lui aussi le comportement de Mortada Mansour qui, selon lui, a porté atteinte au prestige du parlement. « La légitimité de la révolution du 25 janvier est reconnue par la Constitution et le président de la République. Si le parlement continue de cette façon, il échouera à accom­plir sa mission », souligne Wahdan.

En dépit de ces critiques, le député indépen­dant Alaa Abdel-Moneim pense que cette première séance a été « positive ». « Avec environ 600 députés, il était normal qu’il y ait quelques frictions. Il ne faut pas oublier qu’il n’existe pas au sein de ce parlement de parti majoritaire », affirme Abdel-Moneim. Il trouve que l’élection de Ali Abdel-Al est positive. « Abdel-Al possède une connais­sance profonde des lois et de la Constitution. Je trouve aussi qu’il a fait preuve de fermeté lors de cette première séance » ajoute-t-il.

Le nouveau Conseil des députés dispose à présent de 15 jours pour réviser plus de 400 textes de lois émis au cours de la période transitoire depuis le 30 juin 2013 en l’absence de pouvoir législatif.

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