
Les étudiants menaçent de boycotter les nouvelles élections.
(Photos : Al-Ahram)
L’invalidation, le 24 décembre dernier, des élections de l’Union générale des étudiants d’Egypte par le comité en charge du scrutin a provoqué une levée de boucliers dans les milieux étudiants. Les élections, organisées en novembre dernier, avaient donné gagnants deux étudiants du Courant indépendant qui ont obtenu les postes de président et de vice-président de l’Union. Mais au lieu d’entériner les résultats, le comité en charge des élections décide d’invalider le scrutin et d’organiser de nouvelles élections. Motif avancé : un problème au niveau des procédures. La décision a soulevé la colère des étudiants dans plusieurs universités qui soupçonnent une manoeuvre gouvernementale visant «
à exclure le Courant indépendant de l’Union des étudiants pour mettre à la place des représentants pro-régime ». Certains étudiants n’ont pas hésité à appeler au départ du ministre de l’Enseignement supérieur, Achraf Al-Chihi, qu’ils accusent «
d’ingérence dans le processus électoral ». «
C’est un complot du gouvernement qui veut exclure certains membres élus au sein de l’Union générale des étudiants parce qu’ils avaient déclaré dans les médias qu’ils soulèveraient des questions épineuses comme la question des détentions et celle des libertés », souligne Abdallah Anouar, le vainqueur déclaré des élections de l’Union des étudiants. Et d’ajouter : «
Le ministère de l’Enseignement supérieur a pris délibérément cette décision, car il ne veut pas avoir affaire à une union forte qui défend les droits des étudiants. Il veut une union qui se contente de fournir des services de loisirs comme les concerts et les voyages. Depuis 30 ans, l’Etat essaie d’affaiblir l’action estudiantine ».
Les étudiants menacent de boycotter les nouvelles élections que le comité entend organiser et de ne pas reconnaître les résultats. Ils s’apprêtent en outre à engager une plainte devant la Cour administrative contre le ministre de l’Enseignement supérieur et le comité des élections.
En fait, les élections estudiantines avaient eu lieu en novembre dernier, après deux ans de suspension, en raison du contexte politique et de l’absence d’une charte estudiantine. Trois millions d’étudiants sont concernés par ces élections qui permettent d’élire une union générale pour les étudiants d’Egypte et une union au sein de chaque université. Contrairement aux élections de 2013, politiquement très disputées, celles de 2015 ont connu un taux de participation très faible et 50 % des sièges ont été décidés par forfait.
Dans un communiqué publié cette semaine, 34 étudiants représentant 17 unions estudiantines à travers l’Egypte ont exprimé leur soutien à l’union générale « dissoute ». « Nous refusons les pratiques du comité électoral qui supervise les élections, de même que nous refusons la procrastination dans l’annonce des résultats. Nous sommes totalement solidaires avec l’Union générale des étudiants », affirme le communiqué. « Nous avons formé un comité de juristes et de parlementaires en coordination avec l’association Liberté de pensée et d’expression et le parti Al-Dostour, pour défendre la légitimité de l’Union. D’autres mesures suivront dans les jours qui viennent », indique pour sa part Karim Saber, porte-parole des étudiants qui invite les responsables à « s’asseoir avec les étudiants pour résoudre cette crise ».
Le ministère réagit
Face à la colère des étudiants, Achraf Al-Chihi a rétorqué dans un communiqué : « Les élections ont été tenues sous la supervision d’un comité neutre, dirigé par des professeurs d’université, et qui ne comprend en son sein aucun représentant du ministère ». Al-Chihi a reçu dimanche une délégation d’étudiants. « L’affaire a été portée devant le Conseil d’Etat. Et c’est lui qui décidera de la validité des élections », a déclaré le ministre, qui a promis d’appliquer la décision du Conseil. De même, il a promis une nouvelle charte estudiantine qui « mette fin à toutes les divergences ». Le ministère a appelé les unions élues dans les universités à commencer leur travail.
Parallèlement, 16 ONG oeuvrant dans le domaine des droits de l’homme ont critiqué la décision du comité électoral d’organiser de nouvelles élections affirmant, dans un communiqué, qu’il s’agit d’un « nouvel épisode dans la série des restrictions sur les organisations estudiantines ». Selon eux, la décision d’organiser de nouvelles élections ne peut s’expliquer que par « l’échec du courant pro-régime et la victoire des indépendants aux postes de président et vice-président de l’Union générale ». « L’annulation des élections sans base juridique va affaiblir la vie démocratique », assure Hafez Abou-Seada, président de l’Organisation égyptienne des droits de l’homme. De même, certains professeurs d’université ont soutenu les étudiants. C’est le cas de Hani Al-Husseini, professeur à l’Université du Caire et membre du mouvement du 9 mars, qui affirme que : « S’il y a un vice de procédure, c’est la responsabilité du ministère et non pas des étudiants ». Au contraire, Iglal Réfaat, professeure de sciences politiques à l’Université du Caire, trouve qu’il y a une exagération dans l’attitude des étudiants : « Je ne vais pas commenter le vice de procédure, mais je crois que la réaction des étudiants est exagérée et n’est pas justifiée. Il faut savoir que les choses ne peuvent pas être réglées par l’escalade. Les étudiants doivent faire preuve de patience, car nous sommes dans une période difficile », conclut-elle.
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