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Ahmad Abou-Zeid : Daech, Al-Nosra ou Boko Haram ont la même manière de penser, il faut les traiter de la même manière

Aïcha Abdel-Ghaffar, Mardi, 08 décembre 2015

Ahmad Abou-Zeid, porte-parole du ministère des Affaires étrangères, estime que Daech n’est pas traité de la même manière en Syrie et en Libye. Il se pose en faveur d’un traitement unique pour toutes les organisations terroristes et explique que la lutte doit aussi se faire au niveau de l’idéologie.

Ahmad Abou-Zeid
Ahmad Abou-Zeid

Al-Ahram Hebdo : Comment analysez-vous les actes terroristes de ces dernières semaines ?

Ahmad Abou-zeid : Les actes de terrorisme perpétrés à Paris, au Liban, au Mali et en Tunisie démontrent qu’il y a un changement énorme en ce qui concerne l’intensité des opérations terroristes, et précisément les opérations commises par l’organisation Daech. Cela implique de la part de la communauté internationale une révision et une réévaluation de la stratégie actuelle de lutte contre le terrorisme qui, du point de vue égyptien, manque de consistance, car elle fait une différence entre une organisation et une autre : entre Daech en Syrie et en Iraq et Daech en Libye. Nous constatons qu’il y a une grande coalition internationale contre le terrorisme de Daech en Syrie et en Iraq, ce qui n’est pas le cas en Libye.

— Pouvez-vous expliquer ce manque de consistance ?

— La communauté internationale n’a pas une vision unique vis-à-vis des organisations terroristes. Elle prend en considération le danger de Daech et ferme les yeux ou ignore des organisations comme le Front Al-Nosra en Syrie ou Boko Haram au Nigeria. L’Egypte juge que toutes ces organisations ont la même manière de penser et qu’il faut les traiter de la même manière et avec la même consistance. Cela nécessite une révision totale de l’approche actuelle et, si nous aspirons sérieusement à un ordre international capable de combattre le terrorisme international, il faut éliminer les sources de financement du terrorisme et contrecarrer ces organisations pour qu’elles n’étendent pas leurs activités à travers les frontières. Il faut protéger les frontières. Comment peut-on parler de lutte contre le terrorisme, si on n’arrive pas à gérer les frontières et à interdire l’immigration illégitime ?

Il faut abolir la pensée extrémiste qui donne naissance au terrorisme. On ne peut pas, pour certaines considérations politiques, fermer les yeux vis-à-vis de certaines organisations terroristes ou extrémistes et les intégrer dans la vie politique des Etats et à certains gouvernements au nom du multipartisme sans prendre en considération leurs pensées extrémistes, leur refus de l’autre et leur adoption de la violence.

— Quel est aujourd’hui le rôle de l’Egypte dans la lutte contre le terrorisme ?

— L’Egypte assume un rôle important à côté de son rôle dans certaines régions du Sinaï. Elle est à la tête des pays qui luttent contre le terrorisme, mais elle joue aussi un rôle dans le cadre d’Al-Azhar et de Dar Al-Iftaa afin de lutter contre une idéologie extrémiste. Elle joue aussi un rôle dans le cadre de la coalition internationale contre Daech. Elle participe aussi à un groupe de travail sur la lutte contre l’idéologie extrémiste. L’Egypte a participé dans ce contexte à une récente réunion à Londres, qui avait pour but d’étudier les moyens de confronter la propagande de Daech. Notre rôle est de confronter l’idéologie extrémiste de Daech. Ces organisations utilisent Internet et les réseaux sociaux afin de recruter des individus et de planifier des opérations terroristes.

— Comment pouvons-nous faire face à cette propagande ?

— Un de ces outils bien entendu est la sécurité des informations. Il faut suivre aussi l’activité de ces organisations sur les réseaux d’informations. Il faut faire le bilan des pensées, des opinions et de l’idéologie qui encourage la violence, le terrorisme et la haine de l’autre. Il y a bien sûr les mesures sécuritaires, mais il faut aussi propager la vraie religion et l’islam modéré à travers Al-Azhar et Dar Al-Iftaa. Le ministère des Affaires étrangères, depuis la montée de cette vague de terrorisme, a multiplié ses contacts avec l’Europe. Il y a eu la visite du président Al-Sissi à Paris, il y a une concertation avec les Nations-Unies et des concertations régionales et arabes au sein de la Ligue arabe et de l’Union africaine. N’oublions pas l’échange d’informations, central dans ce processus.

— Qu’est-ce que l’Egypte a fait concrètement pour faire face à la pensée extrémiste ?

— Comme je l’ai précisé, Al-Azhar joue un rôle primordial, Dar Al-Iftaa a traduit plusieurs ouvrages sur l’islam modéré en langues étrangères, le mufti a écrit un nombre d’articles concernant le terrorisme et a expliqué que l’islam est contre toute violence, tout terrorisme et tout vandalisme. Nous avons le site des Affaires étrangères qui publie ce matériel, très important puisqu’il y a des milliers d’étrangers qui font partie de Daech : ils ont été recrutés en France, en Allemagne, en Belgique. Ce sont des musulmans mal intégrés dans la société européenne et ils se sont joints à des organisations en Syrie, en Iraq, en Libye et, comme ils parlent des langues étrangères, il faut leur expliquer la juste religion musulmane et combattre les prétextes sur lesquels s’appuient les terroristes qui les enrôlent.

Nous organisons aussi des séminaires en Afrique, à travers l’Agence égyptienne d’association pour le développement, nous envoyons des cheikhs d’Al-Azhar et des prêcheurs dans les pays où ces organisations terroristes sont implantées, en Somalie, au Nigeria, dans la région du Sahel musulman où existent les organisations des Shebab, Boko Haram et Al-Morabitoune. Cette dernière a attaqué l’hôtel Radisson au Mali. Ce sont des organisations qui ont prêté allégeance à Al-Qaëda et à Daech.

— Comment jugez-vous les résolutions des Nations-Unies et leur rôle dans la lutte contre le terrorisme ?

— La résolution du Conseil de sécurité 1337 et d’autres résolutions intervenues après celle-ci sont considérées comme le cadre international de la lutte contre le terrorisme. Ces résolutions demandent aux Etats l’échange d’informations et la protection des frontières. La dernière résolution présentée par la France après les attentats de Paris est très importante. Le Conseil de sécurité est l’instrument à travers lequel la communauté internationale s’exprime. L’Egypte, qui se joindra à partir du 1er janvier au Conseil de sécurité et commencera à exercer ses responsabilités en tant que membre non permanent, s’attellera à réviser ces résolutions et à présenter de nouvelles propositions qui renferment les priorités que nous avons annoncées.

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