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Revue de presse : Au-delà du référendum

Najat Belhatem, Mardi, 18 décembre 2012

Certains éditorialistes prévoient le pire pour l’avenir de l’Egypte qui viendra se greffer sur la crise politique. La disparition de l’Etat de droit au profit de hordes qui font la loi. Mais du côté des islamistes, les éditos se réjouissent du résultat du référendum et prédisent un avenir radieux.

Dans un article publié dans Al-Masry Al-Youm, l’éditorialiste qui signe sous le pseudonyme Newton prédit que la crise sociale va venir se greffer sur la crise politique.

Il écrit : « L’Egypte n’a connu de crises politiques que quelques fois. Beaucoup s’attendent à des crises sociales. Quand il y a une crise politique, il se passe beaucoup de changements en Egypte. Il n’y a qu’à revenir sur les soixante dernières années. Le changement de 1952 était dû à une crise politique et les développements de l’Egypte après 1954 aussi. La défaite de 1967 s’est transformée en crise politique qui est arrivée à son apogée en octobre 1971. Les élections de 2010 ont été suivies d’une crise politique et ont abouti au 25 janvier. Nous sommes actuellement face à une crise politique, et la tenue du référendum n’y mettra pas fin. Ce n’est qu’un maillon de la chaîne. L’Egypte n’a pas connu jusque-là de crise politique suivie de crise sociale, et l’Histoire va enregistrer cette double crise prochainement. La crise politique ne se résoudra pas de sitôt, et la crise sociale ne tardera pas à venir. Ses contours sont clairs. Quand le président a reporté la décision de la hausse des impôts sur cinquante produits, il n’a fait que reporter la jonction des deux crises. La crise sociale arrivera sûrement ». Et d’ajouter : « La situation économique est désastreuse. La réserve stratégique est dans la zone rouge. Le dollar est en continuelle hausse. La Banque Centrale a arrêté de soutenir la L.E. sans justification économique. Quand l’appel à la liberté coïncide avec le cri de la pauvreté, le résultat est connu. Nous ne sommes pas devant une crise qui se terminera avec les résultats du référendum. Le fond de la crise est que le peuple est divisé. Et le président est l’une des plus importantes causes de la crise. Il ne peut plus être un vecteur de solution. Toute solution devra se faire à ses dépens. Il a perdu sa neutralité. Pour la première fois depuis des années, la présidence est sortie de la pièce de gestion de crise à celle où elle est partie prenante. Cela a eu lieu à la fin de l’ère Moubarak et c’est ainsi que son règne s’est achevé ». Le bilan dressé par Newton est pessimiste. « La crise sociale sera pesante pour tout le monde. Un gouvernement sans crédibilité, un président incapable de convaincre une grande partie de citoyens que ses décisions sont pour le bien du peuple. Des investissements nationaux craintifs. Des investissements arabes qui se tiennent au loin. Des investissements étrangers qui ne viendront pas pour le moment. Des secteurs économiques en ébullition. Le tourisme est quasi paralysé, la Bourse est fluctuante, les usines s’arrêtent. Les prix grimpent quotidiennement et les salaires ne bougent pas. Si on suit les événements, on s’attend à l’entrée en scène de couches sociales pauvres », conclut-il.

De l’autre côté de la barre, le ton est à l’optimisme. Dans le journal en ligne de tendance islamiste, Al-Masriyoune, Gamal Soltane écrit : « La manière pacifique avec laquelle s’est déroulé le référendum a ajouté un nouveau crédit à l’Egypte et à son peuple aux yeux du monde entier. Ce qui veut dire clairement que les tentatives de mettre le feu à la nation sont le fait d’une petite élite qui ne représente pas ce peuple. Le résultat du référendum illustre une approbation populaire de la Constitution, mais cela a d’autres significations indirectes, à savoir que le peuple renouvelle sa confiance à Morsi ».

D’autres expriment leurs craintes de voir l’Etat se disloquer. « Je ne vois pas de différence entre le oui ou le non lors du référendum. C’est une Constitution d’un Etat qui n’existe plus dans la réalité », écrit Osman Fekri dans le quotidien Al-Wafd. « On n’est pas dans un Etat si un groupe de personnes armées parcourt les rues en plein jour et brûlent les sièges des partis et les journaux et tout ce qui ne leur plaît pas sans s’être inquiétées. On n’est pas un Etat si des dizaines de personnes assiègent la Haute Cour constitutionnelle depuis des semaines. N’est pas un Etat là où des inconnus envahissent la station de métro de Sadate pour annoncer la désobéissance civile sans que les forces de l’ordre puissent les arrêter ». L’auteur fait un listing de tous les événements qui secouent l’Egypte où des groupes tendent à imposer la loi au vu et au su des forces de l’ordre. Des événements, dont le siège des chaînes de télévision privées bouclé pendant des jours par les salafistes qui interdisent l’accès à des journalistes.

Abla Al-Roweini reprend dans le quotidien Al-Watan : « La question dépasse le différend autour de la liberté d’expression et dépasse le conflit entre le pouvoir et la presse. Nous sommes face à la chute de l’idée de l’Etat. La disparition de la loi. L’effondrement de la sécurité. Tout cela au profit de ceux qui crient le plus fort, frappent le plus dur et menacent au nom du groupe et des alliés. C’est un retour clair à la loi de la jungle et du plus fort. Ce n’est pas une crise de démocratie, mais celle d’un esprit primitif ».

Suite à la crise politique, quelques voix certes encore timides ont fait le souhait de voir l’armée entrer en scène. « C’est malheureux et honteux que deux ans après la révolution, beaucoup d’intellectuels, voire d’organisations de la société civile, demandent l’intervention de l’armée pour renverser le processus politique en cours », écrit Emadeddine Hussein dans le quotidien Al-Shorouk. Et d’ajouter : « Ceux qui demandent l’intervention de l’armée ne veulent pas payer le prix normal du changement, à savoir faire des efforts et se diriger vers les gens partout comme l’ont fait les islamistes. En plus, qui a dit que l’armée, en cas d’intervention, va remettre le pouvoir aux civils ? Si elle le fait, elle aura deux choix. Le premier et le plus probable est qu’elle fasse venir des partis de parade proches d’elle comme cela était le cas lors de l’expérience turque en 1980. Le deuxième est que l’armée procède à des élections libres qui vont faire revenir les islamistes sur la scène ».

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