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Justice : Les Frères accusés

May Al-Maghrabi, Mardi, 18 décembre 2012

Le Parquet général poursuit l’enquête sur les violences de la nuit du 5 au 6 décembre autour du palais présidentiel.

Justice
Touché d'une balle à la tête, le journaliste Al-Husseiny Abou-Deif est décédé mercredi dernier. (Photo: AP)

Témoins et victimes des événements d’Al-Ittihadiya livraient, mercredi 12, leurs témoignages sur leur détention et les tortures subies. La réunion se tenait en présence de représentants d’organisations des droits de l’homme et d’avocats, au syndicat des Journalistes.

Les incidents, durant lesquels les manifestants anti-Constitution campant devant le palais présidentiel ont été pris d’assaut par des centaines d’islamistes

armés, ont commencé dans l’après-midi du 5 décembre pour se poursuivre jusqu’au petit matin du 6 décembre. 9 morts et plus de 700 blessés sont à déplorer.

Les journalistes ont également été ciblés lors de ces attaques : Al-Husseiny Abou-Deif, 32 ans, du journal indépendant Al-Fajr, est décédé d’une balle en pleine tête, après une semaine de coma. Le conseil du syndicat des Journalistes a déposé plainte auprès du procureur général contre les dirigeants de la confrérie des Frères musulmans pour incitation au meurtre faisant porter la responsabilité du meurtre d’Al-Husseiny Abou-Deif à Mohamad Morsi.

Des centaines de journalistes et des milliers de personnes ont participé à ses funérailles jeudi 13 décembre. Son frère Salem fulmine : « Il avait déjà été agressé devant le syndicat des Journalistes par des membres des Frères lors de sa participation à une manifestation contre la Constitution. La mort de mon frère a été préméditée, son ami qui l’accompagnait pour la couverture des événements a filmé l’un des membres des Frères musulmans désignant Al-Husseiny au tireur ».

Les forces de l’ordre accusées de complicité

Aïda Seif Al-Dawla, présidente du Centre Al-Nadim pour la réhabilitation des victimes de violence et de torture, accuse les forces de sécurité de complicité dans ces événements : «faut documenter l’affaire, qu’elle ne se termine pas comme auparavant par l’accusation d’une tierce partie occulte. Le véritable combat c’est de faire régner la force de la loi et non la loi de la force ». Adeli Malek, avocat et activiste des droits de l’homme, ajoute : « Il s’agit d’une grave entorse au droit : seule la police, sous autorisation du Parquet général, peut procéder à des arrestations. Or, là, les forces de l’ordre ont permis à des civils pro-Morsi d’arrêter des civils anti-Morsi ».

Les témoignages des victimes sont accablants. Yéhia Zakariya Negm, ancien diplomate, affirme que « des dirigeants de la confrérie entraient et sortaient du palais présidentiel sans entrave ». « Toutes sortes de barbaries ont été utilisées contre les manifestants qui étaient purement et simplement kidnappés », témoigne Ola.

« Les forces de sécurité protégeaient les supporters du président alors qu’ils jetaient des pierres et des cocktails Molotov », ajoute-t-elle. Safaa Hanna, membre du parti Al-Karama, décrit « des barbus

tenant en main des couteaux, des barres en fer et des gourdins, brandissant des photos de Morsi, scandant Allah Akbar, hurlant au djihad ».

Elle décrit le calvaire qui a suivi : « Quand j’ai demandé des soins, ils m’ont demandé d’avouer que j’appartenais au PND. Quand je refusais de répondre, ils me battaient. J’ai passé 4 heures comme ça, ligotée, et tout ça au vu et au su des forces de sécurité ».

126 détenus libérés

Le Parquet général poursuit son enquête sur les événements sous la présidence de Moustapha Khater. Le nouveau procureur général, installé par Morsi le 22 novembre, l’a d’abord limogé de son poste puis l’a réintégré face au tollé soulevé, au sein du Parquet général et des juges, par sa décision.

Khater a ordonné la libération des 136 détenus suite à ces événements, pour absence de preuve, à l’exception de 4 accusés qui étaient en possession d’armes à feu et de cocktails Molotov au moment de leur arrestation.

Les 136 détenus ont tous été livrés à la police par les Frères musulmans qui les retenaient près du palais présidentiel. Cette libération vient embarrasser le président de la République qui se disait la veille, dans son discours, certain de leur culpabilité et les fustigeait comme agents à la solde de la contre-révolution.

L’acte d’accusation de ces détenus comprenait : meurtre prémédité, terrorisme, sabotage de bâtiments publics et possession d’armes sans permis. Des plaintes ont été présentées au procureur général par des manifestants illégalement détenus et des victimes. Elles accusent le président Morsi, le premier ministre et le ministre de l’Intérieur de manquement à protéger les manifestants contre des agressions meurtrières.

Sont en outre individuellement accusés par les plaignants : Essam Al-Eriane, Khaïrat Al-Chater, Mahmoud Ghazlan et Safwat Hégazi, figures de proue de la confrérie et du courant islamiste. Ceux-là sont accusés d’avoir donné des ordres à leurs partisans organisés en « milices » d’agresser les manifestants hostiles au président.

Des vidéos montrant les discours de ces personnalités appelant leurs partisans à défendre le président contre les manifestants de l’opposition, avant et pendant les incidents sanglants du 5 décembre, ont notamment été présentées au Parquet général.

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