Des chaînes privées assiégées, une liste de personnalités publiques et politiques visées, mais aussi des menaces et agressions contre des journalistes opposants. C’est ainsi que se concrétise la position de certains partisans du régime vis-à-vis de tous ceux qui osent le contester.
Alors la Cité des médias, à l’ouest du Caire, est assiégée par des islamistes qui refusent « l’incitation » de plusieurs chaînes satellites, le QG du parti libéral Al-Wafd dans le quartier de Doqqi à Guiza, a été pris d’assaut la semaine passée.
Scandant des slogans hostiles aux libéraux et à la presse « corrompue », des centaines du mouvement « Hazemoune », partisans du prédicateur salafiste Hazem Salah Abou-Ismaïl, ont incendié le siège de ce parti et de son organe de presse à jets des cocktails Molotov. Les journalistes assiégés ont essuyé des tirs et des jets de pierre. « Les forces de l’ordre ne sont pas intervenues au moment de l’attaque et lorsqu’elles sont arrivées, ils n’ont fait que lancer des grenades lacrymogènes sur les assaillants et sur nous », témoigne Moustapha Cherdi, rédacteur en chef du journal.
D’autres journaux comme Al-Watan et Al-Masry Al-Youm ont reçu des menaces de la part de ce même mouvement, alors que le siège du Courant populaire du socialiste Hamdine Sabahi a fait l’objet d’une tentative d’attaque similaire.
Ces cibles ont en commun le fait de s’être opposés aux décrets autoritaristes du président Morsi et au projet de Constitution soutenu par les islamistes. Les salafistes entendent dénoncer ce qu’ils considèrent comme une cabale médiatique visant à décrédibiliser le président Mohamad Morsi.
« Des présentateurs et des personnalités publiques ont subi des agressions physiques et verbales à leur entrée à la Cité des médias, des studios ont été dévastés et des appels sans fard à la liquidation des journalistes et des présentateurs ont été lancés par les partisans d’Abou-Ismaïl. Voici les exercices de ceux qui se disent être pacifiques », s’insurge Gamal Fahmi, membre du Conseil du syndicat des Journalistes, mettant en garde contre un complot visant à intimider les médias opposés au régime.
Le porte-parole de la présidence, Yasser Ali, est sorti de son silence lundi pour dénoncer l’attaque contre le parti d’Al-Wafd et appeler toutes les parties à « s’exprimer sans violence». Ali a ajouté que l’attaque contre les médias constituait un « phénomène inadmissible».
Des déclarations qui devraient se traduire par des actes concrets permettant de protéger les médias et des personnalités visées. Des actes qui se font toujours attendre.
Série de décisions
De leur côté, les journalistes comme d’autres forces politiques ont décidé de serrer les rangs pour faire face aux tentatives visant à les terroriser. Une réunion d’urgence a été tenue au syndicat des Journalistes et a débouché sur une série de décisions dont la présentation d’une plainte au Parquet général contre le groupe Hazemoune et les services de sécurité qui rechignent à assumer leur rôle.
« Ces actes de violence sans précédent contre les médias indiquent que le pays est tombé sous le règne d’une bande criminelle », lance Gamal Fahmi. « Nous sommes face à un véritable défi que nous devons relever. Il s’agit de défendre non seulement la liberté d’expression mais tout un pays », estime Fahmi. L’écrivain Salah Eissa redoute de son côté que « le silence des autorités ne soit interprété par ces groupes radicaux comme un feu vert pour la liquidation des opposants ». Jeudi, une réunion rassemblera les rédacteurs en chef des journaux et des représentants des médias pour étudier les moyens de se défendre.
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