Tout a commencé lorsque Buthaïna Kishk, présidente du conseil éducatif de Guiza, ordonne l’incinération de 82 ouvrages, «
incitant à la violence », dans une école primaire privée. Les ouvrages ont été brûlés dans la cour de l’école sous les regards des élèves. Il s’agit d’ouvrages appartenant à d’anciens imams d’Al-Azhar, comme Abdel-Halim Mahmoud et Ali Abdel-Razeq et à d’autres écrivains islamistes, comme Zaghloul Al-Nagar. Il y avait également des livres sur la position de la femme en islam, publiés par le ministère de la Culture. «
Ces livres ne sont pas conformes au programme du ministère de l’Education et ne sont, donc, pas approuvés par le gouvernement », a déclaré la responsable.
L’incinération a créé une onde de choc et la polémique s’installe sur les réseaux sociaux. Certains dénoncent une grave atteinte à la pensée et à la créativité. Sur Facebook ou Twitter, on dénonce un geste « barbare », qui encourage à la violence. D’autres y voient un signe d’ignorance et de stupidité. L’Organisation égyptienne des droits de l’homme a demandé au ministère de l’Education d’ouvrir une enquête pour punir les responsables de l’incident, qui « va créer des générations d’enfants, élevées à la violence et à l’extrémisme ». Le ministère de la Culture a lui aussi critiqué l’incident, et nié que les livres brûlés incitent à la violence et au terrorisme. « Le livre L’Islam et les origines du pouvoir, du cheikh Ali Abdel-Razeq, est un ouvrage important pour tout Arabe ou musulman. Même chose pour le livre d’Osman Amin sur Gamaleddine Al-Afghani. Les autres livres abordaient des questions comme les femmes et la toxicomanie, la drogue et autres », indique un communiqué de presse du ministère de la Culture. Pour sa part, Mme Kishk s’est défendue, affirmant que parmi les livres brûlés se trouvaient des écrits du théoricien de l’islam radical, Sayed Qotb, parrain intellectuel des Frères musulmans. « L’école Fadl Al-Haditha appartient aux Frères musulmans qui l’utilisent à leurs propres fins. Les livres que j’ai ordonné de brûler avaient un contenu controversé », a expliqué Kishk. Elle affirme que dans cette école, on ne hisse pas le drapeau égyptien et on n’y enseigne pas l’hymne national. « L’objectif de l’incinération de ces livres à l’école est de donner l’exemple et d’interdire les idées d'extrémisme », dit-elle.
Pour sa part, le ministère de l’Education n’a critiqué l’incident qu’une fois la polémique a pris de l’ampleur. Le ministère a demandé une enquête sur l’affaire. Et le ministre de l’Education, Moheb Al-Rafie, a décidé d’interroger les responsables impliqués dans l’incident. Mme Kishk a été déférée devant une commission de discipline. « La lutte contre l’idéologie extrémiste ne se fait pas en brûlant les livres, mais en sensibilisant les jeunes à rejeter la violence, l’extrémisme et le terrorisme. Brûler les livres n’est pas une méthode éducative », affirme le ministère dans un communiqué. Le ministère a décidé la formation d’un autre comité pour l’examen des livres sur la religion, utilisés dans les bibliothèques des écoles. L’incinération des livres de l’école est à la fin un acte individuel. Mais il reflète beaucoup de choses sur le fonctionnement de la société égyptienne. « Si cette dame a agi ainsi, c’est sans doute pour obtenir une promotion. Cela est très révélateur de la façon dont fonctionnent les administrations en Egypte. Chacun veut faire plaisir à son supérieur », explique Dr Qadri Hanafi, professeur de sociologie politique. Il trouve étonnante également la réaction du ministère de l’Education, qui « est intervenu très tardivement une fois la polémique est installée ». Mais le plus grave, selon lui, reste la négation de l’autre : « Cela veut dire qu’on n'a pas d’arguments à présenter ». De toute manière, aucun des étudiants ne lisait ces livres. « Il s’agit seulement d’un show », conclut Dr Qadri.
Lien court: