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Dr Saïd Okacha : Israël-Palestine : « Les Etats-Unis ne veulent plus vraiment intervenir »

Maha Salem, Mardi, 24 mars 2015

Dr Saïd Okacha, analyste au CEPS, exprime sa vision sur le dossier israélo-palestinien, notamment les dynamiques du côté palestinien face à la politique d’Israël.

Al-Ahram Hebdo : Avant sa réélection, Netanyahu s’est dit contre un Etat palesti­nien puis il est revenu sur ses propos. Pourquoi d’après vous ?

Dr Saïd Okacha : Il s’agit d’une simple manoeuvre électorale. Une semaine avant les élections, la presse israélienne a publié un document signé par Netanyahu en 2013 et contenant des informations très importantes qui lui ont valu la colère de la droite israé­lienne. Car Netanyahu a dit qu’il allait présen­ter des concessions pour la reprise des négocia­tions de paix avec les Palestiniens et qu’il acceptait le retour aux frontières de 1967. Il aurait signé ce document secret en présence des Américains et des Palestiniens.

La publication de ce document lui a fait perdre la confiance de la droite israélienne et lui a causé une baisse dans les sondages. C’est pour cela qu’il s’est déclaré contre un Etat palestinien pour être réélu et cela a marché.

Cela dit, s’il est revenu sur ses propos, c’est pour deux raisons essentielles. D’abord, le refus de la communauté internationale. En insistant sur cette position, il aurait pris le risque de perdre le soutien de l’Union euro­péenne et des Etats-Unis. Ce qu’il ne pouvait pas se permettre puisqu’Israël souffre déjà d’un certain isolement. Ensuite, en raison de l’opinion publique israélienne. Il est tenu de présenter une solution pour régler la question palestinienne et mettre fin aux tensions.

— Des concessions sont-elles possibles pour parvenir à la paix comme le dit ce document ?

— Netanyahu est revenu sur ses déclarations avec une promesse à la droite israélienne de ne pas présenter de grandes concessions aux Palestiniens et de ne pas toucher à la sécurité de l’Etat hébreu. C’est un politicien très futé, il a su gagner la droite, qui présente une impor­tante masse électorale. En même temps, il a retiré ses paroles avant que ses relations avec l’étranger ne soient envenimées.

— Pourtant, on ne voit pas vraiment que les négociations de paix pourraient reprendre ...

— Il ne peut y avoir de solution à la question palestinienne que par la voie des négociations. Le coût des violences et de la guerre est énorme. Le Hamas a essayé à plusieurs reprises de trouver une solution à travers les guerres, mais les dernières pertes l’ont persuadé qu’il n’y a pas d’autres alternatives aux négociations puisque le rapport de forces n’est pas en faveur des Palestiniens. Le Hamas a mené la dernière guerre avec quatre revendications : l’arrêt du blocus de Gaza, l’ouverture permanente des points de passages, l’élargissement des zones de pêche et la libération des détenus palesti­niens. Rien de tout cela n’a été obtenu. Au contraire, la dernière guerre a eu un lourd bilan humain et économique.

Cela dit, une reprise prochaine des négocia­tions est difficile. Les relations entre les Américains et les Israéliens sont très tendues et, en raison de l’intransigeance israélienne, les Etats-Unis ne veulent plus vraiment intervenir.

— Pourquoi l’Autorité palestinienne a-t-elle menacé de rompre la coopération sécu­ritaire avec les Israéliens ?

— La poursuite de la coopération sécuritaire sert les intérêts des deux camps. Les Palestiniens brandissent cette menace, mais ne passeront pas à l’acte, car ils vont perdre eux aussi. C’était juste une manoeuvre pour redorer leur image face au peuple palestinien. Car la coopération sécuritaire concerne aussi les opé­rations du Hamas. Ce dernier organise des opérations terroristes et des complots contre les deux côtés.

— L’Autorité palestinienne a aussi mena­cé de démissionner. Pourquoi ?

— Pour faire pression sur les Israéliens. Si l’Autorité palestinienne démissionne, on se retrouvera face à deux solutions : Le Hamas contrôlera la totalité des territoires palesti­niens, ou Israël les occupera à nouveau. Et bien sûr, les deux solutions sont totalement rejetées par toutes les parties. Le Hamas est un groupe terroriste et Israël n’acceptera pas de traiter avec ce mouvement. L’autre solution est refu­sée par Israël, car elle lui causera des pro­blèmes avec la communauté internationale et lui coûtera cher. On se retrouvera à la situation de l’avant-Oslo et cela est inacceptable.

Les Palestiniens poursuivent leur offensive diplomatique et judiciaire

En laissant planer le doute sur ses intentions de paix, le premier ministre israélien a sus­cité le mécontentement de plusieurs parties, à commencer par les Palestiniens évidem­ment. Le président palestinien, Mahmoud Abbas, a ainsi jugé impossible la création d’un Etat palestinien avec le gouvernement israélien qui se profile. La direction palestinienne va pour­suivre son offensive diplomatique et judiciaire contre Israël dans les organisations interna­tionales et à la Cour Pénale Internationale (CPI), a-t-il dit. Selon Mahmoud Abbas, les Palestiniens persistent dans leurs projets : déposer le 1er avril prochain à la CPI leurs pre­mières accusations de « crimes de guerre » contre des dirigeants israéliens. Ils n’ont pas renoncé non plus à obtenir une résolution de l’Onu fixant un terme à l’occupation israé­lienne. Côté américain, Barack Obama a déclaré, dans une interview au Huffington Post réalisée vendredi et publiée samedi, que les propos de Netanyahu rendaient difficile une reprise des négociations. « Je lui ai dit que nous continuons à croire qu’une solution à deux Etats est le seul moyen pour qu’Israël connaisse la sécurité à long terme, si Israël veut demeurer à la fois un Etat juif et démocratique », a précisé Barack Obama. La France, comme les Etats-Unis, s’est dite, elle aussi, favorable à la solution des deux Etats. Quant au secrétaire général de l’Onu, Ban Ki-moon, il a demandé à Benyamin Netany ahu de confirmer son engagement en faveur d’un Etat palestinien.

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