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Le gouvernement approuve Le Caire d'Alabbar

Salma Hussein, Mardi, 17 mars 2015

L'armée égyptienne a entamé la construction de la première route reliant Le Caire à la nouvelle capitale du pays. Le projet, parrainé et majoritairement financé par le milliardaire émirati Mohamed Alabbar, provoque un immense débat depuis son annonce soudaine.

Le gouvernement approuve Le Caire d
La nouvelle capitale aura une taille équivalente à 3 fois Washington DC.

Nouvelle capitale administrative ou projet de développement immobilier juteux ? Les deux, selon le ministre du Logement, Moustapha Madbouli. Le gouvernement égyptien a en effet annoncé un plan de construction d’une nouvelle capitale à 50 km de l’est du Caire, lors de la conférence de Charm Al-Cheikh du 13 au 15 mars dernier. Il s’agit d’une nouvelle ville de taille équivalente à 12 fois Manhattan, 3 fois Washington DC, ou aussi grande que Singapour.

La première phase du projet contient un réseau de transport public, un train à grande vitesse, des routes la reliant au « vieux Caire ». Le chantier s’étend sur une superficie de 145 km2, regroupant un centre-ville, où se situe les locaux du gouvernement, un quartier diplomatique et des gratte-ciel pour héberger le monde des affaires. « Cette phase, qui sera construite en 5 à 7 ans, coûtera 45 milliards de dollars », explique le ministre. Et de poursuivre : « L’armée égyptienne a déjà commencé le creusement de la route qui lie le quartier (huppé) du Nouveau Caire (où habite actuellement le président de la République) à la nouvelle capitale ».

Les autres phases ne sont guère moins ambitieuses. Dans 40 ans, quand la population cairote aura doublé, avec plus de 35 millions d’individus, le ministre du Logement espère 0qque le projet pourra créer 1,1 million d’emplois et abriter 5 millions d’Egyptiens. La nouvelle cité au nom anglais Cairo Capital — comme l’a baptisée Madbouli — s’étendra sur une superficie de 700 km2, dont 90 km2 seront consacrés à l’installation d’une ferme éolienne qui fournira la plupart de l’énergie à la ville.

Le projet a été révélé dans la surprise générale. « Nous parlons d’une ville de niveau mondial », indique Mohamed Alabbar, président de l’entreprise de promotion immobilière Emaar, une des plus grandes échangées à la Bourse d’Abu-Dhabi, à la BBC. « Le projet a été étudié pendant quatre mois », poursuit-il. Le ministre a cependant affirmé que le projet fait l’objet d’études depuis « une longue période ».

Une entreprise mixte

Pour lancer le projet, Alabbar a créé une nouvelle entreprise, sous forme de fonds d’investissement privé appelé Capital City Partners. Le ministre du Logement a déclaré à Al-Ahram Hebdo que le gouvernement formera avec ce fonds une entreprise mixte : « Il s’agit d’une sorte de Partenariat public-privé », dit-il. Le site du fonds d’investissement privé ne dit pas grand-chose sur ce fonds. Rien sur le montant de son capital, ni sur les principaux actionnaires. Le courriel envoyé par Al-Ahram Hebdo à l’adresse électronique indiquée sur le site est resté sans réponse jusqu’au jour d’impression. Et le ministre du Logement, comme Mohamed Alabbar, se sont abstenus de répondre aux questions lors de la conférence. Moustapha Madbouli, s’est limité à expliquer que le gouvernent égyptien sera un partenaire du projet, et sa part sera évaluée selon la valeur du terrain consacré à Cairo Capital. Il n’a d’ailleurs pas indiqué le mécanisme d’évaluation utilisé, soulignant que cet emplacement est le plus cher de toutes les nouvelles banlieues du Caire. « Ce sera une entreprise mixte conforme à la loi de l’investissement », dit le ministre à l’Hebdo en marge d’une conférence de presse. Une loi qui a été promulguée un jour avant la conférence de Charm Al-Cheikh. Elle protège les entreprises et les contrats de location des terrains des poursuites judiciaires en cas de corruption. « Cette forme de partenariat garantit au gouvernement un rendement sur les profits. D’après nos études, le rendement sur ce projet s’élève à 40 % », indique Khaled Amin, expert en développement urbain et décentralisation auprès de la Banque mondiale. Il ajoute : « Le manque de transparence et d’information est choquant ». Selon lui, le peu d’informations fournies empêche d’entamer une évaluation du projet.

Ceux qui peuvent payer

Plusieurs pays ont déjà créé de nouvelles capitales administratives. La plupart ont réussi à varier les centres d’attraction urbains et à réduire la congestion de la circulation dans l’ancienne capitale. « Cependant, je n’ai jamais vu une capitale créée par le secteur privé », souligne Khaled Amin. Un projet rentable signifie qu’il est exclusivement destiné à ceux qui peuvent payer. Et Emaar, l’entreprise phare présidée par Alabbar, est réputée pour la création de projets immobiliers luxueux. Khaled Amin distingue cependant entre un projet de développement urbain et un projet de développement immobilier. Il craint que le concept annoncé par le gouvernement soit ambigu à cet égard.

Amin explique que pour déménager l’administration publique, il faudra que les 2 millions de fonctionnaires trouvent de nouveaux domiciles, ou des moyens de transports peu coûteux. « Ce sont majoritairement des citoyens de la classe moyenne ou pauvre. Ils vivent dans les quartiers les plus pauvres du Caire. Comment pourront-ils faire l’aller-retour tous les jours ? », ajoute Amin. Pour d’autres, Amr Abdel-Azim, architecte, une ville dans le style de Dubaï n’est pas la réponse aux problèmes du Caire. La proximité relative du Caire menace le succès du projet, indique Adham Sélim, chercheur en développement urbain en Allemagne sur son site. Il note que tous les exemples réussis ont créé une nouvelle capitale loin de l’ancienne, tout en soutenant des investissements publics élevés pour maintenir et moderniser la capitale originale. Sinon, il y aura une substitution de villes et non une addition.

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