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Les suites de l’affaire Al-Sabbagh

Ola Hamdi, Lundi, 02 février 2015

Les autorités ont arrêté Zohdi Al-Chami, vice-président du Parti populaire socialiste. Il est accusé d’implication dans la mort de la militante Chaïmaa Al-Sabbagh.

Les suites de l’affaire Al-Sabbagh
(Photo : AP)

Tout a commencé samedi dernier quand le dirigeant socialiste s’est rendu au Parquet pour donner son témoignage. Le Parquet de Qasr Al-Nil, présidé par le conseiller Samir Hassan, a ordonné une mise en examen de 24 heures, afin de l’interroger sur la mort de Chaïmaa Al-Sabbagh. Selon le Parquet, cette mesure intervient après avoir visionné les vidéos postées sur Internet par le département de la documentation et d’information du ministère de l’Intérieur.

L’affaire remonte à la veille du 4e anniversaire de la révolution du 25 janvier, quand la police a dispersé violemment une marche d’une cinquantaine de manifestants participant au rassemblement du Parti populaire socialiste place Talaat Harb. Leur but était de déposer une gerbe de fleurs en hommage aux victimes de la révolution du 25 janvier 2011.

La manifestation n’étant pas autorisée, les policiers ont chargé après quelques minutes, tirant des gaz lacrymogènes. C’est à ce moment que Chaïmaa s’effondre sur le trottoir. Agée de 34 ans, Chaïmaa, touchée par un tir de chevrotine, a agonisé dans les bras d’un collègue venu à son secours.

Sayed Aboul-Alaa, un autre manifestant, a essayé désespérément de la secourir, alors que la police faisait tout pour les disperser. Le rapport du médecin légiste indique qu’elle a été atteinte de tirs de chevrotine tirés à une distance de 3 à 8mètres, ce qui a provoqué « une lacération du poumon et du coeur et une forte hémorragie au niveau du thorax ».

Le Parti populaire socialiste a accusé la police dans un communiqué publié samedi dernier d’avoir tué sa militante. « Zohdi Al-Chami s’est présenté au Parquet de lui-même en tant que témoin dans le cadre de l’enquête sur l’assassinat de Chaïmaa, mais l’enquête s’est dirigée contre lui. La détention d’Al-Chami est totalement irrationnelle. Une équipe d’avocats va porter une plainte auprès du bureau du procureur général Hicham Barakat, contre la détention injuste de Zohdi, sans prendre en compte son état de santé », assure Moetaz Al-Chennawi, membre du parti.

Talaat Fahmi, secrétaire général du parti, affirme que le parti a pris la décision de demander au Parquet général de nommer un magistrat, pour assurer l’intégrité de l’enquête.

Le lendemain de la mise en détention, le président du parti, Abdel-Ghaffar Chokr, et vice-président du Conseil national pour les droits de l’homme, ont assuré que le Parquet n’accuse pas Al-Chami d’avoir tué Chaïmaa, mais d’avoir organisé une manifestation sans autorisation. Il a demandé d’attendre le résultat de l’enquête. Il ajoute que « Zohdi est un homme âgé, malade et responsable. Il n’a pas pu tuer un de nos membres ».

Du côté officiel, Abdel-Fattah Al-Sissi a interpellé le ministre de l’Intérieur, Mohamed Ibrahim, pour que la vérité soit établie dans le meurtre de Chaïmaa, lors d’une réunion rassemblant des ministres et des personnalités politiques et religieuses. « Nous devons établir la vérité sur l’assassinat de Chaïmaa. Nous devons prendre en considération les droits de l’homme », a déclaré le président aux représentants de la police et de l’armée.

Al-Sissi a appelé le ministre de l’Intérieur à poursuivre la personne responsable de sa mort. En réponse, Mohamad Ibrahim a promis « aux gens que s’il s’avère qu’un policier ou un soldat a tiré sur elle, je le livrerai moi-même à la justice ».

La mort de l’activiste a suscité une vive émotion en Egypte, alors que le pays commémore le quatrième anniversaire de la chute de Moubarak. Le 29 janvier, des femmes se sont réunies à l’endroit même où Chaïmaa a reçu les balles pour réclamer une enquête sur sa mort. Elles ont scandé: « Le ministre de l’intérieur est un voyou » et réclamé sa démission.

Le rejet des ONG

« Les avocats sont surpris que le procureur ait décidé d’arrêter Al-Chami, d’après des enquêtes de la sécurité nationale affirmant qu’il est soupçonné d’avoir porté une arme durant la manifestation », raconte Mohamad Abdel-Aziz, avocat et directeur du Centre d’Al-Haqqaniya du droit et des avocats. Cette ONG a publié un communiqué de presse assurant que diriger l’accusation vers le vice-président du parti est une tentative de protéger les tueurs du ministère de l’Intérieur, et de transformer la victime en accusé.

« On a essayé de prouver l’invalidité des rapports incriminant Zohdi Al-Chami. Ces rapports émanent du ministère de l’Intérieur, alors qu’il est lui-même visé par une plainte dans la mort de Chaïmaa. Le Parquet a, malgré nos efforts, maintenu ses accusations contre le vice-président du parti », ajoute Abdel-Aziz. D’après le communiqué, le Parquet a accusé Al-Chami de rassemblement illégal, et de trouble à l’ordre public, de démonstration de force, et de résistance aux autorités publiques.

L’organisation Human Rights Watch a appelé le procureur général à poursuivre l’enquête jusqu’à trouver le responsable de l’assassinat de Chaïmaa. Zeid bin Raad Al-Hussein, chef du Haut-commissariat des Nations-Unies aux droits de l’homme, a exprimé sa profonde préoccupation pour la mort d’environ 20 manifestants lors d’affrontements avec les forces de sécurité en Egypte ces derniers jours. Il a appelé le gouvernement égyptien à prendre des mesures urgentes pour mettre fin à l’usage excessif de la force par les forces de sécurité. « Des centaines de manifestants ont été tués lors de manifestations depuis 2011. L’absence de jugement des responsables de ces violations encourage les forces de sécurité à poursuivre dans la voie de la violence », conclut-il.

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