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Dépréciation de la livre égyptienne : Les grands points du débat

Marwa Hussein, Lundi, 02 février 2015

La décision de la Banque Centrale d'Egypte (BCE) de déprécier la livre face au dollar a créé une controverse. Compte-rendu du débat sur la dépréciation et suivi de son impact sur les produits de consommation et le marché noir du billet vert.

Dépréciation de la livre égyptienne : Les grands points du débat
(Photo:AP)

Pour


Le timing
Les partisans de la décision estiment le moment propice étant donné la baisse des prix internationaux du pétrole et de certaines denrées alimentaires. « Nous avons de la chance et il fallait saisir l’opportunité », dit Névine Al-Tahri. Elle rappelle que le dollar est en hausse partout dans le monde. Pour les partisans, la dévaluation était inévitable et la BCE a saisi le bon moment qui pourra mitiger l’effet sur le déficit budgétaire et l’inflation.

L’inflation
Les prix n’augmenteront pas, car déjà avant la dépréciation, les milieux d’affaires tenaient compte des prix sur le marché noir et pas du prix officiel. Il se peut que certains commerçants soient tentés d’augmenter les prix, mais cela sera pour une courte durée.

Marché noir
Le prix du dollar sur le marché noir a baissé en dessous des 8 L.E. Il se rapprochera du prix officiel, pas du jour au lendemain, mais graduellement. Le dollar en marché noir a longtemps été surévalué en Egypte. Il circulait peu. C’est pourquoi le prix du dollar a baissé lors du lancement des certificats du Canal de Suez. Plusieurs ont vendu leurs dollars pour profiter du taux d’intérêt élevé sur ces certificats.

Exportation Importation
L’avenir du pays est de devenir un pays exportateur de biens et de services, ce qui ne risque pas d’arriver tant que l’Egypte est un pays cher. Mohamad Taymour a donné l’exemple des pays asiatiques qui avaient dévalué leurs monnaies, « une fois industrialisés, leurs monnaies locales ont augmenté ».

Budget
Le déficit budgétaire ne sera pas négativement affecté par la hausse du dollar, vu que les recettes du Canal de Suez et douanières, converties en L.E., vont augmenter. « L’effet sur le budget sera minime, selon nos calculs », dit Mohamad Taymour. Alors que d’autre part, le flux d’investissement va augmenter grâce à la dépréciation, ce quipeut servir à redresser la situation économique. Le pari de la BCE est sur l’attraction de plus d’investissements.

Contre

Le timing
Les opposants, pour leur part, argumentent que le pays passe par des conditions exceptionnelles, et que le gouverneur de la BCE pouvait attendre entre 3 et 6 mois avant de considérer une telle décision. « Il fallait attendre après la conférence économique, prévue en mars, pour voir la réaction des investisseurs. La politique du taux de change doit faire partie d’un programme économique », dit Fakhri Al-Feqi, tout en rappelant que les prix sur le marché local ne sont pas flexibles, ils augmentent avec la hausse des prix mondiaux mais ne baissent pas avec leur régression. Pour lui, la mesure serait plus acceptable si elle était accompagnée par un flux d’investissement qui va créer des emplois et augmenter l’offre en dollar.

L’inflation
Le gouvernement veut diminuer encore plus les subventions à l’énergie, ce qui aura son impact sur l’inflation. Avec la dévaluation, l’inflation se fera plus sentir par les catégories les plus démunies, entraînant des conséquences sociopolitiques négatives.

Marché noir
La balance des paiements souffre d’un déficit chronique depuis des décennies, ce qui s’est reflété par un manque en devises étrangères susceptible de durer, vu que les sources de devises étrangères, comme le tourisme et l’investissement direct étranger sont sérieusement en baisse depuis 2011. Il ne s’agit donc pas d’une situation que l’on peut régler avec une potion magique. « La dépréciation ne va pas unifier le prix du dollar ; le prix sur le marché noir augmentera avec l’augmentation de son prix officiel », dit Sultan Abou-Ali.

Exportation Importation

La dépréciation de la monnaie locale ne se traduira pas par une hausse des exportations vu que la production elle-même est limitée. Au cours des 30 dernières années, la dépréciation de la L.E. n’a jamais mené au redressement de la balance commerciale, ni à la hausse des exportations. La grande dévaluation de 2003 en est l’exemple le plus évident.

Budget
Ce que prétendent les partisans de la dévaluation est théoriquement correct, mais dans la pratique, les recettes douanières n’augmenteront pas si les importations baissent. En outre, l’Egypte importe une grande partie du blé et de produits pétroliers, la dévaluation va contrer l’effet de la baisse des prix internationaux de ces produits.

Nouvelle augmentation du dollar

La Banque Centrale d’Egypte (BCE) a permis aux banques d’élever leur marge de profit provenant de l’échange du dollar sur le marché égyptien. La nouvelle marge peut aller jusqu’à 10 piastres de plus que le taux fixé par la BCE, contre 3 piastres auparavant. Et ce, pour permettre aux banques de récupérer une partie des échanges effectués hors des canaux officiels. Il s’agit donc de continuer la lutte contre le marché noir, ou au moins de réduire l’écart entre le prix officiel et celui du marché noir. La décision, prononcée le 29 janvier, est intervenue après une série de hausses du taux officiel du dollar qui n’a cependant pas atténué le marché noir, où le prix du dollar a continué à augmenter.

Sur un autre front, le dollar a augmenté face à la L.E. pour atteindre 7,51 L.E. contre 7,49 L.E. le 1er février, lors d’une enchère pour la vente du dollar par la BCE. Cette dernière a offert 40 millions de dollars à cette enchère. Le prix atteint est le plus bas de la livre depuis le lancement du système des enchères pour la vente du dollar en décembre 2012.

Qui a participé au débat?

La faculté de l'économie et de la science politique à l'université du Caire a organisé un débat entre deux groupes d'experts qui se sont penchés sur cette décision. Sultan Abou-Ali, ancien ministre d'Economie, et Fakhri Al- Feqi, professeur d'économie, se sont prononcés contre, alors que Mohamad Taymour, président de Pharos Holding pour l’investissement financier, et Névine Al-Tahri, présidente et directrice générale de Delta Shield pour l’investissement, l’ont défendue.

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