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La détresse des ouvriers de Mahalla

May Atta, Mardi, 27 janvier 2015

Après une semaine de grève, le calme est revenu à l'usine de textile de Mahalla. Mais les ouvriers, qui protestaient contre le non-paiement des primes de fin d'année, dénoncent la mauvaise gestion et l'absence d'une solution durable à leurs problèmes.

Les ouvriers réclament une meilleure gestion de leur entreprise.
Les ouvriers réclament une meilleure gestion de leur entreprise. (Photo : Abdel-Hamid Eid)

Mahalla à 140 kilo­mètres du Caire. Tout le monde se souvient encore des fameuses manifestations de 2006, qui avaient mené à la création du mouvement de protestation du 6 Avril, fer de lance de la révolution du 25 janvier. Après les grèves de la semaine dernière, le calme semble être revenu à l’usine de textile de la compagnie Ghazl Al-Mahalla. La grève avait commencé le 13 janvier et avait réuni des milliers d’ouvriers qui protestaient contre le non-paiement des primes de fin d’an­née. « Chaque année, c’est le même problème. On nous dit qu’il n’y aura pas de prime de fin d’année, car les bénéfices réalisés par la compagnie sont modestes», déploreNagui Heider, ouvrier de l’usine. Et d’expli­quer que les problèmes de fond ne sont jamais résolus, comme la mauvaise gestion de l’entreprise. Après de lon­gues tractations, la direction a annoncé que le premier ministre Ibrahim Mahlab avait accepté le versement aux ouvriers des primes annuels. Ahmad Moustapha, chef de la Holding du tis­sage et de la filature, a annoncé aussi la démission de Farag Awad, commis­saire de la société, à cause du déficit de la société et la nomination à sa place d’Ibrahim Badr. Un moyen sans doute d’apaiser la colère des ouvriers.

L’usine de Mahalla est l’une des plus anciennes de l’industrie textile égyptienne. Elle date de 1932 et compte à ce jour 17000 travailleurs. En décembre 2006, des milliers de travailleurs de l’usine avaient fait grève pendant plusieurs jours pour obtenir, sous forme de primes, une part des bénéfices de l’entreprise. Seule la promesse du gouvernement de verser à chaque ouvrier l’équi­valent d’un mois et demi de salaire avait mis fin à la grève. Les grèves ont cependant repris au cours des années suivantes. En septembre 2007, des milliers d’ouvriers s’étaient à nouveau mis en grève. Leur revendication: un salaire mini­mum de 1500 L.E. Et le 6 avril 2008, une grève générale et de grandes manifestations ont été organisées à Mahalla pour protester contre la hausse des prix et la paupérisation de la société égyptienne. Des affrontements avec les forces de l’ordre ont fait alors 2 morts et plus de 200 per­sonnes ont été arrêtées. Depuis la révolution du 25 janvier, les revendications des ouvriers se sont élargies. Aujourd’hui, les ouvriers ne récla­ment pas seulement le paiement des salaires et la distribution des bénéfices, mais également une meilleure gestion de l’entreprise. « Après les grèves de la semaine dernière, les responsables politiques ont annoncé la démission de Farag Awad. Il n’avait pas de charisme et ne prenait pas de mesures qui poussent l’usine vers le haut. Nous sommes heureux de la nomination d’Ibra­him Badr à ce poste », affirme Waël Habib, ouvrier.

Les problèmes de fonds persistent

Pour autant, le succès de cette nouvelle grève ne permettra pas de résoudre les difficultés que traverse l’industrie du textile, touchée par une crise bien plus profonde que la mauvaise ges­tion des usines. « Si l’Etat n’aide pas les usines, rien ne pourra changer. La Banque d’investis­sement doit nous verser prochainement 250 millions de L.E. C’est un point positif, mais l’usine a besoin de beaucoup d’investissements pour réaliser des bénéfices. Nous avons besoin de nou­velles machines, et d’augmenter le nombre de travailleurs qui est passé de 27000 en 2006 à 17500 aujourd’hui. Nous avons besoin d’un coton de bonne qualité. Le gouverne­ment exporte le coton égyptien de bonne qualité et importe du coton du Soudan de mauvaise qualité. Nous ne pouvons pas entrer en compétition avec les autres producteurs avec des produits fabriqués à base du coton soudanais », explique Habib.

La modernisation des usines a besoin d’un plan gouvernemental, organisé et sérieux, qui permet aux usines de réa­liser des bénéfices et de rendre les salaires des travailleurs plus conve­nables. Pour Kamal Abbas, ancien cadre ouvrier, ce plan vital pour l’in­dustrie doit se faire en coopération avec les travailleurs. « Le gouverne­ment a commencé par annoncer un plan de restauration des usines par le ministère de l’Investissement. C’est une étape positive, mais il faut que les ouvriers participent avec le gouverne­ment à la mise en place de ce plan. En tout état de cause, le gouvernement n’a pas vraiment le choix: Il doit réparer et moder­niser les usines pour maintenir ces emplois dans l’industrie, sans cela, il s’expose à voir les gens descendre à nouveau dans les rues ».

Le politologue Yousri Al-Azabawi analyse la situation. « Le gouvernement n’a pas beau­coup de solutions. L’industrie du textile en Egypte est dans l’impasse et il faut beaucoup d’argent pour la relancer. Pour éviter la grogne, l’Etat cherche à apaiser à chaque fois les ouvriers avec des calmants », affirme Al-Azabawi. Mais dans le fond, les mêmes problèmes persistent.

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