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Justice : Les Palestiniens et leur droit

Maha Salem avec agences, Mardi, 20 janvier 2015

La Cour pénale internationale a décidé un examen préliminaire, en prélude à une enquête sur des crimes de guerre présumés d’Israël en Palestine. Mais le chemin reste long pour qu’Israël soit jugé.

Comme prévu, Washington a qualifié d’ironie tragique et Israël de scandaleuse, la décision prise vendredi dernier par la Cour Pénale Internationale (CPI) d’ouvrir un examen préliminaire, étape préalable à une enquête sur des crimes de guerre présumés en Palestine. Pour le porte-parole du département d’Etat Jeff Rathke, c’est une ironie qu’« Israël, qui a fait face à des milliers de roquettes terroristes tirées contre ses habitants et leurs quartiers, soit maintenant l’objet d’un examen de la part de la CPI ». Profitant de cet appui, le premier ministre israélien, Benyamin Netanyahu, a affirmé qu’il rejetait la décision de la CPI. Il a insisté sur le fait que cet examen préliminaire était absurde du fait que l’Autorité palestinienne coopère avec le Hamas.

Ce dernier est, selon l’Etat hébreu, un groupe terroriste qui commet des crimes de guerre, « alors qu’Israël combat la terreur dans le respect du droit international et dispose d’un système judiciaire indépendant », a ajouté M. Netanyahu. Selon lui, Israël, qui ne figure pas parmi les 123 Etats à avoir adhéré au Statut de Rome à ce jour, ne devrait pas coopérer avec la Cour et comme la Palestine n’est pas un Etat, la CPI n’a aucune juridiction sur elle, d’après les règles mêmes de cette cour. Or, selon les experts cela est faux. « La Palestine en tant qu’Etat observateur peut avoir recours à la CPI. Mais, Israël a la capacité de renverser les faits et les Américains l’aident et le soutiennent comme toujours, même s’il commet de graves crimes. Américains et Israéliens savent pertinemment que la moindre investigation dévoilera l’implication et la culpabilité israéliennes », affirme Dr Mohamad Gomaa, analyste au Centre des Etudes Politiques et Stratégiques (CEPS) d’Al-Ahram au Caire. Côté palestinien, on se déclare satisfait. « Tout se passe comme prévu », a déclaré, à l’AFP, le chef de la diplomatie palestinienne, Riyad Al-Malki. « Aucun Etat, personne ne peut arrêter ce que nous avons lancé, et au bout du compte c’est une véritable enquête qui aura lieu après l’enquête préliminaire ».

En effet, l’examen préliminaire lancé par la CPI est la dernière conséquence de l’offensive diplomatique, déclenchée à l’Onu par les Palestiniens, qui avaient adhéré à la Cour le 2 janvier. En réaction, Israël avait alors suspendu le versement d’une centaine de millions d’euros de taxes, collectées pour le compte de l’Autorité palestinienne.

Base raisonnable

Mais le chemin est encore long. Pour défendre sa décision, le bureau du procureur a expliqué qu’un examen préliminaire sert à déterminer s’il existe une base raisonnable pour ouvrir une enquête. « Le procureur analysera, en particulier, les questions liées à la compétence, à la recevabilité et aux intérêts de la justice », précise un communiqué de la CPI. L’adhésion de la Palestine à la CPI autorise aux Palestiniens de demander des comptes aux dirigeants israéliens, pour des opérations militaires futures à Gaza, ou pour l’occupation par Israël de la Cisjordanie, notamment. Le procureur pourra ouvrir des enquêtes dès le 1er avril 2015.

En même temps que sa demande d’adhésion, l’Autorité palestinienne avait envoyé à la CPI un document, autorisant le procureur à enquêter sur des crimes, présumés commis dans les territoires palestiniens occupés depuis le 13 juin 2014. C’est à cette date qu’Israël avait déclenché une vaste campagne d’arrestations en Cisjordanie occupée, suivie de la guerre à Gaza. Cette campagne d’arrestations avait débuté au lendemain de l’enlèvement, en Cisjordanie, de trois jeunes Israéliens, qui ont, ensuite, été assassinés. Pendant les trois mois qui ont suivi, plus de 2000 Palestiniens ont été arrêtés dans ce territoire et à Jérusalem. Le cycle de violence s’est ensuite emballé, notamment dans la Ville sainte, secouée par des affrontements et plusieurs attentats. Moins d’un mois plus tard, Israël lançait sa troisième offensive contre la bande de Gaza en six ans, provoquant la mort de près de 2 200 Palestiniens, en grande majorité des civils. Quant à l’ONG Amnesty International, elle a affirmé que cet examen préliminaire pourrait, éventuellement, mener à une enquête de la CPI sur les crimes commis par toutes les parties en Israël et en Palestine et briser la culture de l’impunité, qui a perpétué un cycle de crimes de guerre et de crimes contre l’humanité.

La CPI, installée à La Haye, est compétente pour poursuivre des auteurs présumés de génocide, crimes contre l’humanité et crimes de guerre commis depuis le 1er juillet 2002. Dans le passé, l’Autorité palestinienne avait déjà tenté de reconnaître la compétence de la Cour, mais un examen préliminaire avait conclu que la CPI ne pouvait ouvrir une enquête car la Palestine ne disposait, à l’époque, que du statut d’entité observatrice à l’Onu. La Palestine a obtenu, depuis fin 2012, le statut d’Etat observateur, ce qui lui permet d’adhérer à de nombreuses conventions internationales, dont la CPI. Mais rien n’est encore gagné pour les Palestiniens. Il faudra attendre encore longtemps pour voir la CPI se prononcer et, en l’absence de collaboration de la part d’Israël, l’enquête sera difficile. En attendant, les Palestiniens subiront davantage de représailles de la part d’Israël. « On s’attend à des décisions et des mesures bien plus graves que les déclarations israéliennes actuelles; pour punir les Palestiniens qui ne cherchent que leur droit », prévoit Dr Gomaa.

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